Colombe

Chap. 68

• Février 1350 •

-Je t'ai cherchée partout.

Colombe sursaute en entendant la voix familière dans son dos. Elle se redresse aussitôt et frappe le bras de Jean.

-Tu es idiot, tu m'as fait peur!
-Pas fait exprès... ment-il avec un sourire démoniaque. Tu cueillais quoi?
-Des plantes médicinales pour la fièvre de ma servante, répond t'elle en retournant à genoux pour achever de couper la quantité souhaitée.
-Tu ne veux toujours pas laissés les médecins s'occuper d'elle?
-Non. Tu sais très bien ce que je pense de ces charlatans.
-A toi de voir.

Elle se relève enfin.

-Tu ne devrais pas être en train de superviser les préparatifs du mariage au château au lieu de m'espionner?
-Oh tu sais ce n'est pas comme si j'avais mon mot à dire, ni sur la décoration ni sur le choix de l'épouse.
-Je suis certaine que Jeanne te rendra très heureux.
-Tu te prétends mon amie et pourtant tu dis les mêmes phrases absurdes et toutes faites que me sortent tout le monde depuis l'annonce des fiançailles.
-C'est vrai tu as raison excuse moi. Au fond je n'ai aucune idée de si votre mariage sera heureux... Mais il doit être célébré, alors autant essayer que ça marche non?
-Tu as sans doute raison...
-Retournons au château. Allez tiens, porte mon panier au lieu de faire cette tête d'enterrement.
-Je n'ai vu que son portrait... Peut-être est-elle unijambiste.
-Ça m'étonnerait beaucoup. Et de toute façon ça ne pourra pas être pire que sa surprise à elle quand elle découvrira qu'elle a épousé un imbécile.
-Je vais finir par croire que tu aimes me rouspiller tu sais.
-Ça ne te fait pas de mal. Je suis la seule à oser te parler comme ça, tu l'as dit lors que de notre première rencontre. Grâce à moi tu gardes les pieds sur terre.
-Ouais... enfin moi je pense surtout que tu es une grosse sadique.
-Eh oh. On ne parle pas comme ça à une dame.
-Tu n'es pas une dame.
-Non c'est vrai. Mais quand même.

Ils arrivent au château. Colombe reprend son panier.

-Monte voir ta famille. Moi je vais descendre aux chambres des domestiques.

Mais avant qu'elle ne tourne les talons il la rattrape par le poignet.

-Je crois que j'ai peur.
-De te marier?
-...Elle a déjà été mariée, elle sait ce que c'est elle.
-Moi aussi je sais ce que c'est, et ce n'est pas ce qui m'a rendue douée en la matière. Vous allez partir de zéro tous les deux.

Elle veut encore y aller mais il la rattrape de nouveau:

-Tu ne m'as jamais raconté.
-Raconter quoi?
-Ta vie. Je ne sais que des choses futiles en réalité. Cela fait trois mois que nous passons presque chacune de nos journées ensemble, et que nous parlons sans cesse, et pourtant je ne te connais pas. Je ne sais rien de qui tu es.

Colombe pousse un soupire triste.

-Il n'y a rien d'intéressant à savoir. Et je n'ai pas envie de revenir sur le passé. Surtout pas sur ces trois dernières années.
-Tu sais que tu peux me faire confiance pourtant...

La jeune femme sourit et pose doucement sa main sur la joue de son ami.

-Oui je sais, Jean. Au début je t'ai pris pour un petit fils de roi, perfide et égoïste, mais je me suis trompée. Tu es quelqu'un de bien. Parfois tu me fais penser à...

Le nom d'Anastase reste coincé dans sa gorge. Elle se reprend pour ne pas pleurer.

-Enfin bref... Demain tu te maries, tu dois penser à des choses joyeuses, pas à ma vie. Allez, va prendre un bain, tu empestes à des lieues. Tu vas traumatiser ton épouse avec une odeur pareille.