10. Eternam

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Les jours suivants se déroulent dans une alternance de bons et de moins bons moments.

Dans les instants presque joyeux, il y a Troy, toujours. Avec ses anecdotes à propos de sa maîtresse ou de ses copains à l'école — où il est retourné très vite avec plaisir, et où ils sont souvent en retard, comme avant. Avec les gâteaux qu'ils confectionnent ensemble quand elle rentre du café, et avec les vieux dessins animés qu'ils visionnent sur l'écran mobile, assis l'un contre l'autre en mangeant de la glace sur le canapé.

Il y a surtout ses rondes avec Jamie, qu'elle a reprises rapidement, trois jours après l'au revoir à Ysé.

— Tu es sûre, puce ? a-t-il demandé le premier soir où elle l'a rejoint, un éclat inquiet dans ses yeux.

— Je suis sûre, James, et je t'en prie, ne te mets pas toi aussi à me regarder comme si j'allais me casser en mille morceaux.

— Je n'ai jamais pensé ça, Althea.

— Je sais, a-t-elle affirmé dans un hochement de tête. Voilà pourquoi j'apprécie spécialement ta compagnie en ce moment.

—Ok. Allons sauver le monde ensemble, alors, a-t-il conclu avec un clin d'œil.

Et elle a éclaté de rire — un vrai éclat de rire, qui fait un peu mal dans la poitrine et qui fait monter quelques larmes aux yeux. Elle a eu l'impression d'être vivante pour la première fois depuis la mort d'Ysé.

Mais il y a aussi des moments où elle a le sentiment que le chagrin et la colère ne la quitteront jamais.

Les instants où elle oublie sont terribles.

Oui, parfois, l'après-midi en rentrant du café, elle pense trouver Ysé à la maison, en train d'aider Troy à faire ses devoirs, une tasse de thé à la main.

Ou quand elle revient de sa ronde le soir, elle s'attend à découvrir leur salon éclairé à la bougie, et Ysé sur le canapé, un mug de tisane à la main. Ou, si iel s'est endormi·e après une journée plus fatigante au dispensaire, à pouvoir læ rejoindre directement dans leur lit, qu'iel aura réchauffé.

Le pire coup au cœur survient probablement tous les matins, au réveil : l'espace d'un instant, tout est normal, Ysé est déjà parti·e au dispensaire et elle læ verra ce soir. Puis, la réalité vient la frapper en pleine face, et en plein cœur, et elle reste, pantelante, dans l'alcôve qui ne résonnera plus jamais de leurs soupirs et murmures passionnés.

Sans faillir, la colère surgit ensuite.

La colère, glacée et brûlante à la fois, comme du venin qui remplacerait peu à peu le sang dans ses veines.

La colère, qui lui souffle toujours les mêmes mots à l'oreille.

Une rupture d'anévrisme !

Les monstres sont réels et tuent des gens chaque nuit. Mourir d'une rupture d'anévrisme n'est-il pas la chose la plus absurde qui soit ?

Et Troy, chaque fois, la ramène au moment présent.

Parce qu'il faisait des cauchemars aussi — pas assez de rêves de Jamie, il faut croire — elle a décidé de dormir avec lui dans sa chambre, pour au moins quelque temps.

Ils se sont également lancés dans un grand tri des affaires d'Ysé. Althea ne veut pas l'effacer tout à fait de leur vie, juste rendre son influence moindre. Elle craignait que cela perturbe Troy encore plus, pourtant il a eu l'air de comprendre, et était satisfait d'en donner une partie à ceux qui en ont besoin.

Ils ont gardé ses livres et ses bougies, et sa collection de thé et de tisanes, bien sûr. Troy a même proposé d'acheter de nouveaux mélanges pour les goûter en se demandant si iel les aurait appréciés ou non.

Harmonie AdverseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant