Chap. 66

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Colombe marche à toute allure dans le couloir de l'immense chateau, à la recherche d'air. Finalement elle parvient à une cour intérieure. Elle s'effondre à genoux dans la terre froide et tourne son visage vers le ciel étoilé à la recherche d'oxygène. De la buée sort de sa bouche tandis que sa poitrine se lève et se rabaisse désespérément dans sa robe serrée. Petit à petit, elle parvient à retrouver son calme et ses visions d'horreur disparaissent enfin de devant ses yeux.

-Moi non plus je n'aime pas danser.

Colombe sursaute en entendant cette voix masculine dans son dos et se relève d'un bon en voyant le prince hériter derrière elle, appuyé contre un pilier.

-Je... j'avais besoin d'air...
-J'ai vu ça.
-...Je vais mieux.
-Tant mieux.

Jean ne bouge pas, il se contente de continuer à l'observer, alors elle insiste:

-Vous pouvez partir.
-C'est en quelques sortes mon château ici, alors me congédier est un peu audacieux ne trouves-tu pas?

Colombe comprend qu'elle ne se débarrassera pas de lui alors dignement elle passe devant lui pour quitter la cour intérieure.
Il se met à la suivre, d'assez près:

-Je ne pensais que l'idée du mariage pouvait dégoûter quelqu'un autant que moi.

La jeune femme lui jette un regard surpris. Il hausse les épaules.

-Ne me regarde pas comme ça. Je ne vais pas mettre le pays en péril par caprice. Je me marierai et aurai une descendance. Mais cette idée ne me réjouis pas. Tout comme toi.
-Qui vous dit que cette idée ne me réjouit pas? demande-t'elle sans cesser de marcher.
-Ne joue pas trop, j'ai le pouvoir de t'organiser un mariage avec n'importe lequel de ces nobles d'ici demain...

Elle n'ajoute rien alors il reprend:

-J'ai vu ta tête quand ma mère t'a soumis cette idée. Bien-sûr j'ai pensé un instant que c'est en raison du deuil que tu portes encore. Mais il y a autre chose n'est ce pas? Tu hais le mariage. Pourquoi? Était-il forcé? Le duc était-il cruel?
-C'était un homme bon!
-Hum... de toute façon vous avez été mariés moins de six heures. C'est un peu court pour réussir à dégoûter une femme du mariage.
-Qu'est ce que vous voulez?!

Colombe commence à perdre patience. Son pas s'accélère, comme si elle pouvait réussir à le semer, alors qu'elle ne sait même pas vers où elle marche et que lui connaît le château par cœur.

-Juste comprendre. Tu as des secrets, cela se voit. Alors quoi? Ton père battait ta mère?
-Cela suffit! Laissez-moi!
-Oh! Mais non bien sûr suis-je bête... tu as déjà été mariée n'est ce pas?
-Taisez-vous!

Cet impératif a résonné si fort qu'il surprend même le prince. Personne ne lui parle comme ça, jamais. Seul son père peut hausser le ton contre lui, et ce n'est pas dans ses habitudes.

-C'est donc bien ça: tu as déjà été mariée.
-Vous ne pouvez pas comprendre, vous ne comprenez rien. Vous pensez comprendre la vie alors que vous la regardez depuis votre château. Vous ignorez la vie des vrais gens, ces gens qui seront bientôt vos sujets et qui vous supplieront de les aider. Et vous jugerez leur peine et leurs malheureux depuis votre trône, et vous penserez être un bon souverain, alors que vous n'avez aucune idée de ce que votre peuple vit. Vous êtes un idiot. Un idiot avec bientôt une couronne sur la tête, voilà tout.

Un silence. Jean fixe Colombe avec un air qu'elle ne comprend pas. Une partie d'elle regrette ses paroles. Il pourrait la faire exécuter pour de tels mots si l'envie lui en prenait. Mais la mort ne lui fait plus peur, et elle avait trop besoin de s'exprimer.
Finalement, il plisse le nez un instant, et finit simplement par dire:

-Tu mériterais que je t'épouse pour une telle audace.

ColombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant