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2010EllaHow to save a life - The Fray---

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2010
Ella
How to save a life - The Fray
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C'est officiel, nous ne reverrons plus le grand frère Andrieu pendant trois ans et demi.

Depuis mon frère est condamné à devenir le teneur de mur de notre bâtiment, aux côtés de Nabil. Et comment dire que la tension est palpable ? Je n'aurais jamais imaginé un jour dire que Nabil est l'un de ces gars à ne pas sous-estimer. Je me souviens de toutes ces fois où nous nous sommes accrochés, où nos disputes résonnaient dans les couloirs de notre cité. Depuis l'appel, Nabil est d'une froideur glaciale. À part mon frère et Saïd, il ne parle presque plus à personne, et on ne le voit presque jamais. Il a totalement disparu de notre quotidien, remplacé par une ombre, un fantôme de lui-même.

Kemil, qui semble être le seul à avoir encore des nouvelles, nous raconte que Nabil devient de plus en plus incontrôlable. Cela ne m'étonne pas, vu son tempérament hyperactif ; rester sans rien faire doit être un véritable calvaire pour lui.

- Il a recommencé à gratter des textes énervés, et il enchaîne les plans d'un soir. S'il ne bosse pas, il sort ; s'il ne sort pas, il baise. Il ne veut rien savoir du reste, confie Kemil, le regard inquiet.

- Et la fac, il y va encore ? demande-je, espérant entendre un brin de positif dans tout cela.

- Non, il a arrêté d'y aller depuis que sa seule motivation a disparu en taule, répond Kemil, et son ton laisse entendre la déception.

Putain...

Nous marchons ensemble jusqu'à la cité. Kemil me salue d'une poignée de main avant de rejoindre sa tour, tandis que je continue vers la mienne. À ma grande surprise, je vois mon frère, Saïd et Nabil devant l'immeuble. Saïd, toujours souriant, est le premier à me saluer. Nabil, lui, est assis sur une chaise dans le hall, absorbé dans le décompte des billets, totalement indifférent à ma présence. Cela me déçoit, mais je m'y attendais.

Je fais un signe à mon frère et monte dans l'ascenseur. Au moment d'appuyer sur le bouton de mon étage, la lumière s'éteint brusquement. Je suis coincée. Je déteste être dans le noir, et encore moins dans un ascenseur qui est notoirement peu fiable. J'allume la lampe de poche de mon téléphone, mes mains tremblant légèrement alors que j'essaie d'appeler mon frère, priant pour que ma batterie ne me lâche pas.

- Allez, réponds... réponds... murmure-je, les yeux fermés, la panique s'emparant de moi.

- Ouais ? Qu'est-ce qu'il y a ? demande mon frère, la voix distraite.

- Ray, j'suis-

Évidemment, quelqu'un l'interrompt avant que je ne termine ma phrase.

- J'vais chercher le reste en haut, entend-on au loin.

- Rayan ! l'interpellai-je, espérant qu'il m'écoute.

- Ouais, j'ai pas le temps là, qu'est-ce que tu veux ? râle-t-il, et je peux presque entendre l'impatience dans sa voix.

- J'suis coincée dans l'as-

Et voilà, mon portable lâche à ce moment-là.

- PUTAIN !

Mon cœur s'emballe, l'angoisse grimpe en flèche à l'idée du pire. Je me précipite vers la porte, frappant de toutes mes forces tout en hurlant pour qu'on vienne m'aider. Des voix me parviennent, ou plutôt une voix familière. Je crie encore plus fort et tente d'ouvrir les portes en tirant du centre vers l'extérieur.

- Ella ? résonne cette voix, et je me sens légèrement soulagée.

- Oui, putain, j'suis coincée ! crie-je, la panique me dévorant.

- Calme-toi, je vais t'aider. Respire et tire avec moi, m'ordonne Nabil, de l'autre côté, sa voix rassurante contrastant avec la situation.

Je fais ce qu'il me dit, tirant de toutes mes forces jusqu'à crier de désespoir, mes muscles brûlant sous l'effort. Puis, après tant de luttes, je vois les portes commencer à s'écarter lentement. Les bras de Nabil s'engagent dans l'ouverture et repoussent les portes complètement. Je me retrouve à quelques centimètres de lui, mes yeux rivés sur son torse moulé dans un t-shirt noir.

- Sort, putain, tu veux rester coincée une deuxième fois ou quoi ? crache-t-il, essoufflé, tenant les portes ouvertes.

Il lâche aussitôt quand mes pieds touchent enfin le sol de l'immeuble.

- Merci, j'suis vraiment contente que tu sois là, dis-je, réalisant à quel point il est devenu imposant.

Il lève les yeux vers moi et hoche la tête avant de retourner vers le hall, pour retrouver la bande dehors. Je l'observe, et c'est à ce moment-là que je réalise à quel point il a changé. Sa démarche, son attitude, sa prestance, sa carrure. Tout chez lui est différent. Ce n'est plus le gamin qui voulait me battre au foot, ni celui qui cherchait à me provoquer pour prouver quelque chose. Nabil n'est plus le petit insécure et hyperactif que je connaissais. Il est devenu plus calme, plus mature, plus sûr de lui, mais surtout, il semble plus redoutable physiquement. Il a maintenant d'autres préoccupations que de s'en prendre à moi. Il ne gaspille plus son énergie à me rabaisser ou à me taquiner pour le plaisir. Si je ne le connaissais pas, j'aurais probablement peur de croiser son regard.

Depuis que Tarik n'est plus dans la cité - cela fait maintenant quatre mois - Nabil a pris du muscle, et j'ai l'impression d'avoir devant moi un homme complètement transformé. Lui et moi n'avons jamais été amis. Nous ne nous connaissons pas vraiment, mais nos chemins se sont croisés par la force des choses, et j'ai toujours ressenti une curiosité à son égard. Curiosité, surtout parce qu'il m'a détestée dès notre première rencontre, et je n'ai jamais compris pourquoi. C'était un mystère que je n'avais jamais pu résoudre.

En attendant, je réalise que cette situation me met face à une autre vérité : sans Tarik, Nabil semble perdu, comme s'il naviguait dans un monde qu'il ne maîtrise plus. Je me demande si cela explique son comportement récent, sa distance. Peut-être que la pression de devoir prendre la relève, de gérer la cité sans son frère, le pousse à agir de manière erratique. J'espère qu'il ne s'éloigne pas trop de nous, car malgré nos différends, nous avons tous besoin les uns des autres ici.

En me dirigeant vers ma chambre, je réfléchis à tout ça. La vie dans la cité est un combat quotidien, et chacun de nous a sa propre manière de gérer la douleur, la perte et la solitude. Je ne sais pas où cela nous mènera, mais je sais que Nabil et moi sommes désormais liés par cette réalité. Peut-être qu'un jour, nous pourrons dépasser nos animosités pour comprendre ce qui nous unit.

Je pousse la porte de ma chambre, un mélange de résignation et d'espoir en moi. La vie continue, avec ses défis et ses imprévus, et je me demande si je serai capable de naviguer dans cette tempête, tout en cherchant à découvrir qui est vraiment Nabil, au-delà de l'ennemi que j'ai toujours cru connaître.

Partir ou pourrir (PNL N.O.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant