Chapitre 5: L'étrange Château

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Dès l'aube, la place du marché s'éveilla sous un ciel subitement animé. Un être majestueux, aux allures de lézard ailé, fendit l'azur avec un rugissement résonnant dans les cœurs des hommes. Sur son dos, deux silhouettes se dessinaient, leurs cris se mêlant à la clameur du vent. Les marchands, oscillant entre effroi et émerveillement, abandonnèrent leurs étals pour contempler cet insolite spectacle aérien.

Samellia, la main fermement posée sur sa tige ensorcelée, orchestrait les mouvements de sa créature. Cependant, sa magie la trahit. La bête, telle une marionnette privée de ses fils, piqua vers le sol, se métamorphosant en un amas de bois inerte au cœur d'une prairie très verdoyante. Les deux voyageurs, par un miracle inespéré, évitèrent de peu le désastre. Cependant, la mystérieuse, bien qu'indemne, se retrouva face à la fureur implacable de son compagnon.

— Tu es folle ! Tu as failli nous faire tuer ! s'exclama Madrec, se redressant avec difficulté.

— Ce n'est pas de ma faute ! Quelque chose d'inattendu s'est produit, ma magie a simplement... disparu, rétorqua-t-elle, la voix tremblante, tandis qu'elle essuyait la sueur perlant sur son front.

— Disparue, vraiment ? Cesse de te moquer de moi ! Tu manques de maîtrise, c'est évident. Tu es trop téméraire. Abandonne ces tiges de pacotille et entraîne-toi avec un bâton digne de ce nom, ou je ne sais quoi, mais change de méthode.

— Un bâton digne de ce nom ? Tu plaisantes, j'espère ? Ou alors... serais-tu envieux, par hasard ? répondit Samellia, un sourire narquois aux lèvres, défiant du regard son interlocuteur.

— Envieux, moi ? Allons donc ! Tu ne fais qu'assembler des babioles avec des brindilles.

L'exaspération de la jeune femme monta en flèche, agacée par les critiques jugées injustifiées de Madrec. Elle lui rappela avec force leur voyage facilité par sa monture magique. Alors que leur querelle atteignait son paroxysme, une interruption inattendue survint sous la forme d'une dame au regard espiègle.

Une silhouette ronde et confortable s'avançait vers eux, encadrée par des lunettes qui scintillaient sous le soleil matinal. Vêtue d'une veste ample sur une chemise éclatante, elle arborait un chapeau ombrageant son visage souriant. Ses cheveux, d'un rose éclatant, ajoutaient une touche de fantaisie à son allure débonnaire.

— Oh, mais quelle charmante altercation ! s'exclama-t-elle, sa voix chantante tranchant le tumulte de leur querelle. Vous savez, jeunes gens, se disputer ainsi, c'est se hâter vers la vieillesse.

— Qui êtes-vous donc ? Et que nous voulez-vous ? demanda Madrec, l'œil méfiant derrière la poussière de leur atterrissage forcé.

— Moi ? Je m'appelle Mélanie Lenent, et cette prairie que vous avez si élégamment décorée de votre présence, eh bien, elle m'appartient. Et vous, qui êtes-vous pour troubler la quiétude de mon domaine ?

Les deux compagnons, pris au dépourvu, échangèrent un regard embarrassé , incapables de répondre.

— Allons, ne soyez pas si timides. Vous formez un couple, n'est-ce pas ? Vous êtes si beaux ensemble !

— Quoi ? Non, pas du tout ! Nous ne sommes pas un couple, nous sommes simplement... des connaissances ! s'indignèrent-ils simultanément, leurs visages rougissants de gêne.

— Ah, ah, ah ! Bandes de petits coquins ! Ne vous tracassez pas pour moi, je ne suis pas là pour vous jugez, voyons. Au contraire, je trouve cela tout à fait charmant ! Mais dites-moi, vous semblez quelque peu... défraîchis. Depuis combien de temps n'avez-vous pas goûté à l'eau d'un bain ?

Funeste Origine - Tome 1: Des hommes et des monstresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant