𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟎

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Cours de Potions, 2ème jour de l'Hiver

Aujourd'hui le réveil est plus facile qu'hier. Heureusement que c'était un jour férié. J'ai passé la journée avec Emma et Ben dans le petit salon du dortoir. Je ne leur ai pas raconté ce qu'il s'était passé la veille au soir. Je n'ai toujours pas revu Orion non plus, pour le mieux.

Nous sommes en cours de potions actuellement. Je suis au bureau de Pénélope, j'essaye de lui faire la conversation, mais elle préfère écouter les paroles de Professeur Barlow. Lors du travail pratique, Matthew me regarde comme si j'étais un crapaud sorti de son terrarium. Qu'il se mêle de ses affaires...

Professeur Barlow est étonnamment calme aujourd'hui, normalement ayant toujours l'air de vouloir prendre un élève pour taper sur un autre. Emma m'a envoyé une note magique, disant qu'il avait enfin trouvé l'amour. Je me suis retenue de rire pour ne pas qu'il me fusille du regard une nouvelle fois.

Après ce cours, il est l'heure d'aller manger. Avec Emma on a demandé à Elijah l'autorisation d'aller au petit village, Astrevel, de l'autre côté de la forêt. La première neige de l'année est tombée dans la nuit, on peut déjà voir un drap blanc et glacial qui recouvre le sol ainsi que les branches d'arbres gelées. Il y a même du verglas sur les chemins qui entourent l'Académie et qui traversent la forêt.

Après avoir eu notre autorisation, nous empruntons les chemins glissants, se moquant de nos démarches déformées pour ne pas tomber. Quelques larmes et fou-rires plus tard, nous arrivons à un petit bar défraîchi pour manger et boire un verre entre filles. Nous prenons un verre de vin chacune, elle le préfère blanc, je l'aime mieux rouge.

Après plusieurs potins et ragots, je lui raconte finalement ce qu'il s'était passé avec Orion la nuit de Samhain. Premièrement elle était surprise et a beaucoup rigolé. J'avoue avoir également été amusée par la situation. Quand nos sérieux reviennent à nous elle me pose la fameuse question :

- Tu as apprécié la situation ?

- Je ne sais pas, nous étions juste bourrés, surtout lui...

- Certes, mais tu as forcément ressenti quelque chose, Orion fait de l'effet à tout le monde chérie, crois-moi... affirme-t-elle accompagné d'un clin d'œil.

J'oublie parfois qu'ils étaient des amis avec avantages avant mon arrivée. Em' m'avait dit qu'ils avaient passé un accord d'une relation sans sentiments impliqués. Hésitante, je reste honnête avec elle.

- Oui, j'avoue que c'était plutôt intéressant comme sensation ?

Pendant que je commence à rougir, elle tape la table et s'excite.

- Je le savais ! Tu l'aime bien, Orion.

- Non je ne l'aime pas ! Il est arrogant, insupportable et puéril ! Je ne peux pas le croiser ou lui parler sans m'énerver ! Ça devient irritant.

Elle s'arrête de bouger, les yeux ronds, un sourire grandissant sur ses joues roses.

- Reyna... je ne pensais pas que t'étais autant attirée par lui !

- Je ne suis pas attirée par lui, je viens de te le prouver Em ! je me défends.

- Tu m'a justement prouvé que tu ressens quelque chose de fort pour lui, de la haine à l'amour il n'y a qu'un pas, Reyna.

Je soupire, abandonnant l'affrontement d'arguments. Je devrais être honnête avec moi, j'ai plutôt apprécié être proche d'Orion, mais je ne pense pas être sentimentalement impliquée.

- Je pense que nous étions simplement saouls, Em. Je lui réponds sur le même ton accusateur.

Elle glousse et lève les yeux au ciel, toujours un sourire amusé cloué sur son visage. Après notre repas assez agité, elle m'informe qu'elle avait quelques courses à faire à la petite échoppe ésotérique plus loin dans le village. Je vais rentrer seule à l'Académie.

Sur le chemin au milieu de la forêt, un garçon Etaliès spécialisé en botanique magique s'approche de moi.

- Je peux te vendre des bêtises, poupée, ça te tente ? me dit-il avec pleins d'idées farfelues derrière sa tête.

Je me recule légèrement et je le regarde, étonnée.

- Excuse-moi, je ne suis pas vraiment intéressée par tes plantes, car je peux me donner leurs effets avec un sort très simple. Désolée, c'est un non pour moi.

Il porte une mine triste à son visage, et repars vers le village. Il a l'air gentil, c'est dommage qu'il se mette en danger avec ce genre de bêtises.

Je reprends ma marche jusqu'à ce que mon pied rentre en contact avec une plaque de verglas. Ma chaussure en cuire glisse, ma cheville fixe se tord et je tombe en arrière. Une douleur atroce cogne l'arrière de mon crâne.

J'essaye d'ouvrir mes yeux mais je suis incapable de bouger. Je n'entends plus, je ne vois rien. La seule chose que je sens à ce moment précis est la douleur qui enveloppe ma tête. J'ai l'impression qu'on m'enfonce des piques au fer rouge dans le crâne.

Après un moment, ressenti comme des heures, sans pouvoir bouger un seul membre, je sens que quelqu'un me porte. Deux bras me tiennent sous mes genoux et mes épaules. Les chocs de la marche me lancent encore plus de douleur, mais je ne peux pas réagir. La personne cours à présent, je sens les flocons de neige fouetter mon visage, mes cheveux se débattre contre le vent, et un liquide chaud se répandre sur ma nuque.

Je me réveille dans un lit bien chaud. J'ouvre légèrement les yeux, craignant la lumière de la pièce. Je suis étonnée de voir que l'obscurité m'entoure. Je distingue quelques autres lits, je devine rapidement les arches de l'infirmerie. Elle se situe dans les sous-sols. Je regarde l'horloge magique au-dessus de la porte, elle indique 1 heure du matin. J'ai dormi tout ce temps ! Je ne suis pas allée au cours de clairvoyance, alias le cours le plus barbant.

Je me remonte dans le lit, me redresse grâce aux coudes et m'assois difficilement. Je pense que je suis seule. J'essaye de me lever. Ma tête me fait mal, des vertiges me prennent. Après être sûre d'être à nouveau stable, je me dirige vers le couloir. Il est désert. Je cherche le chemin de mon dortoir. Sous mes pieds fragilisés, le sol est glacial. Je m'aide des murs pour ne pas tomber. Ma vision se brouille de nouveau. Je m'arrête et entends une porte proche de moi s'ouvrir. Des pas s'approchent de moi. C'est sourd et lointain pourtant je sens son aura très proche de moi. Ma vision s'éteint entièrement, ma tête tourne et mon estomac se tord. Je crois que je m'évanouie quand des bras me rattrappent.

Rester dormir à l'infirmerie aurait été la meilleure décision de l'année, mais je ne l'ai pas prise. Je me réveille une seconde fois, mais cette fois-ci sur une chaise dure et hostile. Je regrette définitivement le lit chaud et moelleux. Je suis dans la salle des potions. A côté de moi se trouve une petite table, une petite fiole en verre foncé est renversée et vide.

- Reyna Veres. S'exclame une voix bien familière.

Je me retourne et vois le doux visage de notre bon vieux Barlow. Notez le sarcasme. Je lui adresse une salutation timide, honteuse de ma situation.

- Ne vous a-t-on jamais appris à suivre les conseils qu'on vous tend, Reyna ?

- Pardonnez-moi professeur, je ne comprends pas très bien.

- Vous êtes en piteux état et vous décidez de faire une balade nocturne dans les couloirs.

- Excusez-moi, je voulais retourner aux dortoirs.

- La prochaine fois essayez d'y parvenir en un seul morceau conscient.

Je rêve où il s'essaye à l'humour ?

- Aussi, Reyna, je devais vous donner cette lettre.

- De qui est-ce ?

- Ne posez pas de questions futiles, retournez à vos dortoirs.

J'obéis et sors du bureau, la lettre en main. Je rejoins ma chambre en vitesse. La douleur dans ma tête à totalement disparu, les vertiges ont cessé et mon estomac s'est mis d'accord avec le reste de mon corps. La potion de Barlow m'a remise sur pieds.

Je pose le parchemin sur mon bureau, et me dirige vers mon lit immédiatement. Je m'enroule dans la grosse couette, sens la chaleur revenir à mes pieds et mes mains, et je tombe dans les bras de Morphée avec plaisir.



𝐇𝐚𝐮𝐧𝐭𝐞𝐝 𝐇𝐞𝐚𝐫𝐭𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant