Le chant des loups

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Le martèlement des sabots d'Hasufel se répercutait dans le corps d'Aragorn. La nuit était encore jeune, et l'aube ne poindrait pas avant plusieurs heures. Les paysages nocturnes défilaient autour et les ombres semblaient dissimuler de sombres créatures pouvant leur sauter dessus à tout moment. De longues plaines les encerclaient et les brins étaient parfois assez grands pour venir caresser le ventre des montures. Les journées étaient longues, et la nuit venue, chacun dormait comme il le pouvait, blotti dans quelque creux du terrain ou caché sous les épais buissons d'épines qui s'agglutinaient en maints endroits.

L'état de Legolas restait désormais stable et la weasse, dont Aragorn avait pris soin de conserver de nombreuses feuilles dans ses sacoches, aidait l'Elfe à se maintenir en vie.

Les Montagnes Bleues se profilaient à l'horizon, s'agrandissant au fur et à mesure qu'ils progressaient à travers les plaines. Il leur faudrait passer entre les montagnes, mais la région était dangereuse, peuplée de meutes de loups assoiffés de sang. La neige et le froid leur seraient tout aussi mortels, aussi devraient-ils prendre garde à ne pas laisser leur corps se refroidir.

— C'est assez étrange, souffla soudain Legolas, faisant sursauter Aragorn, de sentir la vie quitter lentement votre corps.

Aragorn ne sut que répondre, aussi se mura-t-il dans le silence.

Ils s'engagèrent sur un sentier étroit qui s'enfonçait dans les montagnes. Un ravin ne tarda pas à s'ouvrir à leur droite, et ils poussèrent leurs chevaux contre la paroi de pierre pour ne pas risquer de tomber dans le vide. Des couches de neige s'agglutinaient sur et autour du sentier, et l'air était gelé, refroidissant les poumons de ceux qui le respiraient.

— Je suis désolé, finit par répondre Aragorn. Je suis navré de vous voir souffrir ainsi et de ne rien pouvoir faire pour vous aider. Mais je ne vous laisserai pas mourir. Je vous mènerai en Doriath à temps.

» Je vous en donne ma parole.

Un faible sourire s'étira sur les lèvres de Legolas.

— Je vous fais confiance... souffla-t-il.

Plusieurs minutes passèrent sans qu'ils ne parlent.

— J'ai si froid, murmura Legolas. C'est comme si mon âme avait été gelée dans la glace, puis enfermée dans des ténèbres si profondes que même le soleil y serait englouti.

Le vent se leva et se mit à rugir autour d'eux. Legolas frissonna contre Aragorn et resserra sa cape contre lui. Des volutes de brume s'élevèrent au-dessus du sol, se prenant entre les pattes des chevaux et rendant l'atmosphère plus lugubre encore.

Ils débouchèrent sur un plateau battu par les vents où poussaient quelques buissons rachitiques. Le silence tomba soudainement, et bientôt, seul le son des sabots raclant la pierre vint le briser.

Subitement, une odeur âcre et douceâtre arrêta net les chevaux. Aragorn reconnut la puanteur des bêtes égorgées, des abats et du sang. Il plissa les yeux et aperçut une forme étendue dans l'ombre, quelques mètres plus loin.

Gimli descendit d'Arod et s'approcha afin de voir ce qui dégageait une telle odeur. Il découvrit une créature semblable à un chamois. Il ne lui restait plus que la tête, aux yeux écarquillés de terreur, à côté d'un tas informe de viande lacérée et d'os cassés et couverts de sang. Les blessures étaient fraîches. La créature qui avait tué l'animal devait toujours être dans les parages. La pierre autour de la carcasse était couverte de profondes striures.

Aragorn incita Hasufel à s'avancer, et ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il vit le cadavre. Il se redressa et dégaina son épée.

— Gimli, venez là.

Il aurait suffi d'une flècheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant