Chapitre 6

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POV Eline

     Cette soirée m'a énormément aidée à oublier les allégations du policier; j'ai du mal à croire qu'il pouvait me considérer comme l'agresseur d'Hugo. Heureusement, Natai m'avait concocté une soirée qui m'a permis de me détendre. Il est toujours comme ça, très observateur prenant toujours des décisions en fonction de ce qu'il découvre sur son entourage. Il est à l'écoute, attentionné, sensible aux autres. C'est quelqu'un de bien et je l'apprécie énormément malgré qu'il ne soit pas vraiment bavard sur son passé. J'ai déjà essayé une fois de lui poser des questions mais je me suis heurtée à un mur et je n'ai jamais remis ce sujet sur le tapis par la suite. Par contre son regard m'a tout de même appris une chose, c'est un passé qui lui est très douloureux.

Ce soir-là, on a passé un moment très simple mais tellement agréable. Notre repas s'est composé de chips et de jambon principalement, le tout devant un film Disney, Mulan. Natai m'a avoué ne l'avoir jamais vu, tout comme plusieurs autres dessins animés du studio. Je lui ai promis de lui refaire son éducation cinématographique.

     Les semaines qui ont suivi, je me suis sentie beaucoup plus détendue. Pierre m'a appris qu'Hugo était enfin sorti du coma, il a raconté à la police que la personne qui s'en est pris à lui était un homme masqué, donc impossible à identifier. Au moins, avec cette information, on ne me prendra plus pour une potentielle suspecte. Avec tous ses évènements, je n'ai plus beaucoup parlé avec Loan, ce qui m'a permis de voir une tout autre facette de lui, un comportement vraiment écœurant. Loan a commencé à m'envoyer de plus en plus de messages, chacun d'une violence verbale montant crescendo à chaque fois. J'ai eu beau lui expliquer que je passais un moment difficile, il ne s'arrêtait pas. Peinée par la situation, j'ai pris la décision de supprimer l'application et ainsi couper tout contact avec lui.

Je récupère mon polo de travail, prête à partir. Je reçois un message de Pierre qui m'apprend qu'Hugo se remet bien, et qu'il l'a harcelé pour avoir une pizza, déclarant la nourriture de l'hôpital, infecte. Il n'y a pas de doute possible, mon ami et collègue va beaucoup mieux, surtout s'il supplie son père pour avoir son plat préféré. C'est donc avec une certaine bonne humeur que je me rends au magasin pour prendre mon poste cet après-midi.

    Sur place, je trouve Samia qui gère la caisse tout en étant au téléphone avec un fournisseur. Cette femme est incroyable, mère de cinq enfants, elle pourrait gérer le magasin et une base militaire que je ne trouverais pas ça étonnant du tout. Je la salue en passant et je me dépêche de me changer pour prendre mon poste et la soulager un peu. Le confinement est devenu notre quotidien, les clients sont beaucoup moins réticents à porter le masque et ils commencent, enfin, à comprendre que nous fermons plus tôt à cause du couvre-feu. Le rythme s'enchaîne assez vite, le bip de la caisse ne cesse d'agresser mes oreilles, la musique jouée dans les haut-parleurs créée un décalage qui serait insupportable pour beaucoup, mais avec le temps on s'accommode. Un jeune m'interpelle, me prévenant qu'il est entré avec une bouteille de soda qu'il a, soi-disant, achetée ailleurs. Pourtant je suis persuadée que ça fait un moment qu'il tourne dans les rayons. Je préviens Samia avant de quitter ma caisse pour vérifier les dires du client avec Natai. La porte de son bureau se trouve juste à côté du bureau de Pierre, je m'apprête à frapper à la porte quand la voix de mon ami me parvient à travers celle-ci.

— ʻAʻole ! ʻAʻole au e kala aku no kēlā ! *

Je ne saisis pas ce qu'il dit, Natai est hawaïen donc j'imagine qu'il à parler dans sa langue natale. Sa voix est empreinte d'une colère que je ne lui connais pas, je reste devant la porte, hésitante à entrer. Même s'il parle dans une langue étrangère, je comprends facilement que la conversation est tout sauf joviale et amicale. Un bruit sourd m'informe qu'il frappe violemment son bureau et je peux presque sentir sa frustration de là où je suis.

L'orchidée TourmentéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant