18. Rage

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Althea marche encore sur un beau nuage quand elle arrive au café le lendemain matin après avoir laissé Troy avec Caroline. Leur voisine l'a d'ailleurs observée avec un air interrogateur tout à l'heure, comme si son bonheur se voyait à l'instar du nez au milieu de la figure.

Si elle en était capable, elle pourrait siffloter en servant ses clients ce jour-là. Entre deux lattes, son esprit ne cesse de voguer des yeux de Jamie à ses lèvres, puis de son sourire à ses mains sur elle, et de sa voix extra-rauque au regard admiratif qu'il pose souvent sur elle.

Peu après onze heures, le nuage bien moelleux sur lequel elle se tenait jusque-là se dissipe en une fraction de seconde quand Tyna pénètre dans le café.

Les arêtes de son carré plongeant aussi aiguisées que ses talons aiguilles, elle fond sur le comptoir et sur Althea tel un aigle sur sa proie. Cette dernière se tend et se redresse, comme pour se préparer à l'attaque qui va suivre.

— Qu'est-ce que tu lui as fait ? crache sa rivale. Qu'est-ce que tu lui as promis ?

— Bien le bonjour à toi également, Tyna, déclare Althea sur un ton le plus ferme possible. Qu'est-ce que je te sers ?

— Oh je t'en prie, répond l'hybride avec un reniflement, je n'envisage pas de boire quoique ce soit dans ton café minable.

Althea, malgré son émoi, se dit que Tyna s'entendrait bien avec Gales sur ce point.

— Qu'est-ce que tu veux, alors ?

— Tu sais très bien ce que je veux. Je veux Jamie, il était à moi.

Des éclairs semblent sortir des yeux globuleux de Tyna tandis qu'elle se penche sur le comptoir pour se rapprocher d'Althea.

De façon curieuse, Althea sent un calme et une froide résolution se répandre de plus en plus en elle à chaque nouveau mot prononcé par l'hybride.

— Il n'a jamais été à toi, constate Althea d'une voix dénuée d'émotion. Personne n'appartient à personne, d'ailleurs. Je sais que nous vivons dans un monde pourri, mais l'esclavage a été aboli il y a bien longtemps et n'est pas réapparu. Et de toute façon, vous étiez dans une relation libre.

— Tout à fait, alors pourquoi a-t-il rompu avec moi hier ? demande Tyna, une touche d'hystérie dans la voix. Il aurait pu continuer à te baiser quand il le souhaitait et je n'aurais rien dit.

L'estomac d'Althea se contracte au mot « baiser » — ce n'est pas du tout la teneur de leur lien, n'est-ce pas ? — elle n'envisage toutefois pas de corriger l'ancienne maîtresse à l'ego meurtri.

— Jamie sait que je ne voulais pas de relation libre, affirme-t-elle néanmoins avec courage, et de toute évidence il tient plus à moi qu'à toi.

— Tu te crois au-dessus de ce type de relation ? s'écrie-t-elle avec un grand geste de la main. Pourquoi tu mériterais mieux que moi ? Tu es sa précieuse petite princesse, tu le fascines depuis le début, je n'ai jamais compris pourquoi !

« Moi non plus ».

Althea ne rétorque rien cependant et la laisse déverser son venin.

— Oh, il va se lasser bien vite, tu verras, tu ne peux pas lui apporter ce que je lui apporte, tu n'es qu'une pauvre humaine, toute jeune en plus, 21 ans, c'est ridicule ! As-tu une idée du nombre de partenaires que Jamie a eu dans sa vie ? Tous genres et sans-genre confondus ? Toutes espèces confondues ?

Althea grimace — elle s'est bien sûr posé cette même question à maintes reprises. Elle réalise qu'il est grand temps de mettre fin à cette conversation, prend une profonde inspiration et contourne le comptoir pour se planter devant son adversaire.

Harmonie AdverseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant