L'amour ne se comprend que lorsque l'on y est confronté :

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L'infirmière demanda à Tom, Drago et Théo de sortir. Seul le père avait le droit de rester à mes côtés pendant l'accouchement, ce qui me paraît normal. Je commençais à hyperventiler à cause des contractions et tenais la main de Matthéo avec force. Plusieurs nurses entrèrent dans la salle et commencèrent à préparer le matériel. Sara, celle qui m'avait assisté depuis le début, m'aida à me mettre en position gynécologique pour performer la mise au monde du bébé : j'avais maintenant les jambes sur des étriers, le dos plat et les genoux ramenés vers ma poitrine. Ce n'était pas la meilleure façon d'être allongée mais pas non plus la pire, selon moi. Celle-ci m'indiqua qu'il fallait que je respire avec régularité pour éviter d'être à bout de souffle. J'avais tellement chaud que je sentais la sueur sur mon front. 

Au bout d'un moment, je tressaillais en raison de la douleur fulgurante qui traversait mon corps et Sara m'annonça que je devais commencer à pousser. Matthéo, de son côté, me soutenait et m'encourageait :

"Tu vas y arriver, Ana. Tout va bien se passer. Tu peux le faire, je suis là."

Je me voyais très mal fournir cet effort dans mon état de lassitude exténuante mais je décidai d'essayer tant bien que mal. Toujours accrochée aux doigts de mon petit-ami, je poussai avec acharnement une première fois. Puis, une seconde fois, soutenue par celui-ci qui me lançait des "ça va aller" et des "Oui, c'est bien, continue comme ça, princesse". Je persistai jusqu'à un point d'épuisement que je ne pouvais pas même décrire. Matthéo essuyait la transpiration sur mon visage et m'incitait à poursuivre dans ma lancée mais je n'en pouvais plus. J'étais quasiment en train de mourir de fatigue, si je ne comptais pas le reste qui me tuait à petits feux : mes courbatures me torturaient, la température qui, je sentais, montait considérablement -en partie parce qu'on était en juin et l'autre car la salle était étouffante- et la douleur qui ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure que mes contractions, à présent, presque constantes se manifestaient. En outre, j'étais essoufflée et au bord des larmes.

"Je... vais... pas... y arriver..." Réussis-je à articuler.

"Il faut que tu continues de pousser, ma belle. Tu y es presque." Tenta de me convaincre l'infirmière, à ma droite.

"Non... jamais... je peux... plus..." Dis-je, en retenant les larmes qui me montaient aux yeux.

"Si, si tu peux le faire, Ana. Je t'en prie. Encore un petit effort." Intervint Matthéo, le visage empreint de tendresse et d'un soupçon d'inquiétude pour moi et pour le bébé.

Je tournai la tête vers lui et commençai à pleurer, doucement.

"Non... Matthéo... j'y arriverai pas... c'est trop dur... je suis désolée... je suis désolée... je suis pas assez forte..." Sanglotai-je, en le regardant droit dans les yeux.

Celui-ci se libéra de mes doigts et posa ses mains sur mes joues rouges et trempées d'un mélange de larmes et de sueur.

"Ana, regarde-moi." Dit-il en faisant une petite pause. "N'abandonne pas. Je veux que tu le fasses, que tu continues. Je sais que tu vas continuer. Parce que ça ne te ressemble pas de baisser les bras. Tu es bien assez forte. Je suis là et je ne te quitterai pas. Mais tu dois pousser encore pour que bientôt, dans tes bras, il y ait une jolie petite fille ou un beau petit garçon qui te regarde avec amour. Je t'en prie ?"

"D'a... D'accord..." 

"Allez, vas-y, tu peux le faire."

Matthéo se mit derrière moi pour m'aider à rester droite et me tendit ses bras pour que je m'appuie sur lui. Je les attrapai et les serrai si fort que je craignis pendant un instant de lui faire mal. Et je me remis à pousser de toutes mes forces. Durant environ 15 bonnes minutes, je gémis de douleur jusqu'à ce que j'entende les cris et les pleurs de détresse d'un nouveau-né. Je me penchai en avant pour l'apercevoir et le vis. Couvert de sang et de saleté, dans les bras des infirmières qui le nettoyait avec douceur, il pleurait à en fendre mon coeur, les yeux fermés en deux petites fentes. Il était si beau et si précieux, déjà, à mes yeux que je paniquai quand je vis les docteurs l'emmener à l'autre bout de la pièce.

From life to deathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant