Begin again

10 : 𝐴 𝑟𝑎𝑛𝑑𝑜𝑚 𝑏𝑜𝑜𝑘

« And you can't fight the tears that ain't coming. Or the moment of truth in your lies. » Goo Goo Dolls

Point de vue Linh

- Je t'attends en bas, me prévient Marlon, suivi de Morgan.

Le stress se diffuse dans tout mon corps, la pression constante presse mon estomac, toutes mes angoisses m'agressent en même temps. Ce guet-apens m'empêche de respirer correctement, me lisser les cheveux - tâche si simple - devient des plus compliquées.

Je suis habituée à vivre chez ma mère et à l'affronter mais son stress constant a des répercussions sur le mien. Même si j'essaie de le contrôler, il me prend d'assaut. Faire semblant à longueur de temps décuple ces angoisses que je tente de camoufler.

C'est devant ce miroir, reflet de ma petite âme en souffrance, que je ravale ma peine et affiche un grand sourire. Si les réseaux sociaux semblent être un vice pour certains, pour moi, c'est une manière de jouer sur le long terme et d'avoir le contrôle sur mes pensées, même les plus sombres.

Jouer la comédie à longueur de temps est devenu une habitude dont je n'arrive pas à me débarrasser. Je me sens obligée de sourire, d'être heureuse et pétillante même si je pleure dans mon lit dès l'apparition de la nuit.

Dernier soupir avant de descendre cet escalier, dernier souffle avant d'affronter une rafale de reproches.

- Ah ! tu es enfin là Linh, rends-toi utile et mets la table.

Pas un bonjour, pas un compliment, pas un regard. Des ordres et des reproches à venir pour un couteau en biais, des regards méprisants sur une robe jugée trop courte ou sur un tissu trop froissé. Elle est invivable mais si aimante, ça me tue de critiquer cette façon d'être sachant qu'elle a fait tant de sacrifices.

J'aimerais la remercier pour tout ce qu'elle a fait mais j'en suis incapable, les mauvais souvenirs affluent et me force à mépriser son comportement si intraitable. Aimer quelqu'un de détestable n'est pas chose facile mais on peut au moins essayer de faire semblant.

Morgan me rejoint et m'aide à mettre la table sans un mot, il me lance quelques regards mais ne dit rien. Cette auto-censure le tue, je sens le mal qu'il se donne à se retenir.

- Tu peux parler librement, ce n'est pas la première fois que tu viens ici.

- Tu vas bien à la robe, me complimente-t-il paniqué. Enfin non, c'est la robe qui te va bien, enfin, tu as compris.

Je me retiens de rire pour éviter qu'il ne panique davantage. Morgan est drôle mais maladroit, c'est ce qui fait tout son charme.

Chacun s'assoit lorsque ma mère arrive avec les plats, un silence presque religieux règne. Les deux amis ne sont pas sereins, je suis presque sûre que Morgan tente de tenir la main de Marlon pour se rassurer.

Les tentatives de mon père pour faire rire la galerie ne mènent à rien. Ma mère ne semble pas voir malgré toutes ces années, qu'elle est la cause de cette gêne. Chacun attend, qui sera le premier à être attaqué ? Sur qui va-t-elle s'acharner en premier ? Le silence autant que la peur règne en maître dans cette maison.

- Comment se passe cette colocation au fait ? lance-t-elle finalement en fixant Marlon impassible et stoïque.

- Top, Linh est cool.

« Cool », juste cool. Ne comprend-t-il pas que cette réponse ne passera pas face au tyran ?

- C'est très bien, je suis contente pour vous.