6- Inconnu

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Maxine


La chanson de la Reine des neiges tourne en boucle dans ma tête depuis une semaine. Maudit, sois-tu la perche ! Je me réinstalle derrière la lunette de mon viseur, scrutant la cible d'un contrat que j'ai accepté le lendemain. Le boss avait bien vu que son précédent rendez-vous m'avait fortement déplu. Par conséquent, au lieu de confier la tâche à Damien, il a fait appel à mes services.

Un contrat d'une banalité sans pareille. Simple, efficace comme un sparadrap que l'on arrache. Deux semaines de vacances à Amsterdam. La cible ? Une raclure de la pire espèce traitant les femmes comme du bétail, les troquant dans les coulisses du quartier rouge. Le pourquoi ? Chacun à ses raisons, mais lui, il aurait énervé la mauvaise personne.

Le commanditaire m'a pourtant fait sourire en précisant comment il souhaitait sa mort. Généralement, ils me laissent faire, mais lui, il y tenait et j'ai grandement accepté. Depuis, je me suis installé à l'angle de la rue donnant sur ses appartements de luxe, guettant, surveillant, analysant toutes ses petites manies.

J'ai une foutue envie de fumer. Ça fait des heures que je suis en planque dans mon trou de souris. J'évite généralement de m'en griller une pendant ce temps. Trop dangereux. Ça laisse des traces. Mon ADN. On ne sait jamais : avec les moyens employés aujourd'hui, je dois rester à l'affût. Sur ses gardes. Constamment. La faucheuse n'a pas le droit à l'erreur.

Ma tête se penche en arrière pour faire craquer mon cou, alors que je tourne mes épaules pour les détendre. Je positionne correctement la crosse de mon petit bébé contre mon épaule. Un Arctic Warfare Magnum-Folding et glisse mon œil gauche derrière la lunette. C'est râpé pour ce soir. Il sort. Simple, j'avais dit, mais il est aussi agité qu'une puce. Il ne tient pas en place. J'avais pensé faire appel à une prostituée, mais on pourrait facilement remonter jusqu'à moi et c'est impensable. Je souffle. Je l'aurai demain.

Je glisse délicatement le canon en acier inoxydable de vingt-six pouces de la lucarne de la ventilation. Plie la crosse de mon fusil et le range dans sa valise. On pourrait croire que je suis une flûtiste, mais je ne joue pas du même pipeau. Je souris. La perche a bien aimé que je joue du pipeau avec lui. Seul moyen de le détourner quand la reine des glaces s'est mise à batifoler dans la neige avec sa voix à faire péter les tympans. Il a rapidement lâché sa lame pour me choper.

Un rire sadique franchit mes lèvres. C'était inévitable. Et, pour le coup, j'ai pu me reposer correctement après. Je me glisse hors du plafond pour rejoindre la chambre que je loue. Pas besoin d'avoir plus grand. Mes fringues jonchent le lit, alors que je prends sur moi pour laisser l'endroit propre le plus possible. Je devrais peut-être emmener Cendrillon avec moi en mission. J'aurai ma p'tite femme de ménage. Je soupire.

Je me dirige vers le frigo et attrape une bière. Je prends mon paquet de Lucky, tape sur le cul pour me sortir une cigarette, et la coince entre mes lèvres avant de l'allumer. Mes pas me mènent jusqu'à la chaise appuyée contre le mur, légèrement en retrait de la fenêtre. Je m'assieds dessus et cale mes pieds en les croisant sur le rebord. Mes yeux scrutent le ciel en me perdant dans mes pensées.

Mon téléphone prépayé vibre, sortant de mes songes. Je regarde le numéro. Inconnu. Je laisse sonner. Il tente une deuxième fois.

— C'est qui cet enculé ? grogné-je.

Les seuls à pouvoir me joindre sont Tobias et la perche. Même Cendrillon n'a pas accès à ce numéro. Je fixe l'écran. Ma mâchoire se serre. Mes doigts se crispent sur l'appareil. Il me met les nerfs, qui qu'il soit. Déjà que la puce me titille les méninges, mais là, ce n'est pas normal.

Une troisième fois. Il ne lâche pas l'affaire. Je l'envoie chier ou je réponds. Je réfléchis. Mes sourcils se froncent de plus en plus. Répondre est une mauvaise idée. Tant pis pour informer Tobias sur l'avancée, il comprendra quand je serai rentré. J'ouvre le dos du portable, retire la sim et la broie entre mes doigts. Je me lève énervé. Pas bon d'être dans cet état. Heureusement que j'ai lâché l'affaire de ma surveillance ce soir.

Game of Shadows - en coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant