15- Nourriture piégée

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Elio

La tête posée sur le haut de mon fauteuil, je garde les yeux fermés, écoutant la symphonie n° 7 de Beethoven. Mes écrans me scrutent. Ils attendent. Mes doigts sont en suspens dans les airs, dansant au rythme des violons. Piraté seulement, Max ? Non, j'ai un œil sur l'étudiant aussi. J'attends. Elle va me le payer. Je réfléchis que la solution arrive. Derrière mon ordi, je ne peux pas forcément l'atteindre physiquement. Mais je peux court-circuiter certaines choses.

J'ouvre un œil quand j'entends le p'tit jeune passer une commande auprès d'un Uber. Il précise bien sans oignons, étant allergique à ce condiment. Mais ne précise pas la raison. Parfait. Je lance l'appel auprès du Subway me faisant passer pour l'étudiant, rajoutant à sa commande un autre sandwich en leur indiquant de livrer au plus vite en modifiant l'adresse. Allongeant la monnaie s'il le faut. Je me redresse et me glisse dans l'appartement de Franck. Une bibliothèque dissimulée, cache une porte. Je fouille les placards, trouvant l'objet de ma convoitise. J'attrape le sachet. Le cache dans ma poche, puis descend, en attendant le livreur. Même pas un quart d'heure après, il arrive. Il me tend le sachet, je lui file le pourboire.

La concierge n'est pas là. Sortie sûrement promener son chien. Je monte rapidement à l'appartement. Défais l'emballage de la commande de Mansur, récupère celui sans oignon que je planque dans ma veste, et glisse une surdose de feuilles de séné dans la préparation de son sandwich. Franck apparaît à ce moment-là.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Je me retourne en tenant le sac de Subway dans la main.

— J'ai commandé à manger, mais ils se sont trompés dans la commande.

Je pointe le nom de l'étudiant. Franck souffle.

— Donne. Je vais lui apporter, tu sais qu'il ne peut pas te voir en peinture.

Merci Max et ses coups fourrés. Je le lui tends, ne dévoilant rien de ma supercherie. Il s'absente. Laissant le temps pour moi de remettre son sachet dans les placards et de repartir dans mon antre, souriant comme un gamin. Comment vas-tu réagir à ça, Max ?

Maxine

Sortant de la douche, je regarde les morsures que la perche s'est fait une joie de me laisser. Il n'y est pas allé de main morte. D'autant plus qu'à son réveil le lendemain, il était tombé du lit, car j'avais renfilé le masque. Il est parti en claquant la porte, pestant contre ma connerie. Promettant que la vengeance sera terrible. À d'autres ! Je mène quatre-vingt-neuf à cinquante-deux. Il rame pour atteindre mon niveau. Et, Tobias, c'est fait un malin plaisir de tracer à la craie, les deux points que j'ai acquis en supplément. On peut dire que la perche a passé un merveilleux week-end à m'ignorer, alors que pour ma part, je me foutais de sa poire.

Depuis ce jour, je n'ai pas croisé le prêtre ni même entendu parler d'Elder. La visite de la bonne sœur l'a bien refroidi. Je continue mes planques la nuit, directement après le travail. Ne trouvant pas d'excuses valables pour m'absenter. Mais aussi chiant que lui y'a pas. À part lire son livre, sortir, je ne sais où et dormir. Rien n'y fait. Même Gertrude à côté m'apporte plus de croustillants dans sa vie. Un doute sur le fait d'être zoophile ? Oui. Elle a levé mes soupçons, la coquine. Par contre, je me serais bien passé de l'image du retraité du premier la tête entre les cuisses, lui léchant les croûtes. J'aime le dégueulasse, mais dans une certaine mesure. Je retiens un haut-le-cœur. J'en ai cauchemardé toute la nuit.

Enroulé dans ma serviette, je me dirige vers mon placard à la recherche de vêtements. J'attrape des sous-vêtements, un sweat et un baggy. Je n'ai pas le temps de m'habiller que ça toque à la porte. Je regarde l'heure : dix-sept heures. Je souffle. J'ouvre la porte sur Cendrillon, tenant un sachet dans la main. Dansant d'un pied sur l'autre.

Game of Shadows - en coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant