Colombe quitte la salle du trône contrariée. Leurs sentiments avoués ne l'a pas soulagée, bien au contraire. Elle sent une boule dans son ventre qu'elle n'arrive pas à apaiser.
Alors qu'elle est plongée dans ses pensées, prête à regagner sa chambre, elle se retrouve plaquée au mur en pierre au détour d'un couloir. Un peu choquée, elle met un instant à réaliser que c'est Gautier, ministre des finances, qui est face à elle. Leurs visages sont tout proches. Colombe sent son haleine rance. Il la fixe d'un regard que la femme connaît bien. Un regard dont elle a l'habitude. Le regard des hommes qui détestent les femmes.-Gautier? Mais qu'est-ce que vous...
-Tais-toi! Tu m'as humilié une fois de trop! Cela vas prendre fin! Tu n'es qu'une femme. Tu devrais être mariée, tu devrais t'occuper de tes enfants au lieu de te croire suffisamment masculine et intelligente pour parler politique.Cette fois, la colère de Colombe reprend le dessus sur la sidération. Elle repousse violemment son adversaire et le toise de haut en bas.
-C'est précisément parce que je suis une femme que je me crois la mieux placée pour conseiller le roi. Je n'essaye pas d'imiter les hommes et encore moins vous; imiter tant de niaiseries pathétiques serait trop comique.
Sans qu'elle ne le voit venir, Colombe reçoit une gifle retentissante. Elle porte la main à sa joue, choquée. Comment a t'il osé? Il s'apprête à dire quelque chose mais elle ne lui en laisse pas le temps, le saisi par les épaules et vient encaster son genoux dans l'entre-jambe de l'homme. Le coup est si violent que son souffle se coupe et qu'il s'effondre à genoux, tenant son intimité à deux mains, les yeux embués de larmes, incapable du moindre son tant la douleur est perçante.
Colombe se penche alors sur lui et murmure avec férocité:-Pose encore une seule fois la main sur moi, et je te couperai les testicules. Je n'ai pas peur de toi. Je n'ai pas peur des hommes. Tu n'es qu'un ver insignifiant, et si tu oses encore te mettre en travers de mon chemin, je t'écraserai sans la moindre pitié.
Et sur ses mots, elle disparaît.
Cette nuit là, Colombe n'arrive pas à fermer l'œil. Elle tourne et retourne dans son lit, incapable de fermer l'œil.
Finalement, elle décide de quitter sa chambre.
Les couloirs sont sombres, silencieux et vides. Mais elle n'a pas besoin de lumière, elle connaît le château par cœur.
Arrivée à destination, elle ouvre la porte sans frapper. Elle n'est pas vraiment surprise en découvrant que la chandelle n'est pas éteinte.-Colombe? Qu'est-ce qui se passe?
Elle entre et referme la porte derrière elle sans un mot. Elle approche de Jean, en train de lire un parchemin assis sur une chaise couverte de velour.
-Colombe?
Il se lève, inquiet. Elle vient jusqu'à lui, toujours silencieuse, et alors, lorsqu'elle est toute proche, elle passe sa longue chemise de nuit par dessus sa tête et la laisse tomber au sol. Elle se retrouve complètement nue, et la flamme de la bougie éclaire sa peau fragile, ses cicatrices anciennes, ses cheveux qui tombent négligemment le long de son corps. Jean en a le souffle coupé. Il ne fait pas un mouvement, incapable de réaliser ce qui se passe. Est-il en train de rêver? Enfin, la femme entrouvre la bouche:
-J'avais besoin de temps pour guérir, pour que mon âme et ma chair cicatrisent des horreurs que les homme ne m'ont fait subir. Je pensais que cela prendrait toute ma vie, que jamais je ne pourrais aller mieux et continuer de vivre. Mais je me suis trompée, et je l'ai compris aujourd'hui. En réalité, cela fait longtemps que j'ai guéri. Mais je m'interdisais toute lueur de bonheur et d'amour, parce que cela aurait signifié oublier ceux que j'ai perdu, oublier ce qu'on m'a fait, laisser l'occasion à d'autres de me faire mal à nouveau. J'ai compris maintenant. J'ai compris que c'était une erreur. Que peu importe ce que je ferai, on pourrait toujours me blesser, mais que je ne devais pas m'empêcher de vivre pour autant, car la seule que je punissais ainsi était moi même. Et par dessus tout, j'ai compris que je n'avais plus peur. Je n'ai plus peur Jean. De rien, et de personne. Je t'aime. Et je n'ai plus peur que tu m'aimes.
Le roi écoute ses paroles, les digère, les comprends. Il observe Colombe quelques instants, toujours sans un geste, puis brusquement il retire le peu d'espace entre eux et viens saisir la femme qu'il aime par les hanches pour l'embrasser avec la plus folle des passion et la plus douce des tendresses.

VOUS LISEZ
Colombe
Historical FictionAn 1347. Colombe a vingt-deux ans et n'est toujours pas mariée. Belle et intelligente, elle attise le désir des plus puissants. Mais Colombe veut être libre de faire ce qu'elle souhaite, d'aimer qui elle veut, d'aller où bon lui semble. Pourtant, da...