16 : 𝑏𝑒𝑎𝑢𝑡𝑖𝑓𝑢𝑙 𝑙𝑖𝑒

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« I just hope you get the message. If you get a minute, call me back. » Chase Atlantic

Ma vision se trouble sans trop que je ne sache pourquoi, face à la porte de mon appartement, je cherche mes clés et ouvre en tombant mollement contre l'encadrement de la porte. Mes pas sont lourds, tout mon corps pèse une tonne.

Je me laisse tomber face à mon lit sans même me préoccuper d'Eli qui attend près de la porte. Ses plaintes arrivent à mes oreilles sans me percuter, ma tête tourne affreusement.

Mon visage s'est décomposé tout à l'heure face à Linh, je me suis littéralement pris une gifle en pleine gueule en encaissant la dure réalité : je me mets la pression et je perds mes repères. Je ne sais pas d'où vient cette circonstance étrange mais cela doit cesser.

Pour faire simple, le cerveau est un muscle auquel il faut prendre grand soin. Tout comme les autres muscles du corps, il ne faut pas forcer et le laisser se reposer, chose que j'ai particulièrement négligée depuis que je me suis lancée dans cette course contre la montre. Jusqu'ici, j'ai enchaîné six heures de révisions par jour sans sortir la tête hors de l'eau.

Je suis en apnée depuis la rentrée, je me force à croire que le travail me fera oublier ma vie catastrophique. Le burn-out me guette, je me dois de prendre soin de moi pour ne pas tomber dans ce vice.

Mes habitudes flemmardes se sont faites la malle depuis mon engagement, je veux briller autant que mes sœurs, rendre mes parents fiers. Peut-être que c'était tout simplement une mauvaise idée.

Je les ignore pendant des journées entières, je ne répond que rarement à leurs messages. En bref, je suis en train de me perdre moi-même.

- Arrête moi cette comédie, tu me fais louper les cours avec tes conneries.

La voix tranchante de mon voisin me heurte de plein fouet. Aucun de nous n'a pipé mot lors du trajet en voiture, Eli m'a ramené à la maison sans même poser de questions. Mon état de trouble ne me permettait pas de lui répondre de toute façon.

La tempe collée contre la vitre, mes yeux ont suivi l'horizon en ignorant les œillades perplexes d'Eliott. Il n'a rien dit, juste soupiré, l'air impuissant, sa patience mise à rude épreuve n'a même pas daigné me bousculer.

Il m'a ramené ici en me guidant vers le pas de la porte. Ce silence de mort a valu mille paroles, aucun de nous ne voulait brusquer les pensées de l'autre. A penser chacun de notre côté, les communications sont coupées; l'art de la tromperie a bercé des illusions de vérité.

Désormais, nous sommes encore seuls, tous les deux, seuls mais tous les deux. Chacun de son côté, moi perdue dans mes pensées trop noires qui rêvent de m'engloutir et lui dans ses inquiétudes charmées par l'ignorance.

Je le sens s'installer par terre en me tournant le dos, son dos posé contre le lit agit comme un bouclier. Il se protège de tout aveu que je pourrais laisser échapper. Mon cocon est percé par son aura imposante, c'est à peine si j'ose lancer un regard en biais dans sa direction.

Un œil s'ouvre en silence et tombe sur sa nuque laissant apercevoir des tatouages dans son dos. Je m'étonne de le découvrir, je me rends compte que je ne sais absolument rien de lui, nous n'avons travaillé que deux ou trois fois ensemble sans échanger la moindre parole.

Le mur en papier qui nous sépare résiste à toute tentative de liaison, aucune parole n'ose le franchir malgré sa fragilité. Alors je referme les yeux en contrôlant ma respiration, les battements de mon cœur cogne dans l'entièreté de mon corps; je ne suis plus qu'un tambour trop fragile pour se relever seul.

Begin againOù les histoires vivent. Découvrez maintenant