Chap. 31

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Hubert s'arrête devant une porte où deux autres serviteurs attendent, visiblement hébétés et inquiets, ce qui n'a pas pour effet de rassurer Colombe.
Ils s'écartent à leur arrivée et Théodora entre sans peur, déterminée. Après une petite hésitation, Colombe et Ambroise entrent à leur tour. Là, ils découvrent une chambre plongée dans une obscurité étouffante, et une silhouette sur le lit. Colombe plisse les yeux. L'homme quarantenaire ressemble à un vieillard avec ses vêtements usés, ses rides qui creusent son visage et ses cheveux blancs. Il est trempé de sueur et sa poitrine se lève et s'abaisse avec force, tandis que sa respiration est bruyante et aggressive et saccadée par une toux sèche qui donne l'impression que ses poumons vont sortir par sa bouche.
Théodora est déjà à côté du lit pour ausculter l'inconnu, et Colombe s'apprête à s'approcher pour mieux voir lorsqu'elle est arrêtée dans son élan par une main se refermant sur bras. Elle se tourne vers Ambroise, ne comprenant pas, et il lui dit:

-Sortons.

Il la tire à l'extérieur sans même lui laisser le temps de comprendre ce qui se passe. Colombe retire son bras de sa main, agacée.

-Mais que fais-tu?
-Il y a bien d'une seule personne là-dedans pour voir ce qu'il a.
-Mais je dois apprendre auprès d'elle.
-Si ça ne tenait qu'à moi je l'aurais tirée de là aussi. Mais elle ne m'aurait pas laissé faire.

Pour la première fois, Colombe le voit perdre son calme. Il semble en colère, et elle ne comprend pas pourquoi. Son agacement s'apaise pour laisser place à l'inquiétude.

-Dis-moi ce que tu penses. Que se passe-t'il?

L'homme soupire et se frotte le front.

-Quand j'étais à la guerre, j'ai vu qui était vraiment notre pire ennemi. Et ce ne sont pas des hommes armés. C'est la maladie. Elle peut décimer des armées entières. Ce qu'avait cet homme... je ne sais pas ce que c'est, mais il ne faut pas rester avec lui. Il va probablement mourir. Ne mourrons pas tous avec lui.
-Comment le soigner alors?
-Théodora voudra l'aider même si sa propre vie est en jeu. Inutile de vous mettre en danger toutes les deux.
-Tu n'as pas à prendre cette décision à ma place.

Ambroise plisse les yeux, et après un instant il lâche sur un ton ferme:

-Si tu n'acceptes pas le conseil d'un ami alors subis l'ordre d'un duc. Je t'interdis de t'approcher de cet homme.

Et sur ces mots il tourne les talons et disparaît dans le couloir sous le regard choqué de Colombe. C'est bien la première fois qu'il utilise son statut contre elle...

Après de longues minutes, Théodora sort de la pièce, son nez et sa bouche cachés par le tissu de sa manche. Elle se tourne vers les serviteurs:

-Vous. Retournez dans vos chambres. Ne parlez à personne. Ne sortez pas. Quoi qu'il se passe, restez isolés.

Sans poser de questions, mais n'en pensant pas moins, ils la saluent respectueusement et disparaissent. Théodora se tourne alors vers Colombe mais reste loin d'elle.

-Vous avez bien fait de sortir. J'aurais du réfléchir davantage. Je vais faire de même et aller m'enfermer dans ma chambre. Personne ne devra venir me voir, ni venir voir ces serviteurs, ni cet homme. De toute façon nous ne pouvons plus rien pour lui. Avec un peu de chance, la maladie ne se propagera pas.

L'inquiétude serre de plus en plus le cœur de Colombe.

-Mais... que se passe-t'il?
-Tu vas devoir travailler seule. Soigner les gens, je sais que tu vas y arriver d'accord. Aies confiance en toi. Avec un peu de chance tout sera réglé très vite et je reviendrai t'aider d'ici quelques jours. En attendant, n'hésite pas à prendre les décisions nécessaires. Maintenant je te laisse.
-Mais dis-moi! Qu'est ce que cet homme a?

L'expression de la femme est grave. Elle hésite, et finit par dire, tout bas pour être certaine que personne qui passerait ne puisse entendre:

-J'ai bien peur que la Peste Noire vienne de s'abattre sur notre duché...

ColombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant