Eleanore

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Je marche dans la rue déserte, les premières lueurs du matin éclairant timidement les pavés humides. Mon sac pèse sur mon épaule, mais ce n'est rien comparé au poids dans ma poitrine. La nuit chez Raphaël m'a offert un répit, un moment suspendu où j'ai pu respirer sans craindre que chaque bruit soit une menace. Mais maintenant, en retrouvant l'extérieur, la réalité me rattrape.

Je me rappelle son regard quand il m'a tendu la tasse de thé. Il y avait quelque chose dans ses yeux, une douceur mêlée d'inquiétude, et ça m'a fait peur. Pas à cause de lui, mais à cause de moi. Parce que je sais ce que ça signifie, ce que je ressens au fond de moi. J'ai baissé mes défenses et laissé quelqu'un entrer. Et ça, c'est dangereux.

Mes pas résonnent sur le trottoir alors que je m'éloigne de son immeuble. Chaque pas me rapproche de mon ancienne vie, celle que j'ai tenté de fuir hier soir. Je ne peux pas retourner là-bas. Pas après ce qu'Aaron m'a fait. Je ne peux pas continuer à prétendre que tout va bien, que je peux gérer.

Je m'arrête au coin d'une rue, essoufflée. Mes mains tremblent et je serre la lanière de mon sac pour m'ancrer. Les souvenirs reviennent en rafale – ses cris, ses insultes, la douleur de ses doigts s'enfonçant dans ma peau. Je ferme les yeux et tente de chasser ces images, mais elles s'accrochent, tenaces.

Je ne sais pas combien de temps je reste là, figée. Finalement, je reprends mon chemin, mes pas me guidant presque automatiquement vers le campus. Mon téléphone vibre dans ma poche, me tirant de mes pensées. Je sors l'appareil et vois un message d'un numéro inconnu, mais en lisant le message je comprends de qui il provient :

« Tu es bien arrivée ? »

Mon cœur se serre. Je devrais lui répondre, mais je n'en ai pas la force. Pas tout de suite. Je glisse le téléphone dans ma poche et continue d'avancer.

Quand j'arrive devant le bâtiment de la bibliothèque, je réalise que mes jambes m'ont menée ici sans que je m'en rende compte. C'est l'endroit où je me sens le plus en sécurité en dehors de chez moi... ou plutôt, ce qui était chez moi. Mais même ici, je ne peux pas m'empêcher de regarder par-dessus mon épaule.

Je m'installe à une table au fond, loin des autres étudiants. J'ouvre un livre, mais les mots dansent sur la page, refusant de s'ancrer dans mon esprit. Mon regard glisse vers la fenêtre, où la lumière du matin est maintenant plus vive. Je pense à Raphaël, à sa voix apaisante, à la façon dont il m'a regardée comme si j'étais quelqu'un qui méritait d'être protégée.

Je secoue la tête. Je ne peux pas m'attacher à lui. Il est mon professeur, et même si hier soir il m'a vue au plus bas, je ne peux pas laisser ça devenir plus qu'un moment isolé. Ce serait trop compliqué, trop risqué.

Mais une partie de moi n'arrive pas à oublier la chaleur de sa main sur la mienne, la promesse silencieuse qu'il ne me laisserait pas tomber.

La journée passe en un brouillard. Je vais en cours, j'écoute à peine, je prends des notes mécaniquement. Chaque fois que je croise un regard ou entends un rire, je sursaute, craignant de voir Aaron surgir. Je sais qu'il ne devrait pas être là, mais l'idée qu'il puisse me chercher me hante.

En sortant de mon dernier cours, je ressens une bouffée de panique. Et si Raphaël avait eu tort ? Et s'il ne pouvait pas vraiment m'aider ? J'ai envie de retourner chez lui, de retrouver ce sentiment de sécurité, mais je sais que je ne peux pas. Pas deux nuits de suite. Pas sans franchir une limite que je ne suis pas prête à affronter.

Je finis par me réfugier dans un café près du campus, espérant que la foule me fasse me sentir moins seule. Mais même là, entourée de gens, je me sens isolée. Mon téléphone vibre à nouveau. C'est Raphaël.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 26, 2024 ⏰

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