9 - Call it fate, call it karma

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Avec les années, Andy avait retenu deux choses de ce temps-là.

La première, c'était que Joël et Tommy n'étaient pas des gens foncièrement mauvais. Juste le produit de cette époque apocalyptique, et que depuis, elle avait rencontré bien pire. Ils ne l'avaient ni agressé, ni tué ou torturé par plaisir. À l'époque, sa haine était principalement dirigée vers le fait qu'aucun d'eux ne se souciait vraiment de sa vision des choses. Qu'ils n'avaient plus aucun espoir de rien. Alors qu'elle, elle s'était battue longtemps pour la garder, cette infime espérance. Celle que quelque part, un jour, quelque chose de positif arrivera, que deux personnes réussiront à s'aimer et vivront à nouveau. L'espoir qu'une société se reconstruise.
Que le cordyceps se retracte.
Que les morts restent morts.

Deux fois, elle avait failli à l'espoir.

D'abord quand Scotty avait disparu. Le visage de son frère avait disparu. Ses yeux vifs, ses traits si fins qu'il se noyait sous des mèches aussi sombres que les siennes et ne laissait transparaître qu'un sourire qui lui rappelait l'enfance. Il était mort la sixième année qui suivit le jour du basculement. Elle venait d'avoir trente ans et lui vingt-six.
Elle et lui avaient quitté la FEDRA par nécessité quand les tensions devenaient trop fortes au nord d'Atlanta.
C'était deux ans après sa courte aventure avec les deux chasseurs. C'était l'année qu'elle avait cru être sa dernière.

La seconde fois, et bien, elle ne l'avait pas encore véritablement vécu. Mais elle était sûre que s'allier avec celui qui était son bourreau des années avant n'était pas une bonne idée. Ça ne lui apporterait que du malheur.
Elle ne pouvait pas être destinée à recroiser sa route. C'était impensable dans un pays aussi grand.

Sauf que la deuxième chose qui était apparue à Andy comme une évidence en ce soir d'octobre 2020 était que le destin était un beau connard.



La tête de Joel pesait si lourd qu'il fut sûr que s'il n'y avait pas quelque chose derrière lui pour le retenir, il s'effondrerait au sol.

Il ne pouvait regarder qu'un mur face à lui, un mur décrépis par le temps et imprégné d'humidité. Dans les angles, poussait de la mousse verdâtre, mais il ne pouvait pas voir grand chose d'autre à cause de la pénombre. Il eut la pensée fugace qu'il n'avait pas vu un mur propre dans une maison entretenue depuis tellement longtemps qu'il n'était plus sûr de pouvoir dire comment c'était. Le cours de son idée furtive fut alors interrompu par un bruit sec venant de la droite. Un homme qui devait avoir au moins dix ans de plus que lui était entré et avait jeté avec négligence un bout de pain rassi au sol. Dans un bruit tout aussi sec, la lourde porte en ferraille se referma et le silence repris place autour de lui.

Joel décida alors de faire un point rapide sur sa situation. Il s'était réveillé il y a à peine une minute et son crâne lui faisait un mal de chien depuis qu'il s'était fait arrêter en essayant de passer le grand pont de Fall River plus tôt dans la journée (du moins il espérait que ce soit encore la même journée). Maintenant, il était attaché, il ne savait pas où, par il ne savait pas à qui. Probablement des réfugiés de la ZQ de Providence qui avaient décidé de faire leur base à côté de la rivière qui bordait la ville, stoppant tous les voyageurs qui tentaient de passer par le grand pont pour les dépouiller et en faire de la contrebande. Ou alors des chasseurs qui passaient par là et qui avaient besoin d'un appas pour éviter les infectés à l'est de la ville. Mais pourquoi auraient-ils apporté à manger ? Marlene lui avait dit de se méfier, mais la seule fois où Joel l'avait écouté, Tommy l'avait quitté, alors il n'avait que faire des conseils de cette révolutionnaire.

The road is long, we carry on ¦ Joel x ocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant