Entraînement

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  La pluie frappait contre la cape de Quidditch imperméable dont les manches recouvraient la moitié de ses mains. Regulus avait emprunté la tenue de Sirius pour cette session d'entrainement. La météo n'avait pas arrêté James et il avait regardé avec appréhension les nuages noirs s'approcher inexorablement.
  Il grelottait dans sa tenue imbibée d'eau, ses mains glissaient sur la manche du balai et ses yeux lançaient des éclairs en direction de son pitoyable entraineur. Cela faisait plus d'une heure qu'ils étaient en l'air et Regulus sentait son corps le lâcher petit à petit, bientôt il se laisserait tomber si cette torture ne cessait pas.
  En demandant son aide à l'ami de son frère, il ne pensait pas subir une telle pression de la part du Gryffondor. Depuis un mois ce dernier arrivait à le trouver n'importe où dans le château et le trainait jusqu'au terrain de Quidditch. La plupart du temps Regulus arrivait à le faire partir et gagner quelques heures de répit, mais il avait rapidement compris que ses refus ne faisaient que retarder l'échéance.
  Il avait finalement cessé de fuir James, ce qui lui valait aujourd'hui de s'entrainer sous la pluie un vendredi soir. Le vent faisait pleurer ses yeux et il parvenait à peine à apercevoir James à quelques mètres de lui. Il apercevait vaguement ses lèvres bouger mais les bourrasques emportaient sa voix avant qu'elle ne l'atteigne.
  Fatigué de cette situation, Regulus baissa les yeux en direction des gradins. Deux petits groupes distincts se dessinaient sous de grands parapluies. Il reconnaissait celui coloré de Pandora et sans se préoccuper davantage de ce que pouvait lui dire Potter, il bascula son poids vers l'avant et tomba en piqué à vive allure en direction des quelques élèves qui les regardaient depuis une heure déjà.
  Il ne prêta pas attention au cri de protestation de James et freina au dernier moment devant une Pandora souriant jusqu'aux dents. Le mauvais temps ne semblait pas l'atteindre, pas plus que Dorcas qui avait passé des heures à expliquer à la jeune filles les règles et autres consignes du Quidditch. Le seul qui semblait être aussi enchanté que Regulus de se retrouver sous la pluie était Evan.
  Bien que son ami soit celui qui écoutait toujours le plus avidement les paroles de Dorcas, son regard était sombre, presqu'autant que les reflets du Lac Noir à travers les fenêtres de leur Salle Commune. Il avait rapporté un des nombreux livres qu'il avait emprunté à Regulus, et malgré les multiples sorts utilisés, la pluie avait réussi à s'infiltrer à travers la barrière magique.
  Regulus tenta, tant bien que mal, de ne pas tourner son attention en direction du second petit groupe, posté à quelques mètres au-dessus d'eux, là où James s'était posé. Il sentait le regard de son frère sur sa nuque, mais se forçait à ne pas y réagir. Sirius avait été présent à chacun de ses entrainements, lui avait prêté ses affaires, son balai, sans même y réfléchir à deux fois.
  Son frère était bien trop enthousiaste et Regulus manquait à comprendre pourquoi. Bien plus qu'il ne l'était lui-même. Jamais il n'avait aspiré à faire du Quidditch, les matchs l'ennuyaient et les entrainements le fatiguaient. Seulement c'était l'unique solution qui était venue à son esprit lors du refus de son père. Il lui avait fallut réfléchir vite et bien. Jamais il ne le dirait à voix haute, mais désormais il le regrettait.
  Regulus regrettait les risques qu'il avait accepté, bêtement, de prendre. Le souvenir de son sourire imbécile lui donnait envie de mourir. Il se frapperait pour sa stupidité, il retournerait dans ce bureau et implorerait son père d'oublier leur précédente discussion.
  Et à chaque fois qu'il pensait à ces regrets, Regulus revoyaient son frère. Ses sourires, ses cris de joies et ses yeux qui s'illuminaient en apprenant qu'il pourrait faire du Quidditch. Ses regrets se confrontaient à ça. A sa joie. Et la culpabilité l'étreignait, comme un profond étau, autour de sa cage thoracique.

  -Reggie !

  Forcer de cesser de l'ignorer, Regulus se tourna en direction de son frère. Un immense parapluie sur les épaules, Peter était collé à lui et même à plusieurs mètres de distance, il l'apercevait trembler de tous ses membres. Les quatre amis étaient tournés vers lui, et il fit son possible pour ne pas porter son attention en direction de James, certain que sa colère et sa frustration éclaterait. Et ça, il ne le laisserait pas arriver devant témoins.                          

  -Oui ?
  -Ton entraineur se plaint de toi.  
  -Sirius !

  Regulus se tourna alors vers James. Ce dernier détourna les yeux et frappa le bras de son ami. Avec la pluie, et l'activité physique qu'ils venaient tous les deux d'avoir, il ne savait pas si les rougeurs sur ses joues étaient dû à sa fatigue ou à son embarras. Du peu que Regulus connaissait de lui, la réponse était toute faite : jamais James Potter ne ressentirait d'embarras à une de ses remarques.

  -S'il était un meilleur entraineur, je n'aurais pas à arrêter l'entrainement et il n'aurait pas à se plaindre. Personne d'autres ne s'entrainent sous cette pluie, je ne vois pas en quoi ça serait à moi de me remettre en question.

  Regulus attrapa la bouteille d'eau que Pandora lui tendait et en avala la moitié, ou du moins ce fut ce qu'il pensait. Dorcas avait jeté un sort pour que la bouteille ne se retrouve jamais vide. Il la remercia, enfourcha son balai, et sans laisser le temps à James de réagir, pas qu'il s'en préoccupa, s'envola en direction des vestiaires des garçons.
  Ne faisant pas encore partit de l'équipe de Serpentard, et ses affaires appartenant à son frère, il était obligé de se changer dans les vestiaires des Gryffondors. Il évita les miroirs, peu envieux de croiser sa silhouette recouverte de tâches rouges et ors. Si ses parents savaient avec quels habits il s'entrainait, jamais ils ne le laisseraient faire.
  Il retira l'imperméable de son frère et le posa sur l'un des robinets, le laissant là avant de venir l'essorer. Son corps tremblait à chacune des gouttes glaciales qui tombaient sur ses épaules. Le T-shirt fin qu'il portait ne le protégeait pas du froid mordant de janvier. Sa sueur collait à ses vêtements et commençait à devenir glacial, mais il se refusait à se doucher dans les vestiaires des Gryffondors, loin d'être à l'aise à l'idée de croiser un des lions.
  Dos à lui, il entendit la porte des vestiaires s'ouvrir. Peu amène à parler avec James, Regulus plia ses vêtements brusquement, et alors qu'il s'apprêtait à s'en aller, une odeur de lavande emplit l'air. Il se tourna en direction de Pandora, qui n'aurait pas dû se trouver là. Les vestiaires des maisons étaient interdites aux autres, sous peine de sanctions. Seul Regulus avait reçu l'autorisation du capitaine de Quidditch de Gryffondor, sans doute seulement grâce à son nom de famille.

  -Qu'est-ce que tu fais ici ?
  -Je viens te voir, ça m'a l'air évident.
  -C'est interdit, tu le sais ?

  Pandora hocha la tête, avec son sourire imperturbable, loin d'être consciente de ce qu'il venait de dire. Regulus entrouvrit à peine les lèvres pour laisser passer le soupir qu'il retenait. Il reposa le sac qu'il tenait encore et se laisser choir sur le banc à côté de lui. Son amie s'assit à sa gauche, les mains jointes entre ses genoux, le regard sur les casiers en face d'eux.

  -Tu es énervé.

  Ce n'était pas une question, à peine une constatation. Mais il n'était pas énervé, il n'avait pas envie de l'être, trop fatigué pour avoir la force de ressentir quoi que ce soit d'autre. Mais il l'était. Bien plus qu'il ne le devrait. Envers son frère. Envers James. Envers lui-même aussi. Il ne voulait pas s'abaisser à ça, à ce genre d'émotions primaires qui ne convenaient pas au rang qu'on exigeait de lui.
  Mais il l'était. Et il ne cessait d'échouer à se contrôler.
  Les bras de Pandora entourèrent alors ses épaules et le monde disparut. Et le froid dehors. Et la pluie battante encore contre la frêle porte en bois. Sa colère. Son ressentiment, Ses sentiments. Plus rien ne comptait d'autres que la chaleur que les bras de son amie lui apportaient. Celle chaleur, cette humanité qui lui manquait chaque jour de sa vie. Chaque minute qu'il passait dans ce monde de faux-semblants dans lequel il apprenait à survivre.

  -Je le suis. Tout le temps.
  -Pourquoi James ?
Regulus se tourna vers elle, confus.
  -Dorcas aurait été ravie de t'apprendre, j'en suis sûre. Bien que James soit un bien meilleur joueur, pour l'instant.

  Regulus s'appuya contre les casiers derrière lui, le regard levé en direction des chandelles allumées au-dessus de sa tête. La réponse roulait sur sa langue mais il ne savait pas si Pandora comprendrait.
  Il avait réfléchi à demander à Dorcas en premier lieu. Il la connaissait et tout aurait été bien plus simple.

  -A cause de Sirius.
  -Sirius ?

  Elle ne comprit pas. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprendrait pas. Jamais. Car pour elle l'amour n'était pas quelque chose qui se devait. Ce n'était pas une partition exécutée parfaitement devant l'élite de la société. Ce n'était pas faire honneur aux traditions ancestrales de sa famille. Ce n'était pas être le parfait fils de parents qui n'en avaient rien à faire de lui.
  Regulus voulait être aimer. L'unique chose qui le préoccupait. L'unique chose qu'il n'obtiendrait jamais.
  Regulus voulait être aimé. Alors il jouait parfaitement, il était entré à Serpentard, il ne s'obstinait pas à tenir tête à ses parents. Il voulait être aimé, plus que tout au monde. Il le voulait si ardemment qu'il gardait cette pensée secrète, tue à jamais dans un coin de son cœur. Aussi silencieuse que possible, celle pensée, cette volonté, ne ressortirait jamais. Elle n'existait pas dans le but d'être exprimée, mais dans le but d'être ressentie.
  Afin de piétiner son cœur lors des colères de son père. De détruire ses espoirs à chacune des menaces de sa mère. De le faire disparaitre dans la même trappe où elle se cachait lorsque son frère le regardait avec inhumanité.
  Regulus voulait être aimé. Ce n'était, malheureusement, pas la chose pour laquelle il était fait.
  Et là où il cherchait éperdument de l'être, là où il mettait tout l'impossible en œuvre afin d'y parvenir, Sirius était cet être que l'amour n'intéresse pas.
  Complaire, plaire et apparaitre étaient les seules choses auxquelles il acceptait de se soumettre. Sirius ne recherchait ni l'amour, ni la reconnaissance de leurs parents, sans doute avait-il comprit, contrairement à lui, que jamais il ne les obtiendrait. Et il n'avait pas l'air plus épanoui qu'après l'avoir compris.
  Alors Sirius ne les aimait pas en retour. C'était une chose simple, sans remords et sans craintes que celle de ne pas aimer. Son cœur était intact de toutes attaches. Jamais son frère ne lui paraissait plus libre que lorsqu'il exprimait ce désamour. Cette colère sourde et violente, du fond de l'âme, qui cogne et qui frappe sans regarder ou elle va.
  Une colère propre à leur famille.
  Cet héritier qui vouait sa vie à renier tout ce qui le rattachait à cette famille, à leurs valeurs, leurs traditions et leurs passions. Ce digne héritier voué à servir leur nom jusqu'à sa mort, à lui procurer descendants, à la faire respecter et la respecter lui-même. Ce même héritier haineux du sang qui coulait dans ses veines, ce même sang qui alimentait le cœur de cette haine qui rongeait son être. Cet héritier aux traits identiques à ceux de sa mère. Cet héritier à la même colère qu'elle. Cet héritier à la voix identique de leur père. Cet héritier à la même folie que lui.
  Cet héritier qui portait le nom de son père.
  Sirius Orion Black.

  -Si j'avais demandé à Dorcas, Sirius l'aurait pris comme un affront. Tu le connais.

  Pandora hocha la tête sans répondre. Au même moment la porte s'ouvrit et la silhouette de son frère apparut. A peine entré que le sol était déjà inondé. De grosses gouttes tombaient de son imperméable ouvert. Sa chemise était devenue transparente et on apercevait sa cravate rouge et or, Sirius étant le seul que Regulus connaissait à mettre sa cravate dans sa chemise.

  -Pandora, tu pourrais nous laisser seuls deux minutes ?

  La jeune fille s'exécuta et après un dernier coup d'œil en direction de son ami, quitta la pièce. La porte se rouvrit et Regulus aperçut Dorcas et Evan, debout derrière la porte, tentant de se protéger vainement de la pluie battante. La porte se referma et ce ne fut plus que Sirius et lui.
  Le regard de son frère était lourd de sens, et Regulus attendait le moment où sa colère achèverait son cœur. Les secondes passèrent et le silence subsista. Regulus eut alors le courage de croiser les yeux de Sirius. Et ce qu'il y vit n'était en rien de la colère, mais de la compréhension. Et de l'affection.

  -Oui ?

  -James tenait à s'excuser et-
  -Ah bon ? Moi qui croyais que c'était la faute de son incompétent d'élève.

  Le ricanement de son frère l'apaisa quelque peu. Son irritation était toujours bien présente mais la bonne humeur de Sirius balayait sa rancœur prématurée. Le plus âgé vint s'asseoir à côté de son petit frère et cogna son épaule contre la sienne.

  -Il est assez borné, je te le concède.
  -Ah oui ? Je ne l'aurais jamais cru !
  -Tu es mauvais Regulus.

  Regulus ne répondit pas, son frère n'attendait aucune réponse de sa part. Au fil des années il avait apprit à savoir lorsque l'on attendait une de ses réponses ou lorsque son silence était préférable à toute autre chose. Mais Sirius souriait, il riait même, alors cela valait la peine de se taire.

  -Tu lui ressembles.

  L'absence de réponse fut pour lui le temps qu'il lui fallut afin d'analyser, de comprendre et d'enfin déterminer ce que la remarque de son frère voulait dire. Ses fixaient les casiers en face de lui, ceux où Pandora avait été quelques instants auparavant. Le vent semblait hurler plus fort encore dehors. Aussi fort que les pensées qui se débattaient à l'intérieur de sa tête. Qui se débattait si fort et violemment qu'elles lui arrachaient des spasmes de douleur. Si fort et si violemment qu'il ne les ressentait presque plus, à force de les ressentir.
  Sirius voyait Potter en lui. Lui. En lui. Deux images qui ne collaient pas. Deux personnes qui ne s'apprécieraient jamais. Et l'image lui fit mal. Mal à en crever. Mal à s'en crever la peau, à s'arracher chaque fibre de son être qui s'apparenterait à celles qu'il partageait avec James Potter. Mal à s'en crever le cœur de savoir que son frère, aimant tant son meilleur ami, tente à tout prix de voir en son frère une touche de lui.
  Regulus n'était pas James Potter. James n'était pas Regulus Black.
  Jamais.
  C'était une chose avec laquelle il devrait vivre.

  -C'est sans doute pour ça que je l'aime autant.

  L'absence de réponse fut pour lui le temps qu'il lui fallut afin de retrouver son souffle. Son corps avait rejeté tout l'air de ses poumons. Il avait cessé de fonctionner correctement et Regulus s'en voulu pour cela. Il ne devait pas se laisser submerger par ses émotions, c'était impératif. Mais il avait toujours été faible face à Sirius, c'était le défaut qui érigeait sa vie depuis des années, le seul qu'il s'acceptait d'avoir.
  Sirius se laissa tomber sur son flanc et posa sa tête sur la sienne. Le souffle étriqué de Regulus était la seule chose perceptible dans le silence de la pièce. Aucun des deux frères n'avaient le souhait de parler. Parler aurait voulut dire briser cet instant par un sacrilège unique. Ils se laissaient tous les deux bercer par l'union de leur deux respirations jumelles. Rien n'avait plus d'importance que la pluie au dehors, que la plainte de ses muscles endoloris, que les pensées brutales de ses terreurs inégales, ni plus que le froid de sa peau frissonnante contrastant avec la chaleur du corps de son frère contre lui.
  Sirius passa un bras par-dessus les épaules de son frère et le rapprocha de lui. Les yeux de Regulus étaient étonnamment secs. Il s'attendait à fondre en larmes, à exprimer quelque chose. De l'amour, de la joie, de la reconnaissance. Mais rien. Rien qui ne puisse se voir. Rien. Un vide immense marqué sur sa peau, dans sa chair et au-delà. Rien. Rien dans ses yeux. Rien sur ses lèvres. Le vide de ses traits. Et Sirius savait. Sirius comprenait. Sirius entendait.
  Il entendait les cris de son âme. Ces plaintes hurlantes d'agonies qui frappaient contre sa cage thoracique. Il les entendait sans avoir besoin de les voir. Elles hurlaient et tapaient si forts que cela lui vaudrait des reproches de sa mère. Mais sur son visage, celui sculpté aux armoires de la famille Black, celui blanc et laiteux comme une neige qui ne fondrait jamais. Celui qui, en murissant, serait le résultat même de la discipline de leur famille, et de ce pour quoi cette dernière était essentielle.

  -Merci Regulus.
  -Pour ?

  Sirius ne prit pas la peine de lui répondre. Seul un fin sourire énigmatique se peignit sur ses lèvres et Regulus comprit où son frère voulait en venir. Depuis petits les deux garçons avaient prit l'habitude de communiquer sans parler. Leurs yeux étaient de ces choses expressives qu'ils n'avaient pas besoin de forcer pour réussir à se faire comprendre.
  Regulus se souvenait parfaitement de toutes les fois où son frère, étant accusés tous les deux par leurs parents de bêtises superficielles, avait prit l'entière responsabilité de la punition en voyant le regard de son petit frère apeuré de décevoir leurs parents. Toute leur enfance, Sirius avait été se bouclier qui le protégeait de leurs menaces, et il lui serait toujours reconnaissant pour cela. Aujourd'hui les rôles s'étaient inversés, pour une infime exception, mais cela suffisait au plus jeune à se sentir un peu plus légitime d'être le frère de l'héritier Black.
  Un bruit tonitruant brisa cet instant et Regulus se tourna vers la porte en bois qui venait de frapper violemment le mur à côté d'elle. James Potter, trempé jusqu'aux os, se tenait à côté d'elle. Le jeune sorcier s'avança jusqu'aux deux frères. De grosses gouttes ruisselaient de sa tenue de Quidditch mais cela ne semblait pas le déranger le moins du monde.
  Ces dernières semaines avaient fait comprendre à Regulus que l'ami de son frère n'était pas fait comme les autres. La pluie ne le dérangeait pas, il tombait peu malade, et uniquement pour deux voir trois jours.
  Réviser ne faisait pas partit de son quotidien comme il avait entendu se plaindre Remus à Peter au détour d'un couloir, mais il récoltait tout de même les meilleures notes de sa classe. Cela rendait folle de rage la Sang-de-Bourbe rousse dont son nom lui échappait de nouveau. Le sommeil semblait également ne pas avoir d'emprise ni sur son moral ni sur son énergie.
  Leurs entrainements s'étaient déjà prolongés jusque tard dans la soirée, à tel point que Regulus avait été forcé de demander à Evan de lui garder quelque chose à manger, ou avait même commencé avant le lever du soleil. James l'avait réveillé par le biais de Dorcas, qui semblait aussi enthousiaste à l'idée de les voir s'entrainer que James de le faire.
   James s'arrêta devant les deux frères et se tourna vers le plus jeune. Ses cheveux étaient plaqués en arrière dans une tentative de discipline qui n'avait mené à rien. De longues mèches s'éparpillaient devant son visage, ce qui lui donnait un air négligé que Regulus jugea. Ses joues étaient toujours aussi rouge mais ses yeux étaient allumés d'une détermination qui ressemblait à celle qu'il avait pour le pousser sur le terrain de Quidditch.

  -Regulus.
  -C'est mon nom.
Sirius lui donna un coup dans les côtes afin de le faire taire et Regulus le lui rendit, alors que James se contentait de regarder leur interaction en silence.
  -Regulus ?
  -Oui ?
  -Je tenais à te faire part que je compte alléger nos entrainements. J'ai entendu ce que tu essayais subtilement de me dire tout à l'heure, et après quelques minutes de réflexion, j'ai pris la décision que tu n'avais pas totalement tort, même si ta manière d'exprimer tes opinions était quelque peu... rudimentaire.

  Sirius avait ricané au mot « subtilement », et Regulus l'aurait aimablement fait taire si le discours de James ne l'avait pas à ce point abasourdi. Ce dernier se tenait droit devant eux, son balai dans une main et son autre bras pendu le long de son corps. Un faible sourire, que Regulus savait arrogant, se dessinait sur ses lèvres alors que le sang bouillait dans ses veines d'une colère soudaine.
  Regulus connaissait ce genre de personnes. Celles qui détestent être remises à leur place ou bien d'avoir tort. Le genre de personne qu'il côtoyait souvent, et il aurait accepté de reconnaitre qu'il en faisait partie si cela ne voulait pas dire avoir quelque chose en commun avec l'héritier Potter. Il ne saurait arrêter de penser que c'était l'unique chose que Sirius voyait en eux de semblables. James Potter ne lui gâcherait rien de plus.
  Le ton suffisant qu'avait employé James avait suffit au jeune garçon pour se lever. Il n'avait peut-être qu'un an de plus, mais l'ami de son frère le dépassait déjà presque d'une tête et il dû lever les yeux pour le regarder en face. Cette forme de soumission lui donna la nausée, mais il ne s'abaissa pas à baisser les yeux et se rasseoir.

  -Ce qui est rudimentaire c'est de demander à son élève de se lever à 5 heure du matin pour aller s'entrainer sous la pluie par le biais d'une connaissance. Les hiboux existent je te rappelle, et ce n'est pas parce que tu n'as pas les moyens de t'en payer un tout seul qu'il faut déranger le quotidien des autres. Les hiboux de l'école sont là pour ça, au cas où tu l'aurais oublié.
Sans même répondre à Regulus, James leva la tête et s'adressa directement à Sirius.
  -On a des hiboux libre-service ?

