• Octobre 1356 •-La construction d'hospices serait une dépense énorme et inutile.
-Certes cela serait un coup important pour les trésors du royaume, mais cela permettrait de guérir tant de gens...
-Les prières sont le meilleur remède.
-Priez tant que vous voulez, si vous n'avez ni le lit, ni les soins, ni la nourriture suffisante pour survivre, vous ne survivrez pas.
-Notre Seigneur Jésus a survécu 40 jours dans le désert.
-Avez-vous donc la prétention d'être Jésus mon cher Gautier? Moi non, et le peuple non plus.
-Le royaume ne dépensera pas autant pour construire des bâtiments inutiles! Point.
-N'est-ce pas notre rôle de mettre l'argent de l'Etat au service du peuple?
-Non. C'est au peuple d'être à disposition de Sa Majesté le Roi, et non l'inverse.
-C'est absurde! Ce que vous dites est absurde! Un Roi ne peut vivre sans peuple. Un peuple peut vivre sans roi.
-Comment osez-vous? Voilà Votre Majesté, regardez son vrai visage! Voilà ce qui se passe lorsque la parole est donnée à une femme!
-Cela suffit maintenant, j'en ai assez entendu. Sortez-tous, proclame le roi d'un ton ferme, lui qui jusqu'ici se contentait d'écouter ses conseillers.Tous se prosternent dans un mot et quittent la pièce, Colombe également, mais celle-ci est arrêtée au dernier moment.
-Pas toi Colombe. Reste. J'ai à te parler.
La femme obéit, et les gardes referment les portes de la salle du trône lorsque tous les autres sont sortis.
-Votre Majesté...?
-Tu sais très bien que tu n'as pas besoin de m'appeler comme ça lorsque nous sommes seuls. Tu es la seule à me parler d'égal à égal, alors ne t'arrête pas.
-Bien... Jean. Que voulais-tu me dire?
-J'aime ton honnêteté, ta franchise et tes idées novatrices. Mais tu ne peux pas sous-entendre des idées révolutionnaires ou traîtresses devant d'autres que moi.Colombe a un petit sourire en coin qu'elle ne peut réprimer.
-J'ai cru qu'il allait s'étouffer lorsque j'ai dit ça...
-Tu aimes trop le torturer ce pauvre Gautier.
-Ça ne lui fait pas de mal. Je n'y peux rien si tu as choisi un ministre des finances si idiot.
-Il n'est pas idiot. Il sait gérer le trésor. Grâce à lui la couronne a payé les dettes qu'elle devait depuis des décennies.
-Il renfloue les caisses, c'est le moins qu'on puisse dire étant donné qu'il affame le peuple.
-Je fais ce que je peux Colombe. Tu sais que tout est compliqué. Je ne voulais pas être roi, mais maintenant que je suis sur le trône je me dois de faire au mieux pour tous mes sujets.
-Je sais la complexité de ton rôle, et je ne te l'envie pas. Mais je suis une de tes conseillères, et en tant que telle je te conseille. Mais je pense toujours ce que j'ai dit le soir ton mariage: je pense que tu es un bon roi. Ce n'est pas pour rien qu'on te nomme Jean II Le Bon. Mais ne pense jamais cela acquit.
-Je sais Colombe... je sais.Un silence. Colombe finit par demander:
-Comment va la reine?
-Cela t'intéresse?
-C'est ma souveraine, bien-sûr que cela m'intéresse.
-Ton nez se plisse quand tu mens.Colombe sourit en baissant la tête. Sept années à se fréquenter quotidiennement, il a fini par parfois mieux la connaître qu'elle même, et inversement.
-Jeanne est en voyage. Comme d'habitude. Nous ne nous voyons que très peu, et cela nous va à tout deux.
-Tant mieux si vous avez trouvez un équilibre qui vous convient.
-Nous n'étions pas faits pour nous aimer. Ni mêle nous apprécier d'ailleurs. Nous sommes trop différents.
-Toi et moi aussi sommes très différents. Et pourtant...Colombe laisse sa phrase en suspens. Jean l'observe intensément un instant, puis détourne le regard.
-À ce sujet... une nouvelle proposition de mariage m'a été soumise. Par le Duc d'Auvergne.
-Me concernant?
-Oui. Comme d'habitude. Tu es l'unique femme conseillère du roi, et notre amitié n'est pas secrète. Tu n'as pas de fortune, mais politiquement tu es l'un des plus bons partis du royaume. Et comme tu n'as plus de parent masculin c'est à moi qu'on demande la bénédiction...
-Et comme d'habitude tu connais ma réponse.
-Je sais. J'ai déjà refusé la proposition.
-...Merci Jean. Pour ton soutien constant depuis toutes ses années.
-Ne me prends pas pour un sain Colombe. Si je refuse toutes ses demandes en mariage, c'est en partie par égoïsme.
-Pourquoi dis tu cela?
-Je ne veux pas te voir épouser un autre homme, ni t'imaginer heureuse à son bras ou dans son lit.
-...Jean... ne dis pas ça...
-Cela fait presque sept ans que je suis amoureux de toi.
-Et cela fait presque sept ans que je suis amoureuse de toi. Mais mes sentiments n'ont pas à peser dans la balance de nos actes. Tu es marié. Tu es roi. Ton statut t'empêche d'être libre, mon passé m'empêche d'être libre.
-...Je sais Colombe. Je ne disais pas ça pour te convaincre de quoi que ce soit. Je te l'ai dit simplement pour que tu le saches.Elle sourit tristement.
-Je le savais déjà Jean. Je le sais depuis le début. Je connais ton amour avec autant de certitude que je sais t'aimer.

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Colombe
Fiction HistoriqueAn 1347. Colombe a vingt-deux ans et n'est toujours pas mariée. Belle et intelligente, elle attise le désir des plus puissants. Mais Colombe veut être libre de faire ce qu'elle souhaite, d'aimer qui elle veut, d'aller où bon lui semble. Pourtant, da...