13 : 𝐹𝑎𝑖𝑡ℎ

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« We were broken and bleeding but never gave up » Motionless in White

Ignorer mes parents depuis maintenant quatre jours n'est peut-être pas la meilleure des idées mais j'ai encore du mal à répondre au téléphone. Du mal à m'ouvrir au monde en général.

Mes sœurs me harcèlent de messages, Linh est invisible depuis deux jours et Morgan ne répond pas à mes messages. J'ai envie de disparaître.

Tout le monde s'ignore depuis trois jours environ. La seule personne encore vivante est mon voisin qui s'amuse à se venger de moi en mettant de la musique super fort très tard le soir. Il veut me rendre folle et je crains que ça fonctionne.

De : Collaborateur
T'es dispo vendredi soir ? À la médiathèque, comme la dernière fois.

Quand on parle du loup. Tout en respectant le contrat, il me prévient au moins deux jours à l'avance; une semaine dans ce cas-ci. Je décide d'ignorer temporairement son message aussi.

Évidemment, mes sœurs continuent de me harceler pour que je réponde aux parents. Leur appel éclate comme un cadeau surprise alors prise d'un élan inespéré, je réponds.

- Ça fait quatre jours qu'on essaie de te joindre ! hurle ma mère au téléphone.

- Ouais je sais, je suis désolée. Ça a été la folie cette semaine, je suis débordée et...

...j'enchaîne les journées de révisions sans faire la moindre pause.

J'aime travailler à l'échec mental, cela me prouve que je suis une machine de guerre qui peut endurer des révisions intensives. Autrement dit, je suis carrément timbrée, ouais.

- On s'inquiétait, tu aurais pu envoyer un message.

Cette fois, c'est la voix de mon père qui me gronde. J'aimerais ne pas les inquiéter mais c'est ce que je fais tout le temps. Je tente de ne pas être un poids mais finis par tout gâcher. Je vis à l'échec.

Mes parents me racontent leur semaine, c'est à peine si je leur parle de la mienne, comme si je tentais de l'oublier. Leurs mots ne percutent pas mon cerveau, je les écoute dans le vide. Après tout c'est comme ça que je suis : déconnectée.

Ils me racontent les exploits de mes sœurs comme si je ne me renseignais pas ou que je ne regardais pas les informations à la télé. La comparaison est vile et bête mais je ne peux m'empêcher de me sentir inférieure à elles. Je n'ai pas leur talent, ni leur physique, ni leur charisme.

Cette manière d'exister parmi le chaos du monde ne pousse qu'à les faire briller alors que moi, je suis comme un livre sans titre avec des pages blanches.

Je me fonds dans mes traumatismes sans l'espoir de m'en sortir un jour. Affronter ses peurs n'est pas donné à tout le monde, certains prennent plus de temps que d'autres et pourtant j'ai l'impression que ça fait une éternité que je suis toujours au même point. Je n'avance pas tant que ça, je me contente de reculer.

Rester dans sa peine, c'est rassurant, en sortir reste effrayant. Peut-être que se laisser couler ne reflète que notre peur, cette peur que l'on tente en vain de dissimuler. Et en même temps, comment quelqu'un qui ne sait pas nager peut-il espérer respirer en remontant à la surface ? La plupart des gens cherchent un sauveur, d'autres espèrent se sauver seuls.

Dans cette hypocrisie, aucun des deux camps ne comprend que ces deux solutions fonctionnent chacune de leur côté. Le tout est d'assumer quoiqu'il advienne les autres difficultés, ce qui a de quoi faire abandonner les plus téméraires d'entre nous.

La solution unique n'existe pas, fuir n'est envisageable qu'à un certain point. Pourquoi tout le monde souhaite guérir mais enfonce les autres ? Cet espoir de se rassurer en instaurant un esprit de compétition inaccessible est tout simplement débile.

Begin againOù les histoires vivent. Découvrez maintenant