Quinzième chapitre

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Point de vue d'Hugo

J'attendais ce baiser depuis tellement de temps. La prendre dans mes bras était si apaisant et réconfortant. Nos lèvres ne se quittèrent plus, je l'avais enfin. Elle était à moi. Je l'ai tellement désirée. Elle a quand même bien voulu de moi. Trina. Ma belle Trina. Tu es là, dans mes bras. Je la serre tellement fort contre moi que je l'entends pousser un léger cri, ne pouvant plus respirer. Mon cœur s'est arrêté de battre au moment où elle est apparue dans cette magnifique robe rouge. Si belle, si heureuse, si apaisée. Quand elle se retire lentement de mes lèvres, je souffle profondément. Et je souris bêtement. Après tant d'efforts à vouloir la conquérir, j'ai réussi. Mais ce n'est plus un petit jeu, non. C'est bien plus que cela. Elle fait partie de moi depuis un bon bout de temps. Elle est ancrée en moi.

— Hugo... J'aimerais...

— Quoi ? Dis-je en la regardant avec désir et passion.

— Je... Je ne sais pas vraiment comment le dire.

Je replace une petite mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille et fait glisser ma main sur sa joue si douce. Elle baisse la tête. Que veut-elle me dire ? Que c'est une bêtise ? Que nous n'aurions pas dû nous embrasser ? Encore ? J'appréhende.

— Je veux être près de toi chaque minute qui passe.

Sous le choc, je lui réponds immédiatement ce que j'ai sur le cœur.

— Moi aussi, dis-je tout excité.

Ses beaux yeux bleus clairs se lèvent alors vers moi.

— Je crois que... Que je t'aime Hugo.

Quoi ? Que vient-elle de dire ? Ai-je mal entendu ? Je ne comprends rien. Ces trois petits mots stupide me font perdre l'équilibre sur le petit nuage où je me trouvais. Je ne m'y attendais pas, à ça non ! Trina... Trina m'aime ? Moi ? Elle est éprise de... Hugo Fabre? Je suis déstabilisé, complètement hébété. Je recule brusquement. Un mélange de joie et de peur se mêlent dans mon esprit, dans mon corps tout entier. Je fais les quatre cents pas sur le pavillon, totalement perdu. Suis-je prêt à lui dire ? Suis-je prêt à être avec elle chaque seconde qui s'écoule ? Suis-je sûre de mes sentiments ? La dernière fois qu'une fille m'a brisé le cœur, j'ai mis un an à m'en remettre. Joue-t-elle avec moi ? Pendant des mois elle m'a fait galérer pour aujourd'hui me dire cela ? Alors qu'elle ne montrait aucune affection à mon égard ? Je suis noyé par toutes ces questions et je ne m'aperçois pas que les yeux de ma bien aimée se remplissent de larmes. Sa mâchoire se met à trembler et Trina recule de quelques pas, avant de fuir loin de moi. Qu'ai-je fait ? Mais quel con ! J'ai tout fichu en l'air, elle ne sait même pas les réels sentiments que j'éprouve pour elle. Au lieu de les lui montrer, j'ai fais l'imbécile, l'enfant. Je l'appelle et la supplie de revenir mais elle est déjà bien loin. Brusquement je frappe dans le bois de la rambarde à ma droite. Je suis le plus stupide de cette terre. Je m'arrache les cheveux et essaye de me calmer tellement je me sens mal. Je l'ai laissée filer, alors qu'elle était à moi, entièrement. Mes mains viennent violemment fracasser le poteau du pavillon et mon corps se met à trembler de toute part. Je frappe plusieurs fois, jusqu'à cogner ma tête contre le bois. Tellement d'émotions se mélangent : la rage, la colère, la tristesse et l'angoisse. Quel con ! Mais quel con ! Je m'en veux. Je m'en veux terriblement. J'aurais dû lui dire. Lui dire que moi aussi, je l'aime...

***

Je me réveille en sursaut quand un seau d'eau glacé m'atterrit brutalement dessus. J'ouvre grand les yeux et pousse un juron. Je mets quelques minutes à assembler les pièces du puzzle : Je suis chez Hash, étalé à même le sol sur le carrelage de la salle de bain, à présent trempé de la tête aux pieds.

— Putain mec ça va pas !!

Mon meilleur ami me snobe et me tend un verre d'eau avec un cachet.

— Tu ne crois pas que j'ai eu mon compte de flotte ? Lui répondis-je en m'adossant à la baignoire.

Je reprends mes esprits et accepte finalement le doliprane. Hash ne dit rien. Il se tient debout, à m'inspecter avec ses sourcils froncés. Je crois que j'ai encore fait n'importe quoi.

— A compté de ce soir tu ne dors plus ici compris ? J'en ai marre qu'un clochard squatte ma maison. Soit tu te ressaisis et on en discute, soit tu rentres chez toi et tu te démmerdes. Compris ?

Le ton menaçant de mon pote me laisse bouche bée. Je passe une main dans mes cheveux pour les ébouriffer et souffle. Voilà deux jours que je sèche les cours et que je traîne chez mon ami, à boire tous les alcools du bar et à somnoler devant la télé. Je n'arrive pas à me remettre de ce qui s'est passé l'autre soir. Du regard qu'elle m'a lancé, de la tristesse dans ses yeux et de ses larmes sur ses joues... Je pose ma tête sur mes genoux et tente de calmer les nerfs. Je suis à bout, littéralement. Pourquoi ne l'aie-je pas rattrapé ? Pourquoi aie-je bégayé comme un imbécile ? Pourquoi je ne lui ai pas envoyé de message ? Pourquoi ?

— T'as fini de pleurer ? M'interpelle Hash.

— Je vais prendre une douche, une vraie cette fois.

Je me hisse sur mes pieds tant bien que mal et remercie silencieusement mon ami. Puis, il sort, me laissant seul dans la salle de bains.

Une fois lavé, habillé et rassasié, je prends la route vers chez moi. Hash est parti en cours tandis que je sèche une nouvelle fois. Quand j'entre dans ma maison, un silence pesant y règne, si bien que je suis terrifié à l'idée d'y entrer. Le souvenir de Trina et moi est encore trop vif. Puis je repense à mes parents. La maison est tellement vide depuis quelques mois. Franck me manque, ma mère et sa joie de vivre me manque et la belle brune me manque. Je parviens à monter dans ma chambre et à commencer à la ranger, de la musique en fond. J'ai promis à mon meilleure ami de me remettre sur pieds, et je compte m'y tenir. Dès demain je retournerai en cours. Dès demain je l'affronterai à nouveau...

***

Je pénètre dans le lycée, capuche sur la tête et les mains bien enfouies dans les poche de mon jean. Hash et Jack m'abandonnent rapidement pour aller en cours tandis que je file au secrétariat. Je dois évidemment justifier mes absences et je remercie ma mère d'avoir pris la peine d'écrire un mail : apparemment, j'ai attrapé un vilain rhume. Madame Ruellot m'ouvre son bureau et me fait signer un document. Puis, je repars en cours. Je sens mille regards étranges posés sur moi et une angoisse naît dans le creux de mon ventre. Oui, je ressemble à un déchet qui vient de faire une nuit blanche. Je fixe le carrelage et m'avance vers ma salle de classe. Quand soudain, je relève les yeux et la vois : Trina Elles. Ses cheveux bruns ondulés, ses lèvres pulpeuses et si douces, ses yeux brunis par la tristesse et ses mains tremblantes. Elle tient fermement la lanière de son sac et me fixe intensément. Déstabilisé par son regard, je tourne à droite et m'enfonce dans le couloir. C'est officiel : je suis un lâche.


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