Quelques jours plus tard
Dans l'atelier de Jamie, le bois domine tout.
Althea sent son regard qui la suit tandis qu'elle en fait le tour après l'une de leurs rondes, mais elle ne se laisse pas distraire et continue d'observer chaque détail, en prenant de grandes inspirations. L'odeur caractéristique du bois fraîchement coupé se mêle à celle, délicieuse, des huiles de lin et de tung utilisées pour le protéger.
Elle effleure de ses doigts l'établi en bois massif, façonné à la main et doté de capteurs intégrés pour ajuster la hauteur et l'inclinaison de la surface de travail. Sous ses doigts, le plateau semble lisse à certains endroits et usé à d'autres.
Elle contemple un instant l'écran holographique transparent qui affiche un dessin de ce qui ressemble à une porte gravée avec plusieurs motifs qui s'entrelacent.
— Ton projet du moment ? lui demande-t-elle.
Il acquiesce seulement, appuyé contre les étagères en bois disposées le long du mur opposé à l'établi, qui présentent une collection de morceaux de bois exotiques parmi des jouets et des œuvres d'art.
Le regard de la jeune femme se reporte sur l'établi qui comporte à la fois des outils à la pointe de la technologie, comme des scies laser qui coupent le bois avec une précision microscopique, et d'autres plus traditionnels — rabots, ciseaux à bois et marteaux forgés en platine. Elle effleure le métal glacé de l'un d'eux.
Les luminaires semblent réglés sur le mode « moment calme » — pas de lumière trop forte. Le seul bruit que l'on distingue provient du ronronnement du système de purification de l'air qui élimine les poussières et régule la température et l'humidité de la pièce.
Son regard se pose en dernier sur les plantes vertes suspendues qui contrastent avec le bois et les outils métalliques, et elle se tourne vers lui pour le dévisager, comme si elle le voyait pour la première fois.
— J'ai une question, déclare-t-elle, l'air pensif.
— Oui ?
— Il n'y a ni rideaux ni volets, et les fenêtres sont bien grandes, tu ne travailles pas du tout en journée pour éviter le soleil ?
Il rejette la tête en arrière et soupire de manière audible.
— C'est ta seule question ? Je te donne la permission de pénétrer dans mon antre, tu découvres une multitude de bois différents et d'outils que, j'en suis sûr, tu n'as jamais vus de ta vie, et tu poses une question sur le soleil ?
— Désolée, offre-t-elle avec un geste d'excuse.
— Alors, tout d'abord, je te rappelle que je ne suis pas un vampire, je ne brûle pas au soleil, mes écailles et mes yeux ne supportent pas une exposition prolongée, c'est tout, répond-il d'un air amusé. Et les verres de ces fenêtres s'assombrissent en fonction de l'ensoleillement extérieur.
— Ah oui ok, je connais ce type de système. On les utilise également, dans des immeubles de bureaux surtout.
Elle prend sur une étagère un petit miroir entouré d'un cadre réalisé en différents bois qui se chevauchent. Toutes les créations de Jamie sont superbes, robustes et gracieuses à la fois, presque poétiques. Elle est bluffée, et un peu mal à l'aise aussi : on ne lui a pas appris que les démons pouvaient être de brillants artisans et des artistes — et elle n'a jamais cherché à creuser ces sujets, pour être honnête.
La voix de son compagnon lui fait lever les yeux de son reflet dans le miroir — le reflet honteux d'une humaine qui a vécu les vingt premières années de sa vie sans vraiment questionner le monde autour d'elle.
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Harmonie Adverse
FantasyLondres, 2045. Dans un monde où la nuit appartient à des créatures de toutes sortes, Althea, chasseuse de démons, et Ysé, guérisseuxe, essaient d'offrir une vie la plus normale possible à Troy, le fils d'Ysé. Un soir, Althea tombe sur Jamie, un dém...