20- Au-dessus de sa tombe

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Maxine

Le soleil cogne sans pitié, et ma tête tambourine encore de la migraine de la veille. Comme si ça ne suffisait pas, j'ai une bosse au milieu du front qui pousse après ma chute d'hier. Je me redresse en regardant dans le rétroviseur. Diantre ! Voilà que je me transforme en licorne. Toutefois, je ne pète pas des paillettes ni ne vomis des arcs-en-ciel.

J'ai décollé directement après mon réveil. Ne voulant pas perdre une minute de plus dans cette piaule. Voulant occuper mon esprit qui part en vrille. L'occupant le plus possible après ma nuit chaotique, remontant ce fichu souvenir que je ne voulais pas revoir.

Je suis sur l'Interstate 77, direction Rock Hill, Caroline du Sud. Une petite bourgade bien tranquille avec ses briques rouges. Généralement, il ne s'y passe rien. Les habitants y vivent paisiblement, ne se doutant pas un seul instant que pendant plusieurs années, mon mentor m'a reconstruite après m'avoir vu tuer ce monstre. Un bien grand gaillard, qu'il ne fallait surtout pas chauffer. Je m'y suis frotté. Au début, il laissait passer, mais après, j'avais intérêt à courir vite. Malheur à moi. Cependant, c'était ma bouffée d'oxygène.

Quelques heures après, j'arrive à ma destination. L'endroit est calme. Empli de quelques bosquets. Je m'appuie contre le capot de la Ford, fumant ma cigarette, le regard perdu. Occultant les habitants parcourant les rues comme si tout était normal. Rien ne l'est. Je tire sur ma clope repensant à lui. Au souvenir de ce grand bonhomme qui m'a donné une raison de vivre. Étreignant mon cœur de pierre.

Vise les cannettes bordel !

C'est ce que je fais, pétard de pétard, répliqué-je en tenant la carabine.

Darius, plus communément appelé le royal. Grand, baraqué. Une allure de bûcheron qui s'est trompé de pays. Une barbe noire fournit sa mâchoire carrée. Son nez est tordu, sûrement pété à cause de nombreuses bagarres. Ses sourcils broussailleux soulignent ses yeux verts d'eau. Aussi blancs qu'un cul de poule, pourtant ses cheveux noirs sont bouclés comme un mouton mexicain. Me suis-je foutu de sa gueule ? Ah, n'en pas douter.

Néanmoins, c'est lui qui m'a ramassé dans cette salle blanche. Après que j'ai broyé les bijoux de ce monstre. L'éventrant en le faisant saigner comme un porc. Tranchant sa carotide avec une précision méticuleuse. Me libérant d'années de torture. Cependant, je n'avais qu'une envie. Mourir. Il m'a prise sous son aile. Me parlant doucement, faisant face à un chiot effrayé. Je l'ai même mordu. C'est là-bas que, pour la dernière fois, je vis mes parents. Partir en fumée. Ces raclures aveuglées par ce fumier. Trop jeune pour comprendre à l'époque. Trop de souvenirs douloureux.

Mais ce n'est pas vrai, tu vises à côté !

Je tente encore et encore de tirer. Sous ses engueulades. Me forçant à faire dix tours de terrain comme à l'armée. En même temps, c'était un ancien légionnaire sous les couleurs de la France. Réputé pour ses tirs de précision. Ayant pris sa retraire militaire aux States. Ce perdant dans la compagne. M'apprenant les deux langues à sa manière. Quand il jurait, c'était en français. Quand il expliquait, c'était en anglais. Rajoutez un chewing-gum entre ça, c'était incompréhensible.

À l'autre bout du terrain, je me suis arrêté. Ne voulant pas courir sans lui. Il rumine en attendant que je me décide. Je ne bouge pas en plaquant mes mains sur les côtés de ma bouche pour porter ma voix. J'ai toujours en main la motivation parfaite :

Vas-y, Darius, où j'te pète l'anus ! crié-je en riant.

Ça ne loupe jamais. Il fonce vers moi comme une fusée, tandis que je détale comme un lapin. Le meilleur des entraînements.

Game of Shadows - en coursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant