Votre calvaire prendra bientôt fin.Les paroles d'Aragorn tournaient en boucle dans l'esprit de Legolas tandis qu'il essayait en vain de trouver le sommeil. Chaque mouvement provoquait des ondes de douleur dans tout son corps, et ses côtes brisées l'empêchaient de respirer correctement. À quelques pas, Aragorn, étendu sur l'herbe humide, dormait profondément. Gimli, quant à lui, se trouvait de l'autre côté du feu qu'ils avaient allumé. Legolas percevait la chaleur du foyer, mais elle ne parvenait pas à réchauffer son corps meurtri. Il approcha ses doigts gelés des flammes pour tenter de les réchauffer un peu, sans grand résultat. Il serra les dents, retenant un gémissement de douleur et ferma les yeux.
La nuit se déroula lentement, et sous la froide lumière des étoiles qui assistaient impuissantes à son calvaire, Legolas agonisait lentement, rongé par le poison des Nazgûl.
Il fut soulagé lorsque le soleil illumina de ses timides rayons la Terre du Milieu et qu'ils reprirent leur route. Il sentait le regard inquiet d'Aragorn peser sur sa nuque alors qu'ils chevauchaient.
— Nous allons bientôt atteindre la Lothlórien, dit Aragon. Cependant, nous ne prendrons pas le temps de nous y arrêter.
— Les Elfes de la Lórien pourraient aider Legolas d'une quelconque façon, fit Gimli en approchant son cheval du leur.
Aragorn secoua la tête.
— J'en doute fort, si l'athelas ne marche pas, je ne vois pas ce qu'ils pourraient faire de plus. Non, il a besoin d'une autre sorte d'aide, et seul le Peuple de Doriath peut la lui apporter. Par ailleurs, Gandalf m'a prévenu qu'aucun espoir ne l'attendait autre-part.
Legolas se redressa et laissa son regard dériver sur les eaux de l'Anduin. Un rayon de soleil passa derrière les quelques nuages qui s'étaient agglutinés dans le ciel et illumina le fleuve, et on eut dit à cet instant que l'eau s'était changée en or.
Malgré sa douleur et son esprit brumeux, Legolas sourit face à la beauté du grand fleuve, et il lui sembla que cette vision le revigorait quelque peu.
Ils avancèrent ainsi au bord de l'eau, et aucun bruit ne vint troubler le silence qui baignait les rives de l'Anduin. Les arbres de la Lothlórien s'étendaient jusque sur la rive et leur beauté était à couper le souffle. La voûte de la forêt était dorée et l'écorce des arbres était grise et lisse. Des bourgeons de fleurs jaunes prêts à éclore recouvraient les branches.
— La Lothlórien, souffla Legolas. La plus belle de toutes les demeures de mon peuple. Aucun arbre ne se compare à ceux de ce pays ; car en automne, leurs feuilles ne tombent pas mais se changent en or. Elles ne tombent pas, que ne viennent le printemps et le vert de nouveau. C'est ce que nos chants disent encore à Grand'Peur.
Il se tut, épuisé, et Aragorn proposa qu'ils s'arrêtent le temps que les chevaux se reposent et qu'eux-mêmes mangent un peu.
Ils s'arrêtèrent au bord de l'eau, et leurs montures s'éloignèrent de quelques mètres pour paître l'herbe fraiche qui recouvrait les rives de l'Anduin.
Aragorn sortit des lembas de sa sacoche et en tendit un à Legolas, le visage sévère.
— Mangez, dit-il.
Legolas prit le lembas des mains d'Aragorn, qui en donna ensuite un à Gimli.
— Ah, dit le Nain. Des lembas. Tout ce que j'aime.
Aragorn sourit et ils mangèrent en silence. Quelques minutes plus tard, Aragorn se leva et se dirigea vers les sacoches, puis en sortit de nouveaux bandages ainsi que quelques feuilles d'athelas.
— La douleur s'est-elle améliorée ? demanda-t-il en nettoyant les plaies de Legolas avec un tissu mouillé.
Celui-ci ferma les yeux.
— Non, souffla-t-il. La présence de ces arbres semble sortir mon esprit de sa torpeur, mais la douleur reste la même, si ce n'est qu'elle augmente.
Il grimaça lorsque Aragorn passa à la blessure de sa poitrine et expira douloureusement. Le visage du Rôdeur s'assombrit en découvrant que la noirceur avait gagné du terrain et recouvrait à présent la majeure partie de la poitrine de Legolas. La blessure avait toutefois arrêté de saigner abondamment, et seuls quelques filets de sang s'en échappaient.
— Comment vont vos côtes ?, s'enquit-il.
Legolas grimaça.
— Elles sont cassées, se contenta-t-il de dire. C'est douloureux.
Aragorn écrasa les feuilles d'athelas, et, après les avoir appliquées en cataplasme sur les blessures de Legolas, il banda son torse et son ventre.
— Nous allons pouvoir repartir, dit-il en se redressant.
Legolas prit sa main et il l'aida à se relever, puis ils se dirigèrent vers leurs chevaux.
Le soleil disparut à l'horizon et le ciel s'enflamma un instant avant de commencer à laisser place à la nuit. La lune se leva, belle et lumineuse, gardienne des ténèbres, phare des voyageurs nocturnes. Autour d'elle, les étoiles apparaissaient une à une, et le ciel devint d'une beauté et d'une magnificence sans pareille que rien ou presque ne peut égaler en ce monde.
Aragorn, Legolas et Gimli s'étaient arrêtés dans une combe située non loin de l'Anduin. Un camp avait été dressé, et un feu crépitait en son centre. Aragorn et Gimli étaient assis dans l'herbe, et Legolas était étendu devant le feu, les yeux clos, profondément endormi. Aragorn s'était dévêtu de sa cape et en avait couvert le corps de l'Elfe, qui ne semblait pas vouloir se réchauffer.
Gimli, tout comme Aragorn, ne quittait pas le blessé des yeux. À chaque faible inspiration qu'il prenait, ses deux amis craignaient que ce ne fût sa dernière.
— Dans combien de temps serons-nous en Doriath ? demanda le Nain.
Aragorn ferma les yeux.
— Dans bien trop de temps... souffla-t-il.
Gimli s'affaissa et son regard se fit triste.
— Tiendra-t-il jusqu'à ce que nous arrivions ?
Durant quelques secondes, Aragorn se contenta de fixer le vide en silence, puis il répondit :
— À cela, je n'ai pas de réponse. Legolas est solide, mais il est grièvement blessé et le poison ne cesse de progresser en lui, l'affaiblissant de jour en jour, tel un parasite rongeant un tronc d'un arbre.
— ... jusqu'à ce que l'arbre pourrisse et finisse par mourir, compléta Gimli.
Aragorn ne répondit pas et ils se turent. Les seuls bruits qui vinrent troubler le silence froid qui dura le reste de la nuit furent les craquements et les crépitements du feu qui brûla vaillamment toute la nuit avant de mourir au petit matin. L'aube s'étendit sur la terre gelée et meurtrie par la nuit froide qu'elle avait endurée.
Les trois compagnons se préparèrent à partir, et il sembla à Aragorn et Gimli que Legolas était au plus mal, bien qu'il ait semblé aller mieux la journée de la veille et qu'il ait pu s'extasier devant la beauté des arbres de la Lothlórien. À présent, ses yeux étaient bordés de cernes, et la lenteur de ses mouvements témoignait du combat que menait son corps pour le garder en vie. Il ne protesta même pas lorsque Aragorn lui tendit sa main pour l'aider à se hisser sur leur cheval, ou lorsqu'il passa son bras autour de sa taille pour le soutenir et l'empêcher de basculer.
Durant deux longs jours, ils continuèrent à longer l'Anduin dont les flots semblaient faits d'argent et d'or lorsque les rayons du soleil les caressaient.
Mais, si grande soit la beauté du paysage, elle ne parvenait plus à réjouir le cœur de l'Elfe dont l'esprit s'enfonçait chaque jour un peu plus dans le brouillard.
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Il aurait suffi d'une flèche
FanfictionL'Anneau est détruit et Sauron est vaincu. Cependant, tout le monde n'a pas le coeur à la fête; durant la bataille finale, Legolas a été grièvement blessé, et la blessure semble refuser de guérir. Celle-ci se révèle être empoisonnée, et l'unique es...