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2010EllaDu ferme - La Fouine---

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2010
Ella
Du ferme - La Fouine
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Je viens de rentrer de l'école, les écouteurs bien en place, me laissant porter par les notes de ma musique préférée. En passant devant les murs de béton, je grimpe les escaliers menant à mon appartement.

— Rayan, je suis là !

Il sort de sa chambre, accompagné de Tarik et Saïd. Même à leur âge, ils continuent de faire tourner leur business de vente de drogue. Après dix ans à les voir gérer cette affaire depuis chez moi, je suis devenu familier avec leurs habitudes : couper du shit et recompter leur fric sans cesse. Je les salue d'un signe de la main et rejoins ma chambre pour me plonger dans mes devoirs.

Soudain, mon téléphone sonne. Le nom de Clara s'affiche à l'écran.

— Hola, ¿cómo estás ? dis-je, tout en essayant de me concentrer sur mes cahiers.

— Wesh, la grosse ! Qu'est-ce que tu me fais là ? Madame est devenue espagnole ? Elle éclate de rire, amusée par ma tentative. Je l'attends en bas avec les gars, on va manger des tacos ! Elle raccroche brusquement.

Je soupire, range mes feuilles, attrape mon sac et enfile mes baskets à la va-vite.

— Je sors manger avec la bande ! crie-je en voyant qu'ils sont déjà retournés dans la chambre.

— Vas-y ! me répond mon frère.

Je descends et les retrouve dehors. À cet instant, je remarque la présence de Nabil, accompagné de Jasmine. Nos regards se croisent, et je ne peux dissimuler mon agacement. Nous nous sommes toujours détestés, mais plus nous vieillissons, moins nous nous supportons. Chaque fois que je le vois, je me demande pourquoi nous ne nous entendons pas. Puis je me dis que c'est mieux ainsi, car il est trop centré sur lui-même.

— Pourquoi il est là, lui, avec elle ? murmure-je à mon amie.

Disons que Jasmine est le genre de fille qui ne soutient pas vraiment les autres filles.

— Il s'est pointé, désolée. En même temps, il est pote avec tout le monde, sauf avec toi...

Nous marchons ensemble jusqu'au grec. Mes pensées dérivent sur Nabil. Il a toujours été une source de tracas, depuis le jour où je l'ai rencontré, et je ne comprends toujours pas pourquoi. Il a le don de m'exaspérer. Je l'observe avec sa nouvelle conquête : Jasmine, une des filles de la cité. Elle a ce look typique, blonde avec des courbes bien marquées grâce à son BBL. Elle est à l'opposé de moi, et c'est sans doute pour cela qu'il ne m'apprécie pas. Nabil sait qu'il plaît aux filles, et il en profite, se pavanant comme un coq. Je suis forcée de regarder, contre mon gré, alors qu'il l'attire contre lui, l'embrasse, tout en lui pinçant les fesses.

— Sérieux, prenez-vous une chambre ! J'ai pas payé pour voir ça ! lâche-je sans réfléchir.

— Peut-être que tu devrais, ça t'aiderait à élargir tes horizons ! riposte Nabil, un sourire provocateur aux lèvres.

— Mes horizons sont bien élargis, merci, et ce n'est certainement pas toi qui m'en apprendra davantage ! lui réponds-je, tout aussi piquante.

Il me jette un regard plein de dédain, affichant le plus grand des sourires, avant de lever le majeur en l'air tout en continuant à peloter Jasmine. Je roule des yeux et reporte mon attention sur mon amie, ressentant cette boule au ventre qui m'accompagne après chaque confrontation avec ce type.

À notre arrivée au grec, nous commandons nos kebabs et nous asseyons tous ensemble à la même table : Lucas, Ambre, Kemil, Nabil, Jasmine, Clara, Omar et moi. La conversation s'anime autour de notre repas. Kemil, un des meilleurs amis de Nabil, traîne depuis quelque temps avec Clara et donc avec moi aussi. Je sens que Clara a un faible pour lui. L'atmosphère est détendue jusqu'à ce que Nabil reçoive un appel.

Le ton de sa voix change, et un silence pesant s'installe lorsque le mot « tombé » franchit ses lèvres. Dans notre jargon de cité, cela signifie avoir des ennuis avec la justice.

— C'EST QUOI CE BORDEL ? COMBIEN ? TROIS ANS ! crie-t-il, son visage se déformant sous l'effet de la colère.

Il continue de parler, criant des mots incompréhensibles au téléphone, tandis que nous échangeons des regards inquiets. Nabil et Tarik, son frère, ont toujours été présents, même après leurs déménagements. Leur père, René, a purgé huit ans de prison, puis ils ont dû vivre chez leur grand-mère jusqu'à son décès. Depuis leur retour dans notre quartier, ils gèrent leur business de la nuit. Nous savons tous qu'ils essaient de poursuivre l'héritage de leur père, car c'est grâce à lui que nous avons un minimum de ressources. C'est lui qui a négocié pour construire les tours et les bâtiments de Corbeil-Essonne. Sans lui, nous serions perdus dans les rues, en proie à la violence et à l'insécurité. Je n'ose imaginer ce que nous serions devenus sans René Andrieu. La vente de drogue est notre seule issue. Si seulement le gouvernement pouvait nous tendre la main, mais ces politiciens ne comprennent rien à notre réalité. La plupart d'entre nous n'avons ni parents, ni argent, ni même un avenir. C'est ce que j'ai appris chez les parents de Saïd, à l'âge de 16 ans, quand ils m'ont expliqué notre triste sort.

Alors, en voyant le visage de Nabil se déformer sous la rage et la peur, je sais que tout est sur le point de changer. Je sens qu'il va changer. Depuis toujours, il a joué le dur, comme s'il ne ressentait rien, mais nous savons tous que son père en prison a été le début de sa descente aux enfers. Malgré mes sentiments pour lui, je ne souhaite de mal à personne.

— Tarik est tombé, souffle-t-il en se levant. Ils l'ont attrapé pour vente de stupéfiants, les gars ! On va avoir du mal à le sortir de la merde. Trois ans et demi de taule, c'est ce qui l'attend, et la tension monte.

Nous échangeons des regards, tandis que les garçons commencent à s'énerver. Clara et moi, bien que n'étant pas impliquées dans leur business, ressentons l'impact de cette nouvelle. Tarik est respecté dans notre communauté, et il a toujours été un soutien pour nous. Contrairement à Nabil, Tarik a toujours été gentil et respectueux envers moi.

— Putain ! Et Saïd et Rayan ? Ils sont tombés aussi ? demande Lucas, visiblement inquiet.

Je tourne brusquement la tête vers Nabil, espérant une réponse concernant mon frère. Nos yeux se croisent et il secoue la tête, un air grave sur le visage.

— Apparemment, ils n'étaient pas avec lui au moment de la descente.

Jasmine se lève pour se rapprocher de Nabil, sans doute pour le consoler, mais il s'éclipse avant même qu'elle ait le temps de l'atteindre. L'atmosphère devient de plus en plus lourde, et je sens le poids de nos inquiétudes collectives. Dans cette cité, où l'incertitude règne, chaque nouvelle annoncé a le pouvoir de bouleverser nos vies.

Partir ou pourrir (PNL N.O.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant