Colombe

Chap. 56

-Où est-elle?
-Monsieur le duc? Mais... mais... qu'est-ce que...
-Où est-elle?! hurle presque Ambroise.

Il vient d'entrer dans la salle où régnait encore deux jours plus tôt Walderic.
Là, des hommes d'armes et des hommes d'église sont réunis, accompagnés d'une seule et unique femme, endeuillée. Tous se sont figés à l'entrée inattendue du duc. Il leur faut quelques instants pour se prosterner, mais Ambroise s'en moque, il ne veut qu'une seule: la voir.

-Elle est... elle est enfermée aux cachots et gardée jours et nuits.
-Menez-moi à elle.

Le prieur, désormais homme plus important du comté en attendant qu'un nouveau comte soit nommé, s'avance alors pour l'y mener même s'il ne voit vraiment pas l'utilité qu'un homme si haut placé aille voir cette sorcière meurtrière.
Ils descendent les longs escaliers pour aller au sous-sol où se trouvent les cachots.
Tout en marchant, Ambroise ordonne d'une voix ferme à l'homme d'église:

-Racontez-moi. Que sait-il passé?
-Il y a trois jours, lors d'une chasse au cerf, notre bien aimé comte a semé le reste de sa troupe et...
-Non, le coupe-t'il.
-Qu...quoi? demande l'homme un peu perdu et apeuré.
-Il n'était pas « notre bien aimé comte ». C'était un imbecile qui usait de son pouvoir à des fins personnelles et vicieuses. De plus, il gérait mal les finances de son domaine, ce qui impactait directement mon duché.
-Oh... euh... oui. Et bien le comte a semé sa troupe, mais il n'est jamais revenu. Ses hommes l'ont cherché plusieurs heures, jusqu'à être attirés par une odeur de cochon grillé... et là ils l'ont trouvé. Il avait brûlé vif. Nous l'avons reconnu seulement grâce à ses armes.
-Et elle?
-Elle était là. Assise par terre, à le regarder sans bouger. Elle aurait pu s'enfuir bien avant leur arrivée, pourtant elle était là. Elle n'a posé aucune résistance quand elle a été arrêtée. Nous vous avons fait prévenir pour vous tenir informé de la situation Monsieur Le Duc, mais nous ne voulions pas vous faire déranger. Nous allions régler le problème ne vous inquiétez pas.
-C'est bien ce qui m'inquiète. Le régler de quelle manière?
-Nous l'avons interrogée, pour savoir si elle était seule, et les raisons de son crime, ainsi que pour la faire avouer. Elle nous a tout dit rapidement et bien-sûr nous a confirmé qu'elle était bien une sorcière et que le diable agissait à travers elle. Alors maintenant tout ceci n'est qu'une formalité. Elle sera brûlée sur la place publique, comme cela aurait déjà eu être le cas avant que... Et bien... avant que vous ne la sauviez. Bien-sûr votre geste était chrétien mon Seigneur, mais elle ne méritait pas votre clémence. Vous n'avez vue comme une victime mais elle vous a ensorcelé ce jour là. Elle doit retourner dans les flammes de l'enfer au plus vite. Dans trois mois, tout ceci sera derrière nous.
-Dans trois mois? Pourquoi voulez-vous attendre trois mois pour l'exécuter?

Mais l'homme n'a pas le temps de répondre qu'ils sont arrivés près des cellules.

-C'est ici Monsieur Le Duc.
-Restez ici.
-Oh... Bien. La sorcière est sur votre gauche dans le cachot au fond du couloir.

Ambroise se saisit d'une des torches accrochée au mur et avance dans ce couloir étroit et humide. Il s'arrête devant les grilles indiquées. Il voit, assise en boule sur le sol au fond de la cellule, une silhouette enveloppée dans une couverture en toile de jute, autrefois blanche et désormais grise.

-Colombe...

A l'entente de cette voix, la jeune femme lève la tête, et elle le reconnaît aussitôt.

-...Ambroise... dit elle dans un souffle.

Il lui sourit, ému:

-Je suis là. Il ne t'arrivera rien.
-Je l'ai tué.
-Peu importe. Il t'avait fait du mal.
-J'en ai tué d'autres aussi. D'autres hommes.
-...Pourquoi?
-Parce qu'ils méritaient de mourir. Il fallait que quelqu'un le fasse. Je m'en suis chargée.
-...Je vais te sortir d'ici.

Colombe sourit tristement.

-Tu es encore amoureux de moi n'est-ce pas? Alors que je t'ai abandonné, et après tout ce temps...

Ambroise ne répond rien, mais son silence est parlant.

-Tu ne peux plus m'aimer Ambroise. Ni me protéger. Même avec ton statut, mes crimes sont trop graves.
-Je t'aime malgré ce que tu as fait. Je t'aimerai toujours! Marions-nous. Ainsi tu seras protégée.
-Non. C'est impossible.
-Mais pourquoi? Pourquoi?

Alors, doucement et difficilement, Colombe de lève, toujours emmitouflée dans dans couverture. Elle s'approche à petits pas de la grille, et arrivée tout près de lui, elle ouvre lentement la couverture. Et là, Ambroise voit. Il voit ce ventre rond, lourd.

-Je porte un enfant. Depuis six mois. Ils vont attendre que j'accouche, puisque cet innocent n'est pas responsable de mes crimes, et alors ils me brûleront. Et tu ne peux rien y changer...