-Colombe!
-Théodora...Les deux femmes se jettent presque dans les bras l'une de l'autre, et Colombe sent les larmes lui monter aux yeux. Comme elle est heureuse de retrouver cette amie, presque cette sœur.
-Mais qu'est ce que... demande Théodora en sentant entre elles ce ventre proéminent.
Elle recule juste assez pour pouvoir observer le corps de Colombe, puis relève les yeux vers son visage, un masque inquiet sur le visage.
-...Qui...?
Elle n'arrive pas bien à formuler la question, mais Colombe la comprend.
-Je ne sais pas. Mais quel que ce soit celui qui a ainsi meurtri mon corps, il est mort aujourd'hui.
Théodora ne peut cacher son horreur et sa tristesse. Elle la serre encore contre elle et lui murmure:
-Tu es avec nous maintenant. Tu es en sécurité ici. Tu ne partiras plus.
Chacun est donc bien déterminé à la maintenir en sécurité... en captivité...
Elle ne leur en veut pas. Ils pensent savoir ce qui est bon pour elle, ils veulent l'aider, sans comprendre qu'enfermer dans un bocal une flamme équivaut à l'étouffer jusqu'à l'éteindre.
Mais au fond, n'est-elle pas déjà éteinte?Ambroise s'approche après avoir donné quelques ordres à ses hommes au sujet des chevaux.
-Viens, tu vas pouvoir te reposer. Et... nous devons parler.
Théodora les accompagne jusqu'à la chambre dans laquelle va loger Colombe, puis elle les laisse. Ambroise laisse la porte entrouverte pour rassurer la jeune femme sur ses intentions. Il m'aide à s'assoir sur le lit.
-Tu as tenues ici, et je t'en ferai faire d'autres pour la fin de ta grossesse. Si tu as faim ou besoin de quoi que ce soit, les serviteurs sont à ta disposition. Tu dois vouloir te laver aussi, je vais ordonner qu'on te fasse monter un bain.
Le silence s'installe, et les deux jeunes gens se regardent, une certaine tension gênée entre eux. Finalement, Colombe brise le silence:
-Tu voulais me parler...
Ambroise semble hésiter, puis finit par lâcher:
-Je sais qu'ils t'ont torturé.
Elle ne répond rien, attend qu'il poursuive.
-Pourquoi ne me l'as tu pas dit?
-A quoi bon? Ce qui est fait est fait. Et à leurs yeux je le méritais.
-Ils t'ont torturé alors que tu portes la vie!
-Je ne porte pas la vie Ambroise, je porte un fardeau qui m'a été imposé et dont je n'ai pu me débarrasser à temps. Il ne fallait pas seulement qu'ils me violent... il fallait qu'ils me fassent devenir mère. Parfois, j'aimerais m'ouvrir le ventre pour faire sortir cette chose. Cette chose sans doute aussi monstrueuse que ceux qui m'ont mis là.Elle voit l'éclair d'horreur passer dans le regard d'Ambroise. Elle a un petit rire ironique:
-Toi aussi alors? Tu penses que je suis le Diable? Une sorcière? Un monstre?
-Non. Je ne pense pas ça.
-Je suis simplement ce qu'ils ont fait de moi. Je n'étais pas comme ça... avant.
-Je pense que tu veux te faire toi même passer pour ce que tu n'es pas. Tu veux te faire croire à toi même que tu as perdue toute humanité, que tu n'es plus toi même, mais c'est faux. La Colombe qui voulait vivre, qui a sauvé tant de gens, qui riait aux éclats, je sais qu'elle est toujours là. Je la vois dans tes yeux, derrière la tristesse et la colère. Elle n'a pas disparu. Tu es là. Je te reconnais, et jamais je ne penserai que tu es autre chose que ce que j'ai connu, quelqu'un d'autre que celle dont je suis tombé amoureux dès les premiers instants.Cette fois, les larmes se mettent à couler sur les joues de la jeune femme. Elle entrouvre la bouche:
-Je ne mérite pas ta clémence, ton amour. Je suis une meurtrière, une pécheresse, une condamnée.
Ambroise pose doucement sa main sur la sienne.
-Tu as toujours fait ce qui te paraissait juste. Je n'ai jamais rencontré une femme, une personne si courageuse, si déterminée, et si forte. L'enfant que tu portes deviendra ce que tu en fais. Il ne sera pas ton bourreau. Transmets lui ton savoir, tes convictions, la justice. Et si tu l'acceptes, je peux être celui qui l'aimera aussi, qui le guidera avec toi, qui sera pour lui ce que n'aurait jamais été son géniteur, quel qu'il soit.
Colombe pleure encore, silencieusement, et vient délicatement prendre la main d'Ambroise poser sur la sienne pour la poser sur son ventre rond.
-...Il bouge, dit-il, presque surpris et ému.
Elle sourit.
-C'est la première fois que je le sens...
Un silence.
Ambroise se penche lentement vers elle, elle ne recule pas, attend qu'il vienne à elle. Elle ferme les yeux. Il dépose ses lèvres sur les siennes.

VOUS LISEZ
Colombe
Historical FictionAn 1347. Colombe a vingt-deux ans et n'est toujours pas mariée. Belle et intelligente, elle attise le désir des plus puissants. Mais Colombe veut être libre de faire ce qu'elle souhaite, d'aimer qui elle veut, d'aller où bon lui semble. Pourtant, da...