1 - Gertrude

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Maxine

Elle tourne, caresse, frictionne dans un mouvement circulaire. Elle est dure. Elle saigne. La douleur est intense, insupportable et arrache une grimace. Elle s'enfonce plus profondément, tapant dans le fond et se retire aussi brutalement avant d'y revenir.

Elle change de position et enchaîne d'autres mouvements comme un ballet avec le diable. Sa peau palpite sous son toucher, ses poils la chatouillent. Douce, s'accrochant dans un désespoir, voulant l'emprisonner. Son regard fixe est perdu dans le vide. Aucune expression ne se décèle sous ses traits fatigués. Ses cernes se creusent et s'enfoncent dans une teinte légèrement bleutée. Ses cheveux humides lui collent au visage.

Le goût du sang envahit sa bouche, tandis qu'elle baisse le bas de sa lèvre en regardant sa gencive saigner.

— Foutu abcès !

Rinçant la tête de ma brosse à dents, je la dépose avec nonchalance dans le pot. Mes mains forment une coupe, accueillant l'eau tiède qui les remplisse. Je les porte à ma bouche et lave les résidus de dentifrice collés à mes dents.

La nuit a encore été chaotique. Passant le plus clair de ma soirée à regarder des séries à l'eau de rose, me moquant des situations rocambolesques dans lequel les personnages se mettent pour attirer l'attention de l'être aimé.

Foutaise !

Grignotant des chips et gavant mon corps de sucre avec des boissons caféinées surglucosées. Avachis derrière l'écran de mon ordinateur, somnolant sur ma chaise, portant mécaniquement la nourriture à mes lèvres où les grains de sel se déposent. Il a bien fallu à un moment donné que je traîne ma carcasse jusqu'à mon plumard, bâillant à m'en décrocher de douleur la mandibule.

Une fois glissé sous la couette froide, démunie de chaleur humaine, je levai les bras pour faire mon traditionnel réflexe qui me faisait tant marrer depuis de nombreuses années. Je tape dans mes mains pour faire éteindre la lumière. Elle n'obéit pas. Elle projette encore son faisceau au travers de l'abat-jour, jauni par la fumée des cigarettes.

Un souffle d'exaspération traverse mes lèvres. Obligé de me tortiller dans le lit pour me redresser et de tendre le bras vers le bouton magique.

— Il s'est encore planqué derrière la table le saligaud.

Après un effort considérable à ruminer des insultes, j'arrive enfin à entendre le clic sous la pression de mes doigts. Enfin, le bonheur. Le noir, les ténèbres m'enveloppent dans une douce couverture. Il me regarde, me fixe, me jauge. Il juge la chose, créant une montagne difforme dans le lit, se déplaçant, tournant de gauche à droite. Il se moque.

Mes yeux observent le plafond sans le voir. Les ténèbres se jouent de moi. Chaque fois, c'est la même rengaine. Dès que la lumière me brûle la rétine, obligeant mon corps à aller se coucher et que le noir la remplace, soulageant la douleur de mes yeux piquants, ils restent ouverts.

J'ai beau compter les moutons, les imaginant de forme, de taille, de couleur différente, rien n'y fait. Et, sauté au-dessus d'une barrière, c'est bien joli, mais ce serait encore mieux s'il sautait au-dessus d'un trou où des scies circulaires tournent à pleine vitesse. Les moutons devront à ce moment-là sauter assez haut pour éviter de se faire déchiqueter. Cette pensée me fait sourire, mais ne m'apporte pas la grâce du marchand de sable.

Une chanson.

Chanter dans sa tête pour s'endormir, voilà la solution. Mais mon cerveau tourne en boucle sur les moutons sautant la sueur au front au-dessus des scies circulaires, priant pour leurs vies sur un fond musical d'une chanson entraînante de Henri Dès : J'suis content, c'est l'printemps, aujourd'hui j'ai rien à faire. Quelle aubaine turlutaine, je marche le nez en l'air...

Game of Shadows - en coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant