2001

65 5 0
                                    

Aujourd'hui, c'est mon douzième anniversaire. Mon frère m'a organisé une petite fête et a invité tous les enfants de la cité qui vont à la même école que moi.

— Petite reus, viens ici que je te donne ton cadeau.

Je laisse Clara et Lucas de côté et cours vers mon grand frère et Saïd. Bien que nous ne vivions plus avec Saïd depuis quelque temps, je le considère maintenant comme un autre frère. Il a le même âge que mon grand frère, soit 24 ans.

— Tiens. C'est de nous deux.

J'attrape la boîte qu'il me tend. Je me dépêche de l'ouvrir et découvre une paire de crampons pour jouer au foot. Ils semblent coûter cher, alors je promets de bien en prendre soin et je les serre dans mes bras.

— Merci beaucoup, je suis super contente, dis-je les larmes aux yeux.

— Sérieux ? Mais elle est nulle au foot, les gars !

Je reconnais la voix de Nabil.

— On n'a pas demandé ton avis, p'tit gars, rétorque mon frère en élevant la voix.

— Pourquoi tu dois toujours être méchant ? Je ne t'ai rien fait, lui dis-je en fronçant les sourcils.

— Bah, je ne suis pas méchant, wesh, je dis juste la vérité. Il hausse les épaules en riant.

— Peut-être que je ne suis pas très douée pour toi, mais ça n'empêche pas que j'aime le foot et que je vais continuer à en faire jusqu'à ce que je devienne meilleure, répliquai-je, légèrement en colère contre lui pour me traiter de la sorte.

Lui et sa bande n'ont pas leur langue dans leur poche. Ils se prennent pour les rois de la cité. Avec son frère Tarik, ils ont un statut ici. J'ai entendu dire que leur père était une figure importante dans le quartier. Même mon frère leur montre du respect et m'a avertie de faire attention aux petits Andrieu à cause de leur père.

— Ella ! Viens, on va faire un match dehors !

Je la rejoins, et bien sûr, Nabil nous suit sur le terrain peu après, prêt à montrer à quel point il est meilleur que moi. Il a toujours besoin de prouver qu'il est le meilleur. Depuis mon arrivée dans le 91 avec mon frère, Nabil m'a prise pour cible, ne cessant de me rabaisser physiquement et de me faire des croches-pieds en riant avec ses amis. Pourtant, cela ne semble pas affecter ses relations avec les autres, puisqu'il a beaucoup d'amis.

Pendant que nous jouons, je sais que la routine continue autour de nous. Malgré mon innocence, je suis consciente que la vie est difficile ici. Je réalise que mes crampons, mes vêtements, ma scolarité, la nourriture que nous mangeons, tout cela est souvent financé de manière illégale. Nous vivons dans l'insécurité financière, alimentaire et sociale, où notre seul moyen de s'en sortir semble être la vente. Mon frère peine à me nourrir malgré son travail au dépanneur, jonglant entre la vente de drogue et le foot, qu'il essaie tant bien que mal de transformer en carrière. J'ai vu Rayan et Saïd en bas de notre bâtiment faire des échanges pour de l'argent. Mes yeux les ont vus se battre, errer dans la cité, et, comme par magie, réussir à améliorer notre situation : des vêtements, de la nourriture, une vie décente en peu de temps. Je sais aussi que l'argent ne pousse pas sur les arbres et que ce n'est pas normal d'avoir des policiers qui viennent fouiller notre appartement une ou deux fois par semaine.

Au fond de moi, je sais qu'en grandissant ici, je vais devenir une fille forte et courageuse, mais je suis aussi consciente que ce sera difficile. Très difficile. Malgré tout, lorsque mes yeux rencontrent ceux de Clara, un sourire s'élargit sur mon visage, car je ne suis pas seule.

Partir ou pourrir (PNL N.O.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant