Fraternité

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Le mois de novembre passa sans que Regulus ne le voie passer. Les professeurs avaient décidé de leur donner moins de travail pour les vacances de Noël qui arrivaient, mais cela signifiait rattraper dès maintenant ces heures de travail gagner pour les fêtes. Décembre était donc arrivé sans que personne ne s'y attende. Le temps était passé si vite que les premières neiges tombèrent sans que personne n'y soit préparé.
  Un samedi, une semaine avant le grand départ pour les vacances, tout le monde s'était réveillé sous un spectacle d'une blancheur à couper le souffle. L'euphorie avait vite gagner le château entier et dès le petit-déjeuner la Grande Salle en entier ne parlait que de ça. Les premières années étaient ceux qui tenaient le moins en place.
  Ils avaient tant entendu parler de ces premières neiges que l'obligation d'attendre d'avoir finit le petit-déjeuner avant de plonger dans cette poudre blanche et froide qui faisait le bonheur de chacun.
  Regulus faisait partit de ceux qui attendaient aussi de pouvoir sortir. Il n'avait pas eu beaucoup d'occasion de voir de la neige, ou même de pouvoir y jouer, quand il vivait tous les jours chez lui. Sa mère lui interdisait de sortir les rares fois où de la neige était tombée des nuages pluvieux de Londres. Encore enfant, il lui arrivait de pleurer, jusqu'à ce qu'il grandisse assez pour comprendre que c'était à cause de ça qu'il se faisait punir.
  Depuis il se contentait de regarder les flocons tomber de l'autre côté de la fenêtre.
  En se réveillant, une heure auparavant, il n'avait pas vu de changement particulier. Le lac le narguait toujours. Même après plus de trois mois à dormir là-bas, rien que de rentrer dans la chambre où il dormait avec les garçons de son âge lui causait des sueurs froides. Et les vacances, qui arrivaient, n'arrangeaient rien à ses angoisses nocturnes.
  Il lui était arrivé de se glisser dans le lit d'Evan à de rares occasions lorsque la menace de cauchemars le tenait éveiller jusque tard dans la nuit. Si les autres garçons le remarquaient, personne n'en disait rien. Regulus ne se préoccupait même pas que les gens l'apprennent. Lorsque la nuit le dévorait et que les reflets verts du lac le noyaient, même sa mère ne le retenait pas d'être faible. Pas lorsqu'il était en colère contre elle. Pas lorsque ses angoisses venaient d'elle.
  Il n'avait donc pas remarqué en se réveillant que les mouvements du lac, si caractéristiques, avaient cessé. Pas plus que la couleur était plus terne. Là où Regulus s'attendait à la pluie auquel ils avaient été habitués depuis octobre. Puis, en se rendant comme tous les matins à la Grande Salle pour le petit-déjeuner, Evan et lui avaient entendu, avant de voir, les élèves pousser des cris de joie.
  Les deux garçons avaient ensuite remarqué Dorcas qui arrivait en face d'eux, le sourire aux lèvres.

  -Il neige !

  Tous les élèves autour d'eux avaient entendu la nouvelle et s'empressèrent de se diriger vers les portes d'entrée de Poudlard. Evan et Regulus n'attendirent pas pour les suivre et Regulus sentit un sourire apparaitre sur ses lèvres lorsque, dehors, les sentiers et les couloirs extérieurs en pierre avaient été remplacé par une épaisse couche de neige.
  Ils restèrent quelques secondes figés, personne n'arrivait à croire le spectacle qui se déroulaient sous leurs yeux, mais déjà des élèves envisageaient de se précipiter jouer sous les flocons qui continuaient à tomber. Mais une main s'abattit sur un Poufsouffle juste à côté de Regulus, et tout le monde se retourna pour découvrir McGonagall qui les dévisageaient avec un air dur.

  -Tout le monde à la Grande Salle. Vous serez libre de faire ce que vous voulez après votre petit-déjeuner.

  Un à un, les élèves s'étaient détournés de la vision afin de se diriger vers la Grande Salle. Tous trainaient des pieds mais personne n'osa contredire leur professeure. En arrivant là-bas, la salle était plongée dans une cacophonie générale et, pour une fois, Regulus en fit partit.
  De temps à autre il jetait des regards en direction de la table des Gryffondors, mais son frère était hors de vue. Regulus commençait à connaitre sa réputation à Poudlard et il ne devait pas être le seul à se demander ce qu'il pouvait bien préparer avec l'aide de ses amis. Il reconnu les deux filles qui avaient accompagné son frère lors du match des Gryffondors afin de consoler James. Elles aussi regardaient de temps à autre les portes avec un air inquiet.
  Regulus détourna le regard de la table au moment où Pandora vint s'asseoir devant lui. Ses boucles blondes étaient déjà recouvertes d'une fine pellicule de neige, et son nez et ses joues avaient pris une teinte rouge caractéristique. Elle respirait le bonheur, son sourire d'enfant illuminait un halot de lumière autour d'elle où Regulus voulait se perdre.

  -Tu as réussi à sortir ?
Pandora se tourna vers son frère, son sourire devint un petit peu plus espiègle lorsqu'elle croisa son regard.
  -Les Serdaigles ont leur propre porte de sortie, nous on ne prévoit pas de sortir dehors par la porte principale où tous les professeurs se sont postés.
  -Je hais les Serdaigles.

  Pandora se contenta de rire et entreprit de se servir les petits pains qui venaient d'apparaitre dans la corbeille devant elle. Elle commençait tout juste à beurrer le pain tout chaud lorsque les portes de la Grande Salle s'ouvrirent en fracas. Un jeune Gryffondor, visiblement essoufflé, se tenait courbé devant celles-ci. Il reprit son souffle quelques secondes avant de se redresser. Toute la salle était devenue silencieuse et du coin de l'œil Regulus remarqua McGonagall qui se levait de son siège.

  -Monsieur Longbottom-
Et le garçon fit quelque chose qu'il pensait que jamais personne n'oserait faire : il coupa la cheffe de sa maison.
  -Venez ! Venez voir ce que les Marauders sont en train de faire !

  Le silence dans la salle se brisa en une fraction de seconde et plus de la moitié de l'école se levant en ignorant les protestations des professeurs. Ceux qui ne bougeaient pas étaient majoritairement les premières années qui ne comprenaient pas l'engouement qui avait envahi la salle entière. Regulus lui-même n'avait aucune idée de ce que voulait dire le Gryffondor. Ni pourquoi cela semblait éveiller l'excitation chez tout le monde. A côté de lui Dorcas soupira.

  -Qu'est-ce qu'ils ont fait encore ?
  -De quoi parle-t-il ?
Dorcas tourna la tête vers lui et Regulus remarqua que malgré ce qu'elle disait, son amie semblait plutôt amusée de la situation.
  -Tu as envie de voir ce que ton frère est en train de fabriquer ?
  -Comment ça ?

  Sans lui répondre elle se leva et, pousser à la curiosité, Regulus la suivit. Derrière lui il entendit Evan et Pandora faire de même mais il ne se retourna pas vers eux de tout le trajet. Le petit groupe suivit la foule qui trottinait en direction de là où le Gryffondor allait. Regulus commença à trembler lorsqu'ils sortirent du château, il avait laissé son manteau à la table des Serpentards et seule son écharpe aux couleurs de sa maison protégeaient son cou des températures négatives.
  Autour de lui, tout le monde chuchotait et il entendait des dizaines de suppositions sur ce que pouvait bien préparer son frère et ses amis. Regulus se demandait toujours d'où venait le surnom que le Gryffondor avait utilisé pour parler d'eux. Sirius ne lui en avait jamais parlé pendant ces longues heures passées dans leurs chambres à lui raconter ses incroyables aventures. Il avait l'impression que le Sirius qu'il connaissait ne ressemblait en rien à celui que les autres connaissaient.
  Certains élèves s'arrêtèrent en chemin pour s'amuser dans la neige et des batailles de boule de neige commencèrent à se disputer dans le parc du château. Cela eu pour effet que le groupe de plus d'une centaine d'élèves qui était partit de la Grande Salle ne comptait qu'une trentaine d'entre eux au moment où ils arrivèrent au lac.
  Regulus reconnut le chêne où il passait la plupart de son temps libre mais une tache informe au centre du lac attira son attention. Des rires fusèrent du groupe qu'il composait et au fur et à mesure qu'il approchait du bord du lac, il distinguait un petit groupe de quatre personnes, et, dans un soupir d'exaspération, reconnut son frère et ses trois amis.
  Les quatre garçons se trouvaient au milieu du lac. Ce dernier avait dû geler durant la nuit, ce qui expliquait le peu de vibration de l'eau à travers la fenêtre de son dortoir, et Regulus commença à avancer sur la glace fraichement formée. Même de loin il parvenait à apercevoir son frère agenouillé sur la glace et James agiter les bras dans une tentative de motivation. Remus se tenait un peu plus loin, les mains dans les poches, se contentant de fixer l'œuvre de ses amis pendant que Peter riait en regardant par-dessus l'épaule de Sirius.
  La glace était solide mais la neige qui s'était accumulée par-dessus craquait sous ses pieds et son frère leva les yeux en l'entendant arriver. C'est à ce moment-là que Regulus se rendit compte qu'il avait été le seul à oser marcher sur la glace et que tout le monde se contentait de regarder depuis la berge.

  -Reggie !
Regulus leva les yeux au ciel en s'approchant du petit groupe.
  -Sirius...
Il ignora le sourire que James lui envoya et ne répondit qu'au hochement de tête de Remus.
  -Tu peux m'expliquer à quoi tu joues au juste ?
  -On pêche.
  Regulus cru avoir mal entendu au début, mais face au manque de réaction des trois autres personnes présentes, il se résigna à accepter que ce que son frère faisait se déroulait bel et bien devant lui. Il identifia l'objet que son frère tenait comme étant une pioche et il se demanda de de quelle façon il s'était débrouillé pour en dénicher une.

  -Tu pêches maintenant ?
Sirius préféra se concentrer sur la tâche qu'il accomplissait que de le regarder.
  -Pourquoi pas ?
  -Oh ! Je ne sais pas, peut-être que tu aurais pu t'y mettre à un autre moment.
  -Et quand ?
  -Laisse-moi réfléchir... Pourquoi pas un autre jour que celui où le lac gèle pour la première fois de l'année ?

  A côté de lui Remus ricana alors que Sirius, James et Peter levèrent la tête vers lui, le regardant comme s'il venait de dire la chose la plus stupide qui soit. Regulus fronça les sourcils, perdu. Il se trouvait là, devant les quatre garçons, et se demanda alors pour quelle raison il était venu. Ce que son frère faisait ne le concernait pas. Et à voir l'expression de Sirius, il se demandait même s'il était le bienvenu. Il s'apprêtait à ouvrir la bouche pour trouver une excuse et s'en aller, mais son frère le devança.

  -Reggie, approche-toi.

  Regulus baissa les yeux vers son frère, les sourcils froncés. Le ton sérieux qu'il avait prit ne collait pas à l'attitude que Sirius laissait transparaitre la plupart du temps. Pas à Poudlard en tout cas. Pas quand il était avec ses amis. Pas quand James était dans la même pièce que lui. Alors Regulus obtempéra. Pas parce qu'il en avait envie, mais parce que dans ces moments-là, lorsque Sirius le regardait les yeux dans les yeux et lui demandait quelque chose avec ce sérieux qui ne lui allait pas, il n'était pas son frère. Pas totalement en tout cas. Non. Il était l'héritier des Blacks.

  -Oui Sirius ?
Son frère lui tendit la pioche sans répondre.
  -Que veux-tu que je fasse avec ça ?
  -Juste, prends-la.
Regulus obtempéra. Encore.
  -Tu es vraiment trop sérieux Regulus, ton grand frère va te montrer comment on fait pour s'amuser.
  -Et toi tu ne l'es pas assez.
  -Je suis littéralement « sérieux » Reggie.
  -Arrête de m'appeler comme ça.
  -Vous pourriez parler en anglais ? S'il vous plait ?

  Les deux frères se tournèrent vers Peter. Comme souvent, le français sortait naturellement pour eux et ils ne s'en rendaient généralement pas compte avant que quelqu'un ne le leur fasse remarquer. Regulus avait encore du mal à se retenir de parler français dans certaines situations.
  Les deux premières années de sa vie avaient été ponctuées de voyage en France réguliers, et avec Sirius ils avaient grandi dans les plus grandes villes françaises entourés de leur famille. Il se rappelait une certaine époque où le français lui était même plus facile que l'anglais. Ces voyages avaient cessé lorsque Sirius avait eu l'âge d'être présenté publiquement à la société anglaise sorcière. Regulus avait été forcé de suivre sa famille et ses parents lui avaient choisis les plus grands précepteurs d'Angleterre afin d'améliorer son anglais.
  A Poudlard, le français n'était pas enseigné et, sans la présence permanente de Sirius, il avait craint de perdre petit à petit sa connaissance de la langue. Son placement à Serpentard avait donc été un soulagement de plus lorsque Evan s'était retrouvé à partager son quotidien. Les Rosiers étaient une famille d'origine française, comme celle des Blacks, et les deux garçons s'étaient habitués à communiquer en français à certaines occasions.

  -Je parle français si j'en ai envie.
A peine sa phrase achevée que Regulus sentit une tape à l'arrière de son crâne et il se tourna vers son frère, trop surpris pour répondre.
  -Sois gentil Reggie.
  -Excuse-moi ?
  -Allez, prends la pioche au lieu d'être méchant avec mes amis.

  Le sourire que Sirius lui rendait le retint de le planter là et de repartir en direction des élèves qui continuaient d'attendre au bord du lac. Mais ils passaient peu de temps ensemble et Regulus n'était pas encore assez borné pour refuser une invitation de son frère à rester avec lui. A contre-cœur il tendit le bras et attrapa la pioche, sans même savoir ce que Sirius attendait de lui.

  -Okay Reggie, ne prends pas peur, tu vas devoir utiliser tes muscles.
  -Sirius, Remus le reprit.
  -Okay, okay, je rigole, pardon.

  Sirius lui expliqua brièvement ce qu'il comptait faire. Le petit groupe avait prévu de creuser un trou dans la glace et ce fut à ce moment-là que Regulus s'était rendu compte de ce que Remus tenait dans ses mains. Il se souvenait que son oncle Alphard l'avait emmené une fois, avec Sirius et Andromeda, quelques années auparavant à un lac pour y pêcher.
  Il ne le savait pas encore à cette époque, mais c'était le genre d'activités que ses parents qualifiaient d'indignes à leur rang. Regulus se souvenait seulement de s'y être amusé avec son frère et sa cousine pendant que son oncle fredonnait sous des airs de musiques de la radio qu'il avait apporté. Ils s'étaient baignés et pendant que Sirius et Andromeda s'étaient endormis à l'ombre d'un peuplier, Regulus avait regardé son oncle pêcher et l'avait écouté lui raconter les aventures qu'il avait vécu.
  Alphard était son oncle préféré. Il était également celui qu'il voyait le moins. Toujours en voyage aux quatre coins du monde, son oncle était la personne la plus intéressante qu'il connaisse, après son frère. Regulus n'avait pas parlé de tout l'après-midi, émerveillé par toutes les histoires qu'Alphard avait à lui raconter. Il les enregistrait dans un coin de sa tête pour pouvoir les répéter à Sirius par la suite.
  Ce souvenir était encore vivace. L'un des derniers avant que ses parents ne commencent à leur demander, à son frère et lui, de porter leur rôle d'héritiers du nom des Blacks. Les visites d'Alphard s'étaient espacées au fil du temps, jusqu'à ce qu'elles cessent définitivement un an auparavant lorsqu'il avait commencé un périple en Amérique.

  -Regulus ?

  Regulus sursauta en sentant une pression sur son épaule. Contrairement à ce qu'il aurait pensé en levant les yeux, ce ne fut pas le regard gris de Sirius qu'il vit, mais celui noisette de Remus. Il avait eu, une fois de plus, une absence et une légère migraine commença à percer ses tempes. L'ami de son frère s'apprêta à rajouter quelque chose lorsque des voix se firent entendre derrière eux.
  Le petit groupe se tourna et Regulus vit le professeur McGonagall approcher à grand pas. Ses longues enjambées ne la firent même pas glisser et elle fut en face d'eux en quelques secondes à peine. Ses traits étaient tirés dans une expression sévère qui effraya Regulus. A cet instant précis elle lui rappela sa mère et il sentit son sang se glacer dans ses veines.
  Elle baissa les yeux vers les cinq garçons et les fixa un à un. Sa bouche formait une ligne des plus fines et ses yeux étaient si plissés qu'on les aurait dits fermés. Regulus ne la voyait que durant ses cours, et sa sévérité était connu de tous. Elle ne ressemblait en rien à Slughorn, qui n'osait jamais élever la voix contre lui, et dans sa tête toute une volée de punitions émergea de ses souvenirs.

  -Professeur !

  Le regard de McGonagall se déporta sur Sirius et Regulus se demanda pour quelles raisons son frère semblait s'amuser ainsi de la situation. En regardant tour à tour les trois autres garçons, il se rendit compte que chacun d'eux laissaient entrevoir de minces sourires amusés. Regulus, lui, en était incapable.

  -Monsieur Black.
  -Vous avez passé une bonne matinée ?
  -Excellente Monsieur Potter.
  -Vous n'avez pas eu trop froid cette nuit ?
  -Pas le moins du monde Monsieur Lupin.
  -Nous espérons ne pas vous embêter une fois de plus Professeur.
  -C'est si gentil de vous inquiéter ainsi Monsieur Pettigrew, mais il se trouve que je me suis effectivement déplacée à cause de vous.

  Regulus n'avait pas laissé échapper un seul mot. Il attendait, dans un pénible et long supplice, la sentence irrévocable qui s'abattrait sur lui bientôt. Enfin, le professeur McGonagall se tourna vers lui et il cru défaillir face à son regard. Il ne la connaissait pas. Il ne pouvait pas prédire ce qu'elle ferait. Il ne pouvait pas anticiper. Il ne pouvait que paniquer. Il ne pouvait que refouler ses sanglots et ses terreurs. Rester de marbre comme on le lui avait appris.
  Rendre ses parents fiers.
  Jamais il n'aurait dû aller voir son frère.

  -Pourriez-vous m'éclairer sur la situation Monsieur Black ?
Regulus ouvrit la bouche malgré l'impression qu'il avait de suffoquer.
  -On veut pêcher Professeur.

  Il se tourna vers son frère qui avait parlé à sa place. Ses lèvres avaient pris la forme d'un rictus arrogant. L'attention de leur professeure se déporta une fois de plus sur son grand frère, et une fois de plus Sirius ne laissait entrevoir aucune inquiétude. Et Regulus aurait aimé avoir ce même courage, le genre de courage qui, même face à la menace, lui permettait de garder la face. D'avoir confiance. C'était sans doute pour ça qu'il était à Gryffondor et lui à Serpentard.

  -Pêcher ?
  -C'est exact Professeur.
  -A 8 heure du matin ?
  -L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.
  -Alors il vaudrait mieux que vous utilisiez ce mantra pour vos jours de cours Monsieur Black.
Sirius lança un sourire entendu à l'adresse de leur professeur qui se contenta de lever les yeux au ciel.
  -Je passe pour cette fois, mais la prochaine fois veuillez attendre la fin du petit-déjeuner Messieurs.
  -Entendu Professeur.

  La sorcière s'éloigna et les élèves restés sur la berge la laissèrent passer dans une vague de murmures mal dissimulés. Regulus tenait encore entre ses mains la pioche de son frère, sans savoir quoi en faire. Il lui fallut attendre quelques minutes avant d'attirer l'attention de Sirius. Il se sentit alors de trop mais au moment où il tendit la pioche à son frère et trouver un moyen de s'en aller, ce dernier attrapa son bras et le fit se baisser.

  -Donc comme je le disais avant que McGo n'arrive, tu vas devoir utiliser quelque chose d'inhabituel chez toi : des muscles.
  -Sirius.
  -J'ai dit que je rigolais Remus. Bref, tu vas m'aider à casser la glace si tu veux bien, aucun de ceux-là ne veut et ils me laissent tout le sale boulot.
  -On t'a dit qu'on pouvait utiliser un sort Sirius...
  -Où est le fun ? Dis-moi Remus. Puis on est les Marauders, on ne se contente pas de faire comme tous les autres je te signale.

  Regulus suivit l'échange sans l'interrompre. Remus semblait être le plus censé des quatre garçons, et ça, il l'avait compris dès leur première rencontre, dans le Poudlard Express. A part son frère et lui, personne ne parlait, et Regulus le remarqua lorsqu'il se rendit compte que James ne s'était pas fait entendre depuis un moment. A force de les regarder de loin, le jeune garçon avait compris qu'il n'était pas rare que Peter favorise le silence aux jérémiades que son frère privilégiait, mais que James Potter n'ouvre pas la bouche pendant plusieurs minutes restaient un évènement trop rare pour ne pas être souligné.
  Il tourna donc la tête en direction de la silhouette qui se tenait à côté de lui. En levant les yeux il se rendit compte que l'ami de son frère était debout, dos au soleil. Sa posture permettait à Regulus de ne pas subir les éclats du soleil. James avait la tête baissée vers lui et lorsque leurs regards se croisèrent, le plus âgé se contenta de sourire pendant que l'autre fronçait les sourcils.
  Les rayons qui frappaient le dos du Gryffondor formait un halo autour de sa silhouette et Regulus se rappela la pensée qu'il avait eu lors de leur première rencontre. Le soleil. Son sourire. La couleur de sa peau. Tout en James Potter rappelait la chaleur du soleil. En cet hiver de fin du monde, Regulus parvenait à entendre les cigales qui criaient leur amour dans les arbres autour de son manoir.

  -Sirius, viens me chercher lorsque vous pêcherez, je n'ai pas envie de transpirer.

  Regulus se releva et quitta le petit groupe sans un mot.
  Malheureusement pour James Potter, la saison préférée de Regulus Black était l'hiver.


҉ ҉   ҉


  La neige continuait de tomber doucement et se déposait sur le gazon du parc de l'école. Regulus était assis contre son chêne habituel et Pandora avait déposé une couverture au sol où elle s'était allongée pour contempler le ciel. Il avait pris position jusqu'à côté d'elle et sa tête reposait sur cuisse. Cette proximité ne le dérangeait pas, Pandora avait, depuis toujours, fait partit de ces personnes avec qui il lui était facile de vivre.
  La respiration de la jeune fille berçait le silence qu'était le leur et accommodait le froid hivernal qui s'était installé. Le Lac Noir s'étalait devant leurs silhouettes et Regulus jetaient de temps à autre des coups d'yeux curieux en direction des élèves qui s'amusaient à patiner sur la glace, riant de ceux qui chutaient constamment. D'autres utilisaient les calèches mises à disposition et parcouraient le terrain glacé au petit trot, la plupart du temps en amoureux.
  Mais le groupe qui attirait le plus son attention étaient ceux qui se trouvaient encore au centre du lac. Accroupis devant un trou d'une trentaine de centimètre de diamètre, quatre élèves, dont un tenant une canne à pêche, fixaient l'eau en attendant patiemment qu'un poisson morde à l'hameçon.
  Même de loin Regulus reconnaissait aisément Remus, le plus grand de tous, et le livre qu'il tenait toujours à la main. Il espérait que les quatre garçons avaient eu l'idée de lancer un sort pour réchauffer l'espace où il se tenait depuis des heures déjà. Le second qu'il arrivait à reconnaitre était, sans surprise, son frère. Il était celui qui tenait la canne à pêche et ne semblait pas prêt à la lâcher.
  Il attendait patiemment que son frère se souvienne qu'il devait venir le voir, si du moins l'envie de partager sa présence était assez élevée pour qu'il daigne se déplacer jusqu'à lui. Depuis le début d'après-midi, Regulus les regardait tenter de pêcher. Le seau que Peter avait ramené quelques heures plus tôt restait cependant inexorablement vide. Et il commençait à penser leur dire qu'il n'y avait pas forcément de poissons dans ce Lac.
  Un léger rire lui échappa lorsqu'il imagina la réaction de son frère si jamais il venait le lui dire. Sa fierté de Black le forcerait à rester encore plus longtemps, borné dans son idée qu'il croyait judicieuse. Et en voyant que cela ne fonctionnait toujours pas, remettrait son expérience à une autre fois, pestant contre des causes n'ayant même pas lieu d'être.
  Sirius Black était comme ça. Et Regulus Black l'aimait comme ça.

  -Tu n'étais pas censé les rejoindre ?

  Regulus baissa les yeux vers le visage de Pandora. Son amie continuait de regarder le ciel mais il savait son attention portée sur lui et seulement lui. Son sourire ne disparut pas, cela faisait quelques temps que penser à son frère ne l'avait pas rendu triste.

  -Je lui ai dis de venir me chercher, j'attends comme tu peux le voir.
  -Tu vas vraiment attendre qu'il vienne te chercher ?
La jeune fille avait laissé échapper un gloussement qui, si cela n'avait pas été Pandora, l'aurait agacé.
  -Qu'est-ce qu'il y a ?
  -Toi, Regulus Black, tu attends qu'on te dise quoi faire et quand le faire ? Par Rowena qu'est-ce qu'il t'arrive ?!
Pandora ria franchement lorsque Regulus tapa le haut de son front.
  -Pas du tout !
  -Tu es d'une mauvaise foi mon cher ami.
  -Tu préférerais peut-être rester seule ? Dis-le-moi si je te dérange surtout.
Ce fut au tour de Pandora de lui taper le front.
  -Te sers pas de moi comme excuse. Ma présence me suffit amplement. Allez ! Va voir ton frère.

  Pandora se releva pour laisser Regulus se mettre debout et l'incita à se diriger en direction du lac. Avec une dernière pression dans le bas de son dos, le jeune sorcier s'avança vers la surface glacée. Les silhouettes étaient davantage visibles maintenant qu'il se trouvait sur la berge.
  Il jeta des regards autour de lui et souffla en remarquant que personne ne faisait attention à lui. Comme durant la matinée, il s'avança sur la glace épaisse. Elle semblait d'autant plus dur et Regulus se demanda comment son frère avait réussit à la briser avec une simple pioche. S'il ne connaissait pas son frère, il aurait pu croire que ce dernier avait utilisé la magie, mais son côté borné l'en aurait empêché.
  Le premier à le remarquer fut Remus. Ce dernier était toujours debout, à l'inverse des trois autres qui étaient accroupis devant le trou dans l'espoir de voir des poissons. Il donna un léger coup de pied dans le dos de Sirius qui s'empressa de s'indigner avant que Remus ne pointe du doigt le nouveau venu, et un large sourire s'imprima sur ses lèvres.

  -Reggie ! Je pensais que tu ne viendrais jamais !

  Regulus hocha la tête sans répondre. Il avança jusqu'à se tenir à côté de son frère et regarda par-dessus son épaule. Sans surprise le fil de la canne à pêche restait inexorablement tendu et immobile. Cependant il sentait dans le trio baissé à côté de lui qu'aucun d'entre eux ne perdaient espoir. Il se tourna vers Remus, préférant ignorer ces trois derniers.

  -Est-ce qu'un seul poisson a mordu ?
Remus secoua la tête doucement.
  -Ont-ils envisagé l'idée qu'il n'y ait pas de poissons ?
Un nouveau secouement de tête.
  -Allons-nous prendre le risque de l'émettre ?
Avec un faible sourire Remus secoua la tête une dernière fois.

  Regulus lui rendit son sourire sans se retenir avant de s'accroupir à son tour. Sirius tenait toujours la canne à pêche et fixait le trou avec une vive attention.

  -Je peux essayer ?
Sirius tourna à peine la tête vers lui.
  -Quoi ?
  -De pêcher, je peux essayer ?
  -Ah ! Oui, bien sûr, tiens.

  Regulus attrapa entre ses mains la canne à pêche et tenta d'ignorer les regards des quatre jeunes sorciers sur lui. Contrairement à eux, il ne mettait pas beaucoup d'espoir en sa réussite. Avec les multiples créatures magiques qui se trouvaient dans les eaux noires et vaseuses du lac, et qu'il apercevait de temps à autre par les fenêtres de sa salle commune, la survie de poisson était mise à rude épreuve.
  Et alors que les quatre autres continuaient à fixer le trou, lui contemplait le paysage blanc qui s'étendait devant lui. Le spectacle de Poudlard sous la neige était l'une des choses qu'il avait eu le plus hâte de pouvoir contempler, et il n'était pas déçu. Ce décor qui était le sien depuis trois mois et qu'il s'apprêtait à quitter dans les quinze prochains jours pour les fêtes de fin d'année.
  A cette pensée son visage s'assombrit et au moment où il se tourna vers son frère pour lui partager la vision qui se trouvait devant eux une pression faillit le faire basculer dans l'eau. Peter attrapa de justesse le col de son manteau pour qu'il se rééquilibre et Regulus eu tout juste le temps de le remercier avant qu'une seconde pression ne fasse vibrer la corde sensible de la canne à pêche

  -Je rêve !

  Le rire de Remus résonna dans ses oreilles alors que Regulus commençait à paniquer sans savoir quoi faire. Il n'avait jamais pêcher et Sirius dû le comprendre à son expression paniquer et aida son frère à agripper fermement le manche afin de faire sortir la prise de l'eau.
  La dernière chose que vit Regulus avant de basculer en arrière fut le corps d'un poisson apparaitre au bout de l'hameçon. Hors de l'eau, la pression que le poisson mettait sur la canne à pêche disparut et les deux frères basculèrent en arrière sur la glace. La pellicule de neige qui avait continué à tomber amortir leur chute et seul le coude de son frère dans ses côtes lui procura une grimace.
  Légèrement sonné, Regulus resta, quelques instants, allongé à contempler le ciel et sentit les flocons tomber sur ses joues déjà rosies par le froid. Le silence autour de lui était agréable et il pouvait deviner sans peine les quatre Marauders et leurs expressions à la fois choquées et amusées.
  Et pour la première fois en leur présence, Regulus rit.
  A côté de lui il sentit le regard de son frère se poser sur lui, et ensuite ceux des trois autres garçons, mais cela ne stoppa pas son hilarité. Durant quelques secondes Sirius se contenta de le regarder avec surprise avant que le son de son rire ne se fasse entendre à son tour. Et c'était l'un des sons préférés de Regulus.
  Sirius laissa tomber sa tête sur l'épaule de son frère qui tremblait sous les soubresauts de sa cage thoracique. Regulus ne savait pas précisément pour quelle raison il riait, tout ce qu'il savait c'était que ce qu'il venait de se passer était improbable pour lui.
  Jamais il ne se serait imaginer pêcher entourer des amis de son frère. Jamais il ne se serait imaginé passer un moment agréable en leur compagnie. Jamais il ne se serait imaginé s'amuser avec eux. Jamais il ne s'était imaginé pouvoir vivre un moment comme celui-ci, où il n'était pas Regulus Black, petit frère de Sirius Black, mais Reggie qui passe un moment avec Siri, comme lorsqu'ils étaient petits.
  Ces moments se feraient rares, l'un comme l'autre le savait. Mais les deux se contentaient pour l'instant de ce moment volé hors du temps où ils n'étaient alors que deux enfants qui s'amusaient avec l'hiver qui approchait et les premières chutes de neige. Ils n'étaient que deux enfants bien loin de toute la colère du monde. Ils n'étaient que des enfants qui riaient à gorge déployés vers le ciel, collés l'un à l'autre dans une tendresse qu'ils ne trouveraient chez personne d'autre.
  Jamais.

Son of a Constellation, Brother of the StarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant