12. Parchemin

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Tu connaîtras tous mes secrets. Mêmes ceux que tu aurais préféré ignorer.

Inspire. Un. Deux. Trois. Quatre.

Bloque. Un. Deux. Trois. Quatre.

Expire. Un. Deux. Trois. Quatre.

Bloque. Un. Deux. Trois. Quatre.

Recommence.

Cinalu. Edelone éprouvait un besoin furieux de la voir. Comme une droguée avec son mentor.

Son corps si puissamment endolori peinait à se déplacer. Le sang ruisselait de ses plaies, s'incrustant dans la pierre poreuse du château de Padel. Son cœur battait avec fébrilité, son souffle à la traîne. Depuis quand son seigneur marchait-il si vite ? Elle était voûtée. Souffrante. Le goût métallique dans sa bouche ne lui était que trop familier.

Et l'humiliation qui l'enrageait.

Le rude entraînement à ses débuts de gardienne avait brillé des mêmes instincts. Ses échecs se peignaient d'une frustration indicible, désormais vernis par l'arrogance de son maître.

Respire.

La demi-elfe reprit son cycle. Des volutes de brume noire caressèrent sa peau. Le battement de son cœur expulsait le sang dans ses artères. Elle avait mal à la tête.

Ne le tue pas.

Son rythme cardiaque se freina. La tension retombait. Et sa vue se brouillait.

Elle saignait encore, il était urgent qu'elle se soigne si elle ne voulait pas perdre connaissance. Elle saisit une potion dans sa sacoche qui contenait un épais liquide rouge. Il faudrait que cela suffise. Elle déboucha la fiole et engloutit d'une traite son contenu. Ses plaies les plus profondes se refermèrent, et elle cessa de repeindre de son sang le hall d'entrée - qui par sa faute perdait de sa superbe.

Du revers de la main, elle essuya le sang qui coulait de ses lèvres contrites. Ils n'étaient pas au bout de leur peine. Le château silencieux offrait le même tableau que le village. Des corps inertes, interrompus dans leur fuite se figeaient dans l'agonie. Ni elle, ni les soldats n'étaient en état d'assumer un autre combat. Le nécromancien restait introuvable, ce qui n'était pas pour les rassurer. Pour autant qu'ils le sachent, il pouvait se trouver dans le château qu'ils s'apprêtaient à explorer.

Adren avança sans avoir la diligence d'attendre sa gardienne, ni de lui accorder un temps de repos.

Fidèle à son intuition, elle prit un temps pour évaluer la situation. Edