31 - Le caméléon rose

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Maxine

Mes coudes s'appuient sur le guidon, mon dos se courbe, et mes yeux, cachés derrière la visière baissée de mon casque, fixent le prêtre face à moi. Mon humeur est au beau fixe, tandis que lui, il se décompose lentement sous mon regard.

Bien, très très bien même.

— Grimpe, craché-je.

La bande de tueurs à ses trousses a sûrement déjà dépassé notre position. Je ne peux pas me planquer ici trop longtemps. Il secoue la tête, reprenant enfin ses esprits, et se redresse en s'aidant de ses mains, la résolution dans les yeux.

— Tue-moi tout de suite que l'on en finisse.

Je fronce les sourcils. Je n'aime pas quand mes proies déclarent forfait aussi vite. Bien que l'idée soit alléchante, j'ai promis au caméléon de le laisser en paix jusqu'à ce qu'il soit en sécurité.

Et c'est qui ce caméléon, d'ailleurs ? Certes, il m'a aidée à m'extraire des griffes de la perche, mais de là à me donner des ordres, à moi ? Un ange gardien pour ce prêtre ? Non, pas possible. Il a Franck pour ça, et jusqu'à présent, il s'est très bien débrouillé tout seul.

Bordel, ils me rendent dingue.

Je glisse la fermeture de ma combinaison, attrape le téléphone que ce type m'a donné, puis le tends au prêtre. Il me regarde, incrédule, puis s'en saisit avant de le porter à son oreille. Sa mâchoire se contracte lorsqu'il entend la voix du message vocal que l'on m'a transmis. Modifiée, bien sûr. Ce foutu lézard rose n'utilise jamais sa vraie voix. Était-ce vraiment lui chez la perche ? Je commence à en avoir sacrément marre des hackeurs en ce moment.

Il me rend le téléphone, un mélange de résignation et de détermination sur le visage.

— D'accord, faisons équipe pour l'instant.

Il capitule vite, kiki. Quand j'ai écouté le message, je n'ai rien pigé des termes de leur univers. Il aurait dit : « Contrat, exécution, alfa, canard, euthanasie », j'aurais compris. Mais « Zéro-day, Rootkit, Script Kiddie et pink »... Le dernier mot me dit juste que c'est rose. Le reste, mon cerveau a fait face à un vide sidéral. Rien biter.

Il se réinstalle derrière moi, ajuste correctement son sac à dos. Je recule ma bécane.

— Accroche-toi à moi.

— Sans façon, ça ira, répond-il en gardant ses distances.

— Ne viens pas pleurer quand ton cerveau se sera éclaté sur le bitume.

Ses bras finissent par passer autour de ma taille. Je me marre intérieurement. Il presse son torse contre mon dos, et un frisson parcourt mon corps. Foutue sensation. Je ferme les yeux, démarre, puis accélère. Je rejoins la circulation comme une furie, mais ma conduite reste plus sage que pendant la course. On va éviter d'attirer la police coréenne, hein.

Les lumières de la ville se reflètent sur ma bécane. Je m'arrête un instant dans un garage, achète un casque, puis le tends au prêtre avant de redémarrer. Arrivée à un feu, un autre motard s'arrête à mes côtés. Il fait ronronner son moteur, analysant sans gêne mes courbes gracieuses. Je relève imperceptiblement ma visière, et le motard la lève complètement. Belle gueule.

— T'as pas fini de bander sur ta bécane ? Tu vas finir par glisser au démarrage.

Elio rit dans mon dos. Je l'avais oublié, lui, tiens. Les yeux du motard se plissent. Je devine à ses fossettes qu'il sourit. Le feu passe au vert. Je lui mets une pile en démarrant vite. Je vérifie mon rétro, il respecte les limitations.

Game of Shadows - en coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant