Cette fois-ci, je n'avais pas décliné l'invitation. Mais à quel prix?
J'arrivais à pas hésitants devant la maison de Caleb et son allée de pavés bien lisses, encore prête à faire machine arrière. Alors qu'une partie de moi souhaitait désespérément faire partie de cette sortie, un fil semblait toujours me tirer en arrière depuis la porte de mon propre foyer. Enfin, si l'on pouvait encore lui attribuer ce nom. Si ma maison était un foyer, c'était celui d'un incendie. Les flammes jaillissaient des yeux de ma mère, quand elle s'était disputée avec mon père à propos de mon autorisation de sortie. Sa main tremblante, agrippée sur une assiette, était encore imprimée dans mon esprit, alors qu'elle menaçait mon père de lui jeter à la figure. Tout ça, ai-je songé, parce qu'elle avait toujours été convaincue que la vie de ses proches était la sienne. Alors si l'on ne prenait pas la direction qu'elle aurait prise, c'était comme si elle se trompait. Mais une mauvaise décision n'avait ce caractère qu'aux yeux de celui qui la prenait.
Ce jour-ci, peut être bien que je la prenais, la mauvaise décision. En bonne jeune fille comme j'avais été soigneusement élevée, j'aurais du rester au chevet de ma mère, après que les ravages de sa propre tempête l'aient également balayée. Au fond, je savais que cela allait me détruire. Chaque minute passée au sein de cette maison me rongeait, si seulement il y avait encore une once d'espoir en moi à laquelle mon angoisse aurait pu s'attaquer. Le mouvement des longues branches du saule pleureur a attiré mon regard, alors que l'air printanier effleurait ma peau frissonnante. Toute la culpabilité du monde ne pouvait pas empêcher cette bouffée d'air frais de s'engouffrer dans mon âme, me purifiant de toutes les réminiscences, prêtes à surgir pour me hanter. Une deuxième grande inspiration, et je m'avançais dans l'allée. C'était consternant à quel point la plus banale des activités pouvait désormais me paraître irréalisable, et même davantage: interdite.
- Hé! Novela! me salua Caleb, la tête enfouie dans sa voiture dont le moteur tournait déjà. Laisse moi deux secondes, que je sois sûr de la bonne santé de Jamie.
- Et moi, tu ne veux pas savoir si je vais bien? ai-je plaisanté, m'étonnant de ma répartie et du naturel dans mes paroles.
Comme si j'avais instantanément oublié ce qui s'était produit entre nous plus tôt dans la semaine. La dispute. Nicky. Tant de choses qui, à défaut de pouvoir être effacées, méritaient d'être oubliées.
- Je ne sais pas si tu me dirais la vérité, a-t-il fait dans un sourire, tout en tapotant le capot de sa voiture. Jamie, elle, elle me dit toujours quand ça ne va pas.
Son commentaire n'a pas manqué de m'arracher un sourire, accentuant son affligeante véracité.
- Enfin, tu as l'air plutôt en forme aujourd'hui, a fait remarquer mon ami. Je compte sur toi pour l'être.
Meryem aussi, ai-je songé. Cette pensée a aussitôt enlevé le dernier voile brumeux recouvrant mon esprit. Elle n'était pas encore arrivée, mais l'évocation de sa présence suffisait pour me mettre dans tous mes états. Ce que Caleb, évidemment, n'a pas manqué de remarquer, un regard inquisiteur appuyé sur moi.
- Vous avez des plans, pour ce soir?
- Des plans? ai-je répété, feignant l'ignorance, un petit air innocent recouvrant mon visage.
- Fais pas ton indifférente, Novela, je sais ce que tu as dans la tête, a dit Caleb en riant. Moi aussi, j'aimerais bien que Meryem Hamilton me propose des rencards.
Je me suis avancée vers lui pour lui donner une tape dans le bras, le regard espiègle. Il n'a que légèrement vacillé, prenant un air souffreteux.
- A l'aide! s'est-il écrié. Je suis victime d'une agression!
- Arrête de faire ta chochotte, Caleb, s'est moquée Charlotte en sortant de sa voiture.
VOUS LISEZ
Ephemeral Blue
Teen Fiction" Tu es parfaite, Novela" "Personne n'est parfait" "Alors tu es presque parfaite" Novela fait tout. Novela sait tout. Novela aime tout le monde. Elle est sage, sa parole ne dérange pas. Certains la remarquent, d'autres non. Toute sa vie est bâtie su...