Colombe sort de son sommeil en sentant de douces caresses sur son épaule. Elle entrouve les yeux et découvre Jean tout à côté d'elle qui la regarde en souriant.-Bonjour mon amour.
Elle sourit en retour, encore un peu endormie.
-Bonjour Votre Majesté.
-Ne m'appelle pas comme ça, je vais finir par trouver ça excitant.
-Pardon Votre Majesté, répond-t-elle avec un petit rire taquin.Il l'embrasse sur le bout du nez.
-Tu dormais si paisiblement... J'ai hésité à te réveiller, mais je vais devoir y aller, on doit déjà m'attendre. Je ne voulais pas que tu penses que je t'ai abandonnée en te réveillant toute seule.
-Je n'aurais pas pensé ça. Je t'aime.
-Je t'aime.Ils s'embrassent tendrement, et Colombe réalise à quel point elle se sent heureuse, pour la première fois depuis tant d'années.
Jean sort du lit et commence se vêtir tandis que Colombe l'observe avec envie. Soudain, elle réalise quelque chose:
-Et... ta femme? Que va-t'il se passer si elle...
-Si elle l'apprend? Rien. Les rois ont toujours eu des maîtresses, c'est dans l'ordre des choses.Colombe fronce les sourcils. Il éclate de rire.
-Moi non. Je ne l'ai jamais trompée avant hier soir. Je te l'avais dit, je n'use pas de mon statut pour obtenir les faveurs des femmes. Tu es la seule, et la seule que je désire. Mais quoi qu'il en soit, notre couple n'est qu'une alliance politique, tu es bien placée pour le savoir. Elle fait sa vie, loin de la cour, à l'exception de certaines cérémonies, et je fais la mienne. Tu crois vraiment qu'elle m'a été fidèle pendant toutes ces années? Si c'est le cas tu n'écoutes vraiment pas les rumeurs à la cour. La reine aime avoir dans son lit autant les serviteurs que les ducs. Et je m'en moque bien. Qu'elle soit heureuse, tant qu'elle ne tombe pas enceinte.
-En ce qui concerne les rumeurs justement, peut-être est il préférable que nous restions très discrets non?
-Pourquoi donc? Je n'ai pas envie de te cacher. Je t'aime, et être roi a ses avantages. Ma maîtresse officielle a le droit à de nombreux privilèges.
-Je n'ai pas besoin de plus de privilèges... tout ce qui m'importe c'est toi.
-Tu serais davantage respectée si tu avais ce statut tu sais. Notamment par les autres conseillers. Personne n'aime se mettre à dos celle qui chuchote à l'oreille du roi. Et également, cela t'épargnerait de nouvelles demandes en mariage. Maîtresse du roi est un meilleur statut qu'épouse de n'importe quel noble, aussi haut placé soit-il.Colombe est pensive. Peut-être n'a t'il pas tord au fond. Mais surtout, en effet, elle n'a pas envie d'être un secret. Aimer en secret ne lui a jamais apporté rien de bon par le passé.
-Je vais y réfléchir...
-Prends le temps qu'il te faudra. Allez, je dois y aller.Il l'embrasse une nouvelle fois sur le bout du nez et quitte la chambre.
Colombe trottine de joie en marchant dans les couloirs du château en direction de la salle du trône. En se préparant ce matin, elle a finalement pris sa décision: oui, elle veut aimer Jean au grand jour et qu'il l'aime en retour. Elle ne veut pas se cacher ni se faufiler en secret la nuit dans sa chambre. Elle haït le mariage et cette situation lui évite toute possibilité de mariage. Elle n'aurait jamais pu rêver meilleure situation. Elle sera toujours libre, mais toujours avec lui. Elle l'aime. Il l'aime. Rien d'autre n'a d'importance. Elle se sent comme une jeune fille amoureuse, légère et puissante.
Presque arrivée, elle croise Gautier, qui se dirige lui aussi en direction de la salle du trône pour la réunion des conseillers. La tête haute, elle lui dit d'un ton faussement amical mais tout à fait provoquant:
-Comment allez vous aujourd'hui cher ami? Remis de vos blessures d'hier?
Elle n'attend pas de réponse et passe devant lui, mais alors, il la saisit par l'épaule. Elle s'apprête à lui décocher un nouveau coup sans hésiter, mais avant qu'elle ne puisse faire un geste, une douleur viscérale lui tranche le ventre. Elle baisse les yeux, et voit une lame recouverte de sang ressortir de son ventre. Elle relève son visage vers lui, dans l'incompréhension la plus totale, les yeux exorbités, incapable du moindre son.
-Je ne perds jamais contre une femelle. Retourne en enfer diablesse. Je ne te laisserai pas m'humilier de nouveau, et je ne te laisserai pas ensorceler notre roi.
Elle veut parler, mais de sa bouche ne sort que du sang dans un étouffement. Elle s'effondre au sol, agonisante. Elle essaye d'attraper la cheville de son assassin, mais il se dégage, laisse tomber le couteau au sol à côté d'elle, et s'enfuit.
Elle veut se traîner, hurler, mais la douleur est insoutenable. Elle n'arrive plus à respirer, ne parvient même pas à pleurer.
La main tremblante, elle porte le doigt à la flaque de sang autour d'elle, puis dresse le bras pour écrire sur le mur à côté de son visage.
Elle sait qu'elle va mourir. Elle sait que c'est la fin. Pas parce qu'elle a soigné tant de gens et vu en mourir tant d'autres, mais parce que son corps lui le sait. Il s'affaibli de seconde en seconde. Elle se vide de son liquide de vie.
Elle sent le désespoir essayer de la submerger, mais elle ne veut pas. Non elle se refuse à mourir dans le malheur. Sa vie en a déjà trop été synonyme. Colombe meurt aimée, meurt en aimant. Y a t'il plus bel instant pour partir? Elle a aimé une dernière fois avant de partir. Et elle ne regrette rien. Elle a essayé de rendre sa vie utile, et elle n'a jamais abandonné. Elle n'a plus peur, elle n'est plus désespérée. Elle aime. Elle aime. Elle aime.Et lorsque, quelques temps plus tard, une servante trouve son corps sans vie, se met à hurler, et que tous les hommes du conseils se précipitent dans le couloir, Jean à leur tête, ce n'est pas seulement son amour assassiné qu'ils découvrent, mais à ses côtés, un nom écrit dans son sang, un seul et unique nom.
Gautier
• FIN •

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Colombe
Narrativa StoricaAn 1347. Colombe a vingt-deux ans et n'est toujours pas mariée. Belle et intelligente, elle attise le désir des plus puissants. Mais Colombe veut être libre de faire ce qu'elle souhaite, d'aimer qui elle veut, d'aller où bon lui semble. Pourtant, da...