3 : 𝐸𝑙𝑖𝑚𝑖𝑛𝑎𝑡𝑒 𝑡ℎ𝑒 𝑜𝑝𝑝𝑜𝑛𝑒𝑛𝑡

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« When your mind breaks the spirit of your soul » Green Day

Le programme de fin d'étude.

Un concept pourtant simple mais inaccessible au centre des affrontements. Tout le monde se bat pour ce programme, pour être le meilleur, pour être le gagnant, l'élu. Pourtant, aucun de nous ne le mérite.

Un étudiant par état pourrait y accéder, un seul parmi des milliers, un seul parmi tant de filières. Un seul et unique être pour représenter toute une région.

Un cadeau si alléchant et pourtant si empoisonné.

Nous monter les uns contre les autres, nous faire faiblir sous la pression, nous plonger dans cette damnation. Ce théâtre au centre des enfers marque l'échec de la représentation, ce plateau de jeu finira en cendres.

Cette guerre pourtant déjà perdue d'avance me conforte dans l'idée d'y participer; combattre pour vivre, perdre pour s'en rappeler. Je ne pourrais vivre que si j'arrive à le remporter, je veux enfin exister.

- Bon courage chers étudiants. N'oubliez pas, ce qui compte ce n'est pas la chute mais comment on se relève.

La professeure termine son discours totalement stéréotypé avant de nous libérer, j'évite avec peine le regard de Linh qui m'interdit de m'infliger tout ce travail en plus. Elle sait que je ne peux m'empêcher de vouloir plus que ce que je ne peux m'offrir.

- Oublie cette idée, Zoë, me gronde-t-elle pendant que je range mes affaires.

- Quelle idée ? Je n'ai encore rien dit.

- Non, mais tu y as pensé très fort.

Je rejoins la bibliothèque sans penser, faire le vide revient à créer un néant susceptible de m'absorber. Pourquoi ces objectifs sont si mal considérés ? La réussite est condamnée et l'échec est glorifié.

Ce programme promet une scolarité tout frais payé et un excellent programme de fin d'études. Si ce n'est un rêve, cela reste tout de même une belle opportunité.

De toute façon, je n'ai rien à perdre.

Après un vif coup d'œil aux épreuves que je dois passer et valider, je regarde la liste de livres à étudier et d'encyclopédies à feuilleter. La liste est si longue...

La possibilité d'abandonner me conforte dans l'idée que j'ai tout à gagner. Cette course contre la montre n'est un poids que pour les perdants.

Perdue entre Oscar Wilde et Virginia Woolf, je me demande comment on peut encore nous imposer des livres si connus et reconnus que tout le monde a déjà lu et relu. Basculer entre les époques et se perdre dans la chronologie; Shakespeare m'apparaît comme un ange tombé, écrasé au sol entre Dickens et Emily Brontë.

Marcher dans cette bibliothèque c'est déambuler à travers les livres et les époques, me perdre entre ces pages qui m'animent et me provoquent. J'y trouve un certain réconfort, c'est comme être chez-soi.

Un chez-soi qui disparaît lorsque l'on tente de trop l'approcher. Il me repousse, me tord, m'arrache l'épiderme; chaque épine soigne autant qu'elle blesse en une souffrance apaisée qui froisse l'âme mais protège le cœur.

- Tu as fait tomber ça, me prévient une voix grave avec une pointe d'humour en me tendant Shakespeare.

Je fais volte-face, mon regard se plonge instantanément dans ces iris clairs, d'un gris intense. Dans une dualité qui me fascine autant qu'elle m'effraie, ses traits se montrent durs et mais doux en même temps. Comme un ange déchu.

Begin againOù les histoires vivent. Découvrez maintenant