9 : 𝑇𝑟𝑦 𝑡𝑜 𝑒𝑠𝑐𝑎𝑝𝑒

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« I need to know where your loyalties lie. Tell me, are you gonna bark or bite ? » Bring Me The Horizon, Babymetal

Point de vue Morgan

La musique frappe en plein dans mes tympans, ma concentration inégalable ne perd pas une miette de ce qui est en train de se passer. Mon poignet ne répond presque plus à chacun de mes mouvements, le plaisir est tel que je sens que je vais m'envoler.

Les lignes fines se meuvent pour donner forme à l'expression mélancolique que la cliente souhaitait retranscrire. Les paroles profondes de l'artiste m'aident à exprimer les sentiments morbides qui doivent se voir sur la peau.

Plus rien n'existe autour de moi, les lignes noires se dessinent presque seules. Je tatoue, encore et encore, je tatoue à ne plus savoir où tatouer. La femme allongée fait face à mon instrument de liberté, ses mouvements sont inexistants, je crois qu'elle s'est endormie.

Ce n'est que lorsque mon chef d'œuvre est terminé que je relève enfin la tête. La musique continue, je l'entends enfin. Je retire mes écouteurs avant de ranger mon matériel, je me demande encore comment je vais la réveiller.

La clochette de la boutique retentit, un nouveau client arrive déterminé à tirer un trait sur ses péchés. J'aime cette idée, j'ai le moyen de les faire se confesser sans même avoir besoin de parler.

Je fais volte-face vers cette tête d'abruti que j'ai l'habitude de côtoyer, Marlon râle en s'installant sur le comptoir. Il ne me voit pas dans l'arrière salle, pourtant, même d'ici, je perçois son impatience sous ses traits étirés.

Mon collègue se charge de ma cliente encore endormie pour que je puisse affronter la bête. Ce n'est pas la première fois qu'il vient ici, mais c'est la première fois qu'il semble si préoccupé.

Aurait-il découvert que j'ai mis du curry dans son dentifrice ?

Impossible.

- Qu'est-ce que je peux faire pour toi Ô grand roi ? je demande de façon sarcastique en souriant de toutes mes dents.

- Ma tante vient ce week-end, tu vas venir.

Maman, pitié aide-moi.

Mes yeux s'écarquillent d'eux-mêmes sans que je ne m'en rende compte, aurait-il perdu la tête ? Madame Rosenbach est passée maître dans l'art de la tyrannie, elle serait capable de me faire changer de métier pour devenir curé.

Cette femme m'effraie plus que ma propre mère elle-même. Pas étonnant que Marlon et sa cousine soient partis en colocation, l'éviter relève du miracle. Sa sévérité ferait pâlir un cadavre.

Je connais par cœur cette soif de liberté, je ne peux pas les juger. Mais je n'ai jamais demandé à affronter cette grande dame, chacun doit assumer ses responsabilités, chacun de son côté.

- Hors de question. J'ai du boulot, je décline en croisant les bras.

Je sais qu'il sait que mon excuse est un beau mensonge mais il n'est pas censé savoir que j'ai mon week-end off. J'ai tous mes animés à rattraper, moi.

Le travail me prend tellement de temps que des cernes commencent doucement à se former sous mes yeux. Les lignes noires m'offrent une tête de déterré, je ressemble à un zombie. Sans compter que depuis quelque temps, je perds mes repères, tatouer permet de me vider la tête.

J'ai besoin de ce boulot tout comme j'ai besoin de payer mon loyer, je n'arriverais à rien si le manque de sommeil m'empêche de réaliser ce qui me fait vibrer. Ce choix de vie m'a coûté tellement cher que je serais déçu de le perdre.

Begin againOù les histoires vivent. Découvrez maintenant