Chapitre 15

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Jeanne avait donc commencé par le nettoyage de ses vêtements afin qu'ils puissent sécher au soleil, cela lui avait bien pris la moitié de l'après-midi. Ensuite, elle s'était mise à l'élaboration du repas voyant que le soleil continuait sa course dans le ciel. Elle avait préparé, avec l'aide d'Ethelred, un ragoût de viande avec des pommes de terre cuites au feu de bois qu'elle laissa rôtir. Enfin, lorsque le crépuscule arriva doucement, elle profita de l'absence d'Ivar pour commencer à nettoyer sa chambre. Pour ménager ses égratignures, elle avait commencé par nettoyer les meubles, mais une fois chose faite, il fallait qu'elle s'occupe du sol, et surtout, de l'âtre qui était plein de cendre. Malheureusement, elle manqua de temps puisque pendant qu'elle débarrassait les cendres, la porte s'ouvrit sur un Ivar rentrant soudainement. Il la dévisagea d'un regard mauvais, lui donnant un frisson le long des bras. Alors, elle ne le regarda pas plus longtemps et finit de mettre les cendres du tissu épais qui servait à s'en débarrasser.

- Il fait froid.

- C'est normal, dès que j'aurais jeté les cendres, je rallumerais le feu.

- Dépêche-toi. Son ton glacial était visiblement rempli de reproches et cela fit du mal à Jeanne, ne sachant pas pourquoi il était tout à coup aussi distant. Peut-être n'était-ce que le froid ? Le Skali n'était pas propre, reprit-il en allant s'asseoir à la table. Tu le nettoieras cette nuit. Et je veux manger dans pas longtemps. Alors hâte toi.

- Bien... Jeanne se releva difficilement après avoir rabattu les coins du tissu pour éviter que les cendres ne s'envolent, et le mit sur son épaule.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

Elle suivit son regard en direction de ses genoux, et comprit qu'il parlait de ses égratignures.

- Ce n'est rien. En cueillant des fruits ce matin, j'ai trébuché et je suis tombé sur la roche.

- Tu es décidément une piètre esclave.

La jeune femme ne releva pas la remarque du désossé pour ne pas lancer de nouvelles tension, mais visiblement, celui-ci en décida autrement.

- Si c'était ce matin, pourquoi est-ce que tu saignes ?

- Ça a dû se rouvrir lorsque j'étais par terre.

- Tu devrais les panser, tu vas tacher le sol.

- Ce n'est pas grave puisque je vais devoir le nettoyer après de toute façon...

- Approche.

Elle déposa délicatement le sac de cendre et s'approcha à distance correcte de son interlocuteur. Mais celui-ci en décida autrement puisqu'il lui fit signe de la main de s'approcher encore. Une fois devant lui, elle le regarda avec interrogation, mais il ne lui donna aucune réponse et se contenta de prendre un bout de tissu du tablier de Jeanne qu'il déchira pour en faire deux bandes. Jeanne, étonnée de son geste, eut un mouvement de recul, mais le désossé lui prit la main afin qu'elle se rapproche de nouveau. En faisant ça, il vit aussi que ses mains étaient égratignées. Toujours dans le silence, il prit l'une des bandes de tissus et vint l'enrouler autour du genou droit de la jeune femme. Il fit deux tours, puis la coinça sous l'un d'eux. Il répéta le processus avec son autre genou, puis, une fois finit, il reprit la main de la jeune femme pour l'observer quelques instants, avant de relever la tête pour regarder Jeanne d'un regard de nouveau très distant.

- J'ai... entendu dire que tu étais avec mon frère aujourd'hui.

- Oui, nous avons déjeuné à côté d'une rivière dans la forêt. C'était très agréable...

- Vous n'avez pas que déjeuner à ce qu'il parait. En disant ces mots, les yeux d'Ivar redevinrent plus froids et sa main serra plus fort celle de Jeanne.

- De quoi parlez-vous ... ?

- J'ai des yeux et des oreilles partout.

- L'homme de la forêt... c'était un de vos espions... ?

- T'a-t-il satisfaite ?

- Nous nous sommes embrassés, mais ce n'est pas aller plus loin.

- Ne me mens pas ! Tu étais nue apparemment !

- Je me suis rhabillée car nous nous étions baignés ! Et puis de toute façon même si nous étions allées plus loin, qu'est-ce que ça peut vous faire !

- Parce que tu es à moi ! Tu es mon esclave et personne d'autre que moi ne peux t'avoir !!! La voix de Ivar était si forte que ça en effraya Jeanne, qui avait repris sa main et reculé de deux pas. Tu m'appartiens, tu entends ?!

Jeanne resta interdite face à la réaction d'Ivar, mais surtout face à ses propos. Elle qui l'avait en estime, la redescente avait été douloureuse. Elle bougea doucement la tête en signe de négation, sans un mot et les yeux humides. Elle se détourna alors d'Ivar durant plusieurs secondes, puis finit par ramasser le sac de cendre, avant de ne lui faire de nouveau face, le regardant d'un air aussi froid qu'il l'avait regardé au parc avant.

- Bien. Si tel est votre souhait mon prince. Permettez-moi d'aller vous chercher votre repas. A moins que vous souhaitiez appeler l'un de vos espions avant pour qu'il ne m'accompagne et vérifie que je ne mette pas de poisons dans votre diner.

- Ne joue pas à ça avec moi.

- Je ne fais que dire la vérité.

Elle se retourna, le sac de nouveau sur l'épaule, et quitta la pièce, laissant Ivar seul et dans le froid. En sortant du Skali, elle laissa glisser une larme le long de sa joue, déçue de l'attitude de l'homme qu'elle commençait à peine à apprécier. Elle s'éloigna un peu, en direction de la plage, et secoua le tissu des cendres en direction de la mer. Bien qu'elle sût qu'Ivar attendait son repas, elle s'accorda quelques secondes pour apprécier le calme de la mer et des vagues venant glisser sur les galets et le sable à ses pieds. Pourquoi cela l'affecter tant ? Peut-être s'était-elle imaginée qu'elle finirait par apprécier cette vie, loin de tout. Cela faisait plus d'un mois qu'elle était arrivée, et elle s'était plusieurs fois surprise à se dire qu'elle ne trouvait pas la vie désagréable. Les relations assez amicales qu'elle avait créées avec les fils de Ragnar l'avaient surprise, mais lui avaient fait étonnement beaucoup de bien, car elle se sentait naturelle, malgré la gêne du début. Plusieurs fois, elle avait passé de bons moments avec chacun d'entre eux, y compris Ivar avec qui, un soir après le dîner, lorsqu'elle le changeait, il lui avait parlé de sa vision des dieux. Il avait paru plus humain cette fois-là... Mais ce soir, il était redevenu un homme craint qu'elle avait vu la première fois. Malheureusement, elle ne put se laisser plus de temps pour y réfléchir, car « il » devait s'impatienter de voir son repas ne pas arriver. Alors elle se releva, sans regarder une dernière fois l'horizon, et se dirigea vers la cabane aux esclaves pour aller y chercher le repas de son tyran. Une fois sa tâche faite, elle revint dans le skali et toqua sur l'encadrement de la porte avant d'entrer après avoir attendu 2 secondes. Il était toujours là et n'avait pas bougé. Éclairer à la seule lumière des torches de sa chambre, n'ayant pas eu le temps de rallumer le feu. Elle déposa le plateau qui contenait son repas sur la table derrière « lui », puis le déchargea avant de le servir en boisson. Malgré son repas encore fumant servi, il ne bougea pas, ne se retourna pas, et se contenta de fixer le sol en faisant simplement tourner ses lames autour de ses doigts, jouant dangereusement avec. Jeanne prit la décision de ne pas lui prêter attention et de faire ce pourquoi elle était ici. Le servir. 

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