Elio
Mes doigts pianotent nerveusement sur la table, tandis que mes yeux sont figés sur le papier que le patron du bar m'a donné. Je scrute le mot dans le vide, alors que mon cerveau tourne à vive allure. Un fantôme. Une ombre. La meilleure au vu de tous les noms d'affichés quand j'ai aperçu ses exploits. Le tout pour une somme ridicule.
Ridicule aux regards de l'évêque qui me soutient, non, mais à moi qui descends d'une famille très aisée, oui. Une famille... Non, ce n'en est pas une. Ma mâchoire se contracte. Mes muscles tressautent. Je ne peux pas continuer ma formation sans avoir son ombre qui me suit constamment. Sans avoir ses démons à mes trousses.
Sa toque à la porte. Mon regard se lève vers la croix. Il n'attend pas ma réponse, alors que je prie le seigneur de me guider. Une main bienveillante se pose sur mon épaule, mais je ne me retourne pas.
— Ton rendez-vous s'est si mal passé ?
La chaleur du père Gustave apaise mes tourments.
— J'ai perdu mon sang-froid, réponds-je déçu de moi-même.
Il soupire.
— Je t'ai prévenu que le chemin que tu empruntes sera semé d'embûches, répond-il calmement.
Je me redresse sur la chaise et me tourne vers lui. Assis sur mon lit de bois à la couverture rêche, père Gustave me fixe de ses yeux bleus d'un air sage. Son nez tombant sur sa bouche étroite. Ses sourcils gris sont légèrement relevés, accompagnant leurs teintes à ses cheveux plaqués sur sa tête. Ses traits anguleux relèvent ses fossettes au fur et à mesure que ses lèvres s'étirent en un sourire.
— L'embûche en question est à un prix plus qu'approprié, mais refuse catégoriquement ma requête.
— Trouves-en un autre ?
Je baisse le regard. Les autres sont excessifs, d'excellente réputation certes, mais hors de portée. Et, ils ne transpiraient pas la mort comme elle. Les autres, des dangers. Elle, la faucheuse. C'est elle que je veux pour ce contrat. Devant mon silence pesant, père Gustave se lève.
— Suis-moi.
Je mets le papier dans ma poche de soutane noire, emboîtant le pas de l'évêque. Ainsi, nous sortons de la chambre, qui est composée seulement d'une chaise, d'un lit et d'une armoire en bois sombre et qui semble ne pas avoir d'âges. Elle est simple sans artifice, seuls trônent au-dessus du lit la croix du seigneur et une lampe sur le bureau.. Nous marchons lentement sous les douves du presbytère de la cathédrale. Les arches donnent accès directement à une cour bien entretenue, resplendissant les couleurs chatoyantes du printemps. Un endroit serein ressemblant au cloître du mont Saint-Michel, où seuls les murmures brisent le silence.
Nous l'abandonnons pour rejoindre la maison accolée, croisant nos confrères en formation dans le couloir étroit, avant d'atteindre le bureau du père Gustave. Tout aussi simple que les autres pièces de ce domaine. Les murs crépis gris se fondent dans le parquet grinçant sous nos pas. La croix, accrochée derrière son bureau verni où toutes ses affaires sont soigneusement rangées. Une bibliothèque protège derrière ses portes vitrées un nombre de livres anciens. Il s'installe et m'indique d'en faire autant sur la chaise devant son bureau.
— Quand je t'ai accepté en formation, j'avais pleinement conscience de ton passif, commence-t-il calmement.
Je reste neutre devant lui.
— Je connaissais ta mère.
Mes poings se ferment.
— Mais là, ça te ronge.
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Game of Shadows - en cours
RomansaElle, c'est Maxine, une ombre insaisissable, allant d'un contrat à l'autre. Elle travaille dans un bar en banlieue de Paris jusqu'à ce qu'on pose sa carte sur le comptoir pour des services beaucoup plus particuliers. Aux yeux des hommes qui l'emploi...