Episode 10

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J'étais debout avant la sonnerie du radio-réveil. Il faisait encore nuit dehors.

Ce qui s'était passé avec Ethan tournait en boucle dans ma tête, et tout avait l'air d'être enregistré : son, image, sensations, et même le craquement de mon cœur brisé. Ça me hantait.

La seule façon pour mettre en pause ce film qui tournait en boucle était de m'occuper l'esprit. J'ai rassemblé mes affaires de cours, en regrettant de ne pas mettre celles de littérature et de français dans mon sac. Le mercredi était le seul jour où je ne la voyais pas. Elle, Meryem Hamilton, la seule personne qui semblait vraiment se soucier de moi, sans me connaître.

Sur mon bureau, j'ai retrouvé le livre que Betty m'avait donné, en guise de cadeau d'adieu. Un adieu, qui selon elle, n'allait pas durer longtemps. Elle m'avait dit qu'elle m'enverrait des photos de sa nouvelle vie en Australie, pour que je la vive avec elle à travers l'écran de mon téléphone. Mais cela faisait plus de trois mois que je n'avais aucune nouvelle. J'avais juste son livre préféré, qu'elle avait lu quatre fois, pour me rappeler qu'elle et moi, on avait été comme des sœurs.

J'ai attrapé mon téléphone, et j'ai cherché son adresse e-mail.

Elizabeth Harlington.

Un nom qui vous faisait déjà gravir trois étages dans la tour de la vie quand on le prononçait.

Quand j'ai vu la page blanche devant moi, je me suis découragée. Qu'allais-je lui raconter de si passionnant pour qu'elle repense une seconde à sa vie sans rebondissements à Bethel Park avec nostalgie? Elle n'avait plus le temps de se soucier de moi, un magnifique pays lui tendait les bras. Pourquoi rester collée à l'écran de son téléphone à ressasser le passé et à m'écouter lui raconter les mêmes histoires?

Je m'en suis voulue de la croire capable de ça. Elle ne devait pas penser une seconde que je l'ennuyais, parce qu'elle était toujours à l'écoute. Comme moi je l'avais été pendant trois ans avec elle. Je me suis souvenue des ses histoires de cœur avec plus de péripéties qu'un film d'action et de ses journées shopping interminables du samedi, même sous la canicule. Ça avait été nous pendant trois ans. Et ça m'a fait sourire.

Elizabeth me considérait comme sa sœur, mais ne me l'avait jamais dit en face. J'avais trouvé ça écrit sur une feuille volante perdue dans le capharnaüm qu'était son bureau. Je ne l'avais pas évoqué ensuite. On ressentait la même chose, et c'était l'essentiel. Mais maintenant, elle faisait partie d'avant.

J'avais envie de construire ça avec Meryem. Mais différemment. Pour que ça dure éternellement.

Il a été temps pour moi de partir au lycée. Je n'ai pas pris de petit déjeuner, alors que je savais que la faim allait me tirailler bien avant la pause méridienne. Mais j'avais croisé mon reflet dans le miroir pile au moment où la bande son de la soirée de Lewis tournait encore dans ma tête. Les mots étaient tranchants comme des couteaux, mais je me rendais compte que je saignais seulement maintenant.

Ma mère, qui s'était levée encore plus tôt que moi, m'a proposé de me déposer avant d'aller à l'agence. Sauf qu'elle ne partait jamais au travail avant huit heures. Je voyais que depuis quelques jours, elle posait un œil encore plus aiguisé sur moi. J'ai refusé poliment et je suis partie. Je ne savais pas comment Meryem arrivait au lycée. Il fallait que je lui demande.

J'ai vu Ethan, adossé au poteau devant l'entrée, exactement dans la même position que lorsqu'il m'attendait encore. Je ne savais que trop bien qu'il ne m'attendait plus et j'aurais du faire de même avant.

Enfin... on ne s'était pas compris. Peut être que si on s'expliquait à nouveau tous les deux, on trouverait l'issue du souterrain dans lequel on se perdait. Il avait l'air plutôt de bonne humeur aujourd'hui, assez pour que je brave toutes les réminiscences qui affluaient dans mon esprit pour aller le voir.

Ephemeral BlueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant