• Avril 1349 •Les chevaux vont vite à travers les arbres. Le cerf lui aussi est rapide, et fuit aussi vite dont il est capable, évitant de justesse les flèches acérées qui frôlent son pelage. Les chasseurs galopent après lui, ne le laissent pas les semer. Ses bois se prennent dans les branches basses et les arrache, faisant voler des pluies de feuilles sur son chemin sans que cela ne le ralentisse un instant.
-Plus vite! Il va nous échapper!
Les hommes enfoncent leurs talons dans les flans des chevaux pour les faire aller plus vite, et leur seigneur en tête s'acharne plus que les autres sur sa monture. Peu à peu il se met à distancer ses hommes, ne voulant pas laisser le cerf s'échapper même si la forêt devient profonde et plus dangereuse. Son arc à la main, il continue de tirer vers la bête sauvage qui s'échappe.
Soudain, la colline qu'ils étaient en train de monter s'arrête brusquement sur un petit ravin. Il est peu profond, mais suffisamment pour briser les pattes des chevaux et les nuques des cavaliers. Tous les hommes font stopper leurs chevaux, mais pas lui, pas le comte.-Seigneur attention! Que faites-vous?!
Mais l'homme ne répond pas et dans un élan majestueux fait sauter son cheval sur les traces du cerf. Il bondit au dessus du ravin et atterrit sur la colline jumelle sans le moindre soucis avec un petit sourire de fierté.
« Bande d'incapables » pense-t'il.
Mais il n'a pas le temps de les traiter de lâches, il doit tuer ce gibier une bonne fois pour toute.
Il est plus déterminé que jamais, comme si son honneur était en jeu.
Il arme son arc et met en joue le cerf qui continue de galoper à travers les arbres. La corde est tendue sous ses doigts, la flèche est prête à partir, il n'a jamais été aussi près de l'animal, aussi certain de l'atteindre.Soudain, son cheval s'écroule en avant, et le seigneur fait un vole plané. Il n'a même pas le temps de hurler tant la surprise le saisit. Il chute lourdement au sol, et entant plusieurs de ses os se briser dans son corps tandis que son cheval se relève tant bien que mal, paniqué.
Incapable de bouger, il grogne entre ses dents au cheval:-Saleté de bête, je vais te faire servir au dîner!
-Cela ne m'étonne pas de toi...La voix féminine le fait sursauter, et il tourne du mieux qu'il peut son visage vers elle, toujours cloué au sol. Il la découvre alors avec horreur: elle, son ancienne épouse.
-Co...Colombe...
-Bonjour Walderic. Cela fait longtemps que j'ai attendu ce moment...Tranquillement, elle s'approche du cheval encore paniqué et vient saisir son harnais.
-Chut, doucement mon beau, doucement.
L'animal se calme. Elle lui retire alors sa scelle et son harnais pour le libérer complètement de toute entrave.
-Allez, tu es libre, vas-t'en... dit-elle en lui donnant une petite tape sur l'arrière-train.
Le cheval se met alors à trotter avec joie et disparaît dans la forêt profonde.
Colombe s'agenouille, et Walderic la voit détacher une corde tendue entre deux arbres qu'il n'avait pas vu. C'est à cause de ça que son cheval a chuté, et lui avec.
Emplie de la rage la plus aggressive il réussit à articuler malgré la douleur:-C'est... c'est toi qui a fait ça, espèce de...
Elle se tourne alors vers lui, menaçante, et l'homme ne finit pas sa phrase.
-Espèce de? Poursuis donc je t'en prie. Chienne? Putain? Sorcière? Je suis certaine que pleins de jolis mots te viennent en tête.
Il reste silencieux, mais ses yeux n'en disent pas loin, ce qui amuse la jeune femme. Elle se penche vers lui et observe son corps.
-Tu as de la chance de rester allonger, tu n'as pas à voir dans quel état est ton corps. Les chutes de cheval ça ne pardonne pas, c'est bien connu...
Il essaye de l'attraper mais elle s'écarte aussitôt, et son geste désespéré n'a que pour effet de le faire grogner de douleur de plus belle.
-Tu ne peux rien faire contre moi, alors reste calme, tu ne feras qu'empirer ton état sinon.
-Qu'est ce que tu veux?
-Rien. Rien excepter te voir ainsi. Te voir souffrir, te voir impuissant, te voir démuni, te voir apeuré. Car même si tu fais passer ça pour de la colère, tu as tellement peur en cet instant, je le vois.
-Pour...pourquoi?
-Tu oses poser la question? Tu m'as forcée à t'épouser, tu m'as violée et tu m'as battue. Et lorsque j'ai osé pour la première fois choisir le sort de mon propre corps, tu as voulu me faire brûler vive. Tu as mutilé mes jambes. Mais tout ça, tout ça j'aurais pu te le pardonner. J'aurais pu oublier. J'aurais pu vivre avec. Mais il t'a fallut plus. Tu m'as pris Agnès...Sur ce dernier mot, sa voix se brise.
L'homme la regarde d'un œil injecté de sang, le corps tremblant de douleur.
Colombe essuie la larme solitaire qui s'est mise à coulée sur son visage, et se reprend.-La justice n'existe pas, alors désormais je la rends moi-même. Et puisque je suis une sorcière, je la rends par ce vous me souhaitez: le feu.
Et sur ces mots, elle allume en un instant avec deux petits pierres un flambeau qu'elle avait préparé sur le côté. Elle se relève, la flamme chauffant près de son visage.
-Écoute... je suis... je suis désolé pour ce que je t'ai fait, et pour Agnès... j'ai été égoïste... mais je ne vous ai jamais voulu du mal...
-Malheureusement, le jugement a déjà été rendu, et la sentence a déjà été choisie. Ne vois pas ceci comme une vengeance, mais simplement comme le sauvetage de toutes les femmes qui auraient pu croiser ton chemin dans l'avenir. Tu ne feras plus de mal à personne désormais.Et sur ces mots, elle jette le flambeau embrasé sur la cape du comte, qui s'enflamme aussitôt. Il se met à hurler et essaye de s'éloigner du feu en se traînant, mais les flammes dévorent déjà ses vêtements et se mettent à manger sa chair.
Il hurle de plus belle, se battant contre le monstre des enfers qui le dévore, mais il ne peut rien y faire.Colombe observe la scène sereinement, sans y prendre de plaisir, car elle sait que cela ne ramènera pas sa sœur ni sa propre innocence. Mais elle ne regrette pas son geste, et ne le regrettera jamais.
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Colombe
Historical FictionAn 1347. Colombe a vingt-deux ans et n'est toujours pas mariée. Belle et intelligente, elle attise le désir des plus puissants. Mais Colombe veut être libre de faire ce qu'elle souhaite, d'aimer qui elle veut, d'aller où bon lui semble. Pourtant, da...