  Regulus resta debout face à lui ce qui lui sembla d'interminables secondes sans savoir comment réagir. Il avait la désagréable habitude d'être ignoré, c'était inévitable lorsqu'on partageait le sang de quelqu'un comme son frère. Seulement le dédain que James venait de lui adresser sonnait davantage comme une insulte pour lui qu'il provenait d'une personne qu'il dédaignait.
  James n'était rien pour lui qu'une gêne à sa chaussure. Il lui vouait une colère sourde qui grondait au fond de sa poitrine mais qu'il apprenait à apprivoiser par égard pour son frère. Il ne se laisserait pas déborder pour quelqu'un comme lui, toute sa vie on lui avait apprit à quel point il valait mieux que ces informes êtres qui se construisent autour des autres et qui ne sont heureux de leur propre compagnie qu'à condition de l'être par les autres.
  Masquant tant bien que mal sa frustration, Regulus se détourna de James, retira les dernières tenues de Quidditch et les jeta en direction de son frère, qui eut, pour une fois, l'intelligence de ne pas s'en plaindre, et passa la porte en bois déjà malmenée, tout en prenant soin de la claquer.
  Pandora, Dorcas et Evan l'attendait sous la protection des charpentes usées. Sans magie ces dernières se seraient déjà écroulées et Regulus les pressa de s'en aller de là le plus vite possible. La pluie tombait toujours aussi fort et Pandora s'empressa d'ouvrir le parapluie qu'elle avait apporté et Evan accouru se protéger de la pluie avec elle.
  La pluie ne semblait pas avoir d'effet sur Dorcas et la jeune sorcière marchait devant eux d'un pas sûr. Regulus allongea sa marche afin de se retrouver à côté d'elle. Il était déjà trempé jusqu'aux os, les quelques gouttes qui tombaient encore n'auraient aucun impact sur lui.
  La compagnie de Dorcas faisait partie de celles qui ne le dérangeaient pas. La jeune fille possédait un calme qui faisait défaut à nombres d'enfants de leur âge. Elle lui apportait une certaine stabilité depuis sa séparation avec son frère. Comme Narcissa, elle avait prit à cœur de s'occuper de lui et Regulus ne pouvait qu'apprécier cette présence à ses côtés et ce semblant d'amour qui ne provenait pas de quelqu'un de sa famille.
  Marcher à côté d'elle, dans ce silence qu'elle faisait réconfortant, était donc une tâche qu'il s'accommodait de faire. Son amie marchait dans les flaques de neige fondue, éclaboussant légèrement la pelouse humide.. La tempête qui s'abattait depuis trois jours sur le Royaume-Uni avait balayé toute trace du merveilleux début d'hiver que l'école avait eu.
  La poudreuse blanche avait disparu et il n'en restait plus que de vagues vestiges par-ci par-là. Ce tableau désolant donnait envie à Regulus de se barricader dans sa salle commune, au coin du feu, à réviser et lire les derniers livres recommandés par Pandora. Seulement il avait fait le choix de prendre James comme entraineur et ses journées se ressemblaient sans fin, dans une spirale qui ne lui plaisait pas.
  Regulus lança un regard derrière lui mais personne ne semblait les suivre. Sirius attendait sans doute que James termine de se changer avant de repartir en direction du château. Au fil de leur séance, il avait compris que l'ami de son frère était du genre à se prélasser sous la douche, sans prendre en compte ceux qui l'attendaient dehors.
  Il avait plusieurs fois fait la route en compagnie de Remus, voir de Peter, à la suite d'une séance car ces derniers savaient bien que leur ami prendrait tout son temps. Seul Sirius s'entêtait à rester avec lui, aussi dévoué qu'un chien à son maitre.
  Traverser les portes du château fut comme entrer dans un bon bain chaud. Les muscles de son corps se détendirent instantanément et les tremblements continus qu'il subissait depuis plusieurs minutes cessèrent immédiatement. Comme un seul homme, le petit groupe se dirigea en direction de la Grande Salle. Le diner avait commencé depuis une vingtaine de minutes lorsqu'ils pénétrèrent dans la salle.
  Quelques personnes tournèrent la tête dans leur direction, mais tout le monde revint bien vite à leurs discussions, et les bavardages couvrirent bientôt le bruit de leurs chaussures mouillées sur le sol fait de pierre. Regulus eut une pensée pour les elfes de maison qui auraient à nettoyer ce désordre dans la nuit, rejetant bien vite la faute sur James, avec la ferme attention de continuer leur discussion écourtée dans les vestiaires.
  Les entrainements sous la pluie n'étaient plus possibles. Son père, bien que clément et l'ayant laissé pratiquer le Quidditch malgré ses réticences, ne verrait pas d'un bon œil de voir son fils tomber malade. Il n'était pas bien vu pour les membres de leur famille de se montrer faibles, même dans la maladie. Regulus se souvenait de leur mensonge lorsque, trois ans auparavant, ils avaient fait croire à leurs réceptions que Sirius était partit en France pour de courtes vacances, alors que ce dernier se trouvait à l'étage, cloué au lit à cause d'une écrasante grippe.
  Les réceptions auxquelles avait participé Regulus, pendant la durée du rétablissement de Sirius, étaient les uniques fois où ses parents l'avaient tenu comme important à leurs yeux. Il n'était alors qu'un remplaçant, et l'était encore, mais il gardait un goût amer de ces soirées-là. Le jeune garçon se souvenait encore de la main de son père sur son épaule tout au long de la soirée. D'être brinquebalé de groupes en groupes, d'être présenté à tour de rôle à des gens qui ne s'intéressaient qu'à son frère partit découvrir le monde et se questionnant sur l'identité de ce second fils tant méconnu de la société.
  Regulus se savait insignifiant, pourtant ces soirées là, où il n'avait fait que jouer parfaitement son rôle de marionnette auprès de ses parents et de leurs convives, lui laissaient un sentiment étrange et honteux au fond de la poitrine. Un sentiment qui revenait dès qu'il voyait Sirius sous le feu des projecteurs. L'envie. Jamais Regulus n'avait été aussi lui-même, ni aussi à l'aise, que sous la pression de son père dans son dos et des compliments de tous ces gens aussi insignifiants qu'il pouvait l'être.
  Il se souvenait avoir espéré que Sirius tomba plus souvent malade.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 23 ⏰

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Son of a Constellation, Brother of the StarsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant