21-Première épreuve

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J'ai encore fait un cauchemar cette nuit. Toujours le même.

Je rêve que je suis tirée au sort. Que l'hôtesse tire mon nom écrit soigneusement sur un petit papier jaune. Les enfants se tournent alors vers moi, me regardent comme si j'avais la peste, comme si j'allais les mordre. Ils ont la peur qui brille dans leurs yeux, et la lèvre tremblante. Certains me poussent même afin de m'éloigner d'eux.

Je suis incapable de bouger dans ce songe. Lorsqu'on me frappe, je subis et je souffre sans pouvoir me défendre. Je m'étale même par terre, froissant ma robe achetée pour l'occasion. La terre s'incruste partout, et, quand les Pacificateurs viennent me relever brusquement, je m'aperçois à cet instant que j'en ai même sous les ongles. C'est là qu'ils me trainent jusqu'à l'estrade, afin de m'exhiber aux yeux de tous.

Mais, à ce moment-là, je ne vois rien. Mes muscles ne répondent plus, et mes yeux débordent de larmes. Ma vision est floue, je ne distingue plus le bout de mon nez. J'ai les mains qui tremblent, et les genoux qui s'entrechoquent. L'hôtesse me demande mon âge, et je suis incapable de répondre.

C'est là que je me réveille en pleurant.

Il m'est ensuite impossible de m'endormir à nouveau. Alors j'attends le lever du jour, au chaud sous les draps, le dos martyrisé par la planche qui me sert de sommier, et les yeux grands ouverts. Je regarde les étoiles par le petit trou dans le toit. Et je les vois disparaitre une à une. Je pourrais presque les compter.

Quand maman vient me voir pour que je me lève, je fais semblant de dormir. Mais aujourd'hui c'est différent. Je n'ai pas la volonté de lui faire croire que je n'ai pas peur. Elle dit qu'on a tous le droit d'avoir peur aujourd'hui. Surtout depuis la mort de Jinh.

Jinh était mon frère ainé. Je ne peux pas dire que je suis attristée par sa mort, car je ne le connaissais pas. Il a été tué alors que j'avais à peine un an. Je ne peux même pas dire que c'est un souvenir. Mais c'est plus dur pour maman et papa.

Maman vient s'assoir à côté de moi et me caresse les cheveux. Elle a une lueur triste dans le regard, et sa bouche ne sourit pas comme à son habitude. Je tente de dévoiler mes dents pour lui faire plaisir, mais tout ce que j'arrive à faire ressemble à une grimace affreuse avant que je n'éclate en sanglots.

Je sens les bras de maman qui m'entourent en silence. Elle ne parle pas. Pourtant, j'ai besoin qu'elle dise quelque chose. N'importe quoi, mais quelque chose.

- Je ne veux pas y aller... Je ne veux pas finir comme Jinh.

Seul le silence me répond, sans pour autant que maman ne cesse de me caresser la tête.

- J'ai peur maman.

Un sanglot remonte dans ma gorge, mais y reste bloqué. Je hoquète plusieurs fois, je tremble même. Mais elle ne dit toujours rien. Jusqu'à ce qu'elle me lâche avant de s'en aller, elle n'ouvre pas la bouche.

- Je veux que tout aille bien moi aussi. J'ai prié, maintenant, notre sort est aux mains des dieux...

Le Jour DécisifOù les histoires vivent. Découvrez maintenant