Colombe

Chap. 63

-...pour m'aider à punir les coupables et apaiser les âmes de ceux que j'aimais.

Un silence. Puis de nouveaux murmures. Si cette fille ressemble à une mendiante ou une étrangère, elle ne s'exprime pas comme tel. Le roi est quant à lui toujours aussi neutre, assis tranquillement sur son trône de bois.

-Si ce que tu dis est vrai alors justice doit être rendu en effet. Quel âge as-tu?
-Vingt-quatre ans votre majesté.
-Tu sembles plus âgée.
-Les souffrances que j'ai subit ont assombri mon visage votre majesté, et je sais que je ne suis pas présentable, je suis désolée, mais voilà deux mois que je suis sur les routes pour venir jusqu'ici et implorer votre pitié.
-Deux mois... D'où viens-tu donc?
-Du Duché de La Loire Votre Majesté.

Un sursaut glacial parcourt l'assemblée, et le visage du roi se fige un instant avant de se durcir.

-Qui était ton mari?
-Ambroise Duc De La Loire Votre Majesté.

Nouveau sursaut, puis murmures incessants. Le Roi se lève brusquement.

-Sortez-tous.

Aussitôt, les portes sont ouvertes par les gardes et toute la noblesse soumise quitte la salle en se pressant. Les portes sont refermées et ne reste alors plus que le souverain, les gardes, l'homme qui est depuis le début debout à ses côtés et à l'écart un jeune homme d'un peu moins d'une trentaine d'années que Colombe n'avait pas encore remarqué.
Le roi s'approche de la jeune femme qui ne sait plus si elle doit alors le regarder ou détourner les yeux.

-Tu es donc l'épouse disparue d'Ambroise? Comment te nommes-tu?
-Colombe votre majesté.
-Le corps de la jeune épouse n'a jamais été retrouvé. Voici qui explique tout: tu n'es pas morte.
-...Pardonnez-moi Majesté mais... de quoi parlez vous?
-La rébellion du Comté de La Loire sur son Duché est arrivé à nos oreilles bien avant toi. Un Roi ne peut laisser impuni un peuple qui se rebelle contre l'ordre et sa noblesse. Et assassiner tous les habitants d'un château le soir même des noces du duc est sans doute l'une des choses les plus barbares et pécheresses que j'ai pu concevoir, dit le roi avec un air sincèrement écœuré et désolé.
-Vous voulez dire que...

Les mots restent bloqués dans la gorge de la jeune femme.
L'homme aux côtés du roi, que Colombe devine être son ministre ou conseillé, s'avance lui aussi d'un pas pour poursuivre le récit:

-À peine cette nouvelle arrivée aux oreilles de Paris, nous avons agit sans tarder. Les coupables ont été arrêtés et jugés pour leur crime. Ils ont tenté de se défendre en parlant de justice, mais c'était une vengeance rebelle qui méritait une sentence à la hauteur de l'acte. Ils ont tous été pendus. Des soldats, des prêtres, des paysans, et même des femmes. Tous. Et nous avons dignement enterré les corps des victimes dans la terre de Dieu. Il y avait tant de monde... même des enfants. Mais la mariée, elle, n'a jamais été retrouvée...

Les lèvres de Colombe se mettent à trembler, et ses yeux se remplissent silencieusement de larmes, jusqu'à ce qu'ils débordent. Elle fond en sanglots incontrôlables de tristesse et de soulagement, son visage dans ses mains.

-Oh pardonnez moi, pardonnez moi votre majesté. Mais... j'attendais que justice soit rendue depuis si longtemps. Vous ne pouvez pas imaginer le soulagement que provoque dans mon cœur ces paroles...

Le Roi sourit gentiment, comme un père, puis retourne s'assoir sur son trône.

-Tu es en sécurité ici, et tu es l'invitée de la couronne. Tu seras logée et traitée à la hauteur de ton statut de duchesse.
-Votre Majesté, intervient le conseillé, si je puis me permettre, le mariage de cette jeune femme et le duc n'ayant pas été consommé puisque... l'événement tragique a eu lieu avant la nuit de noces, le mariage n'a pu être officialisé et n'est donc pas recevable.
-Je le sais parfaitement Clovis. Mais ma volonté est celle de Dieu, et ma volonté est de traiter notre invitée comme bon me semble, c'est à dire comme la duchesse qu'elle aurait dû être si ces barbares n'avaient pas...

Il s'interrompt pour calmer son ton qui commencer à monter en rage. Il retourne son visage vers Colombe:

-La famille du Duc Ambroise ayant été... décimée sans laisser d'héritier, j'ai redonné le duché et le comté à des nobles de ma cour en qui j'ai toute confiance. Étant une femme, même si le mariage avait été validé, tu n'aurais pu garder le château... Désormais tu feras partie de ma cour. Tu n'as plus rien à craindre, et tu seras au milieu de ceux de ton rang.

La jeune femme entrouvre la bouche, choquée de cette nouvelle.

-Mais... Mais votre Majesté ce n'est pas ce que je...

Il la coupe en levant la main:

-Telle est ma volonté. Tu peux disposer.

Il se tourne alors vers le jeune homme silencieux et observateur de la scène depuis le début.

-Jean. Accompagne notre invitée jusqu'à ses appartements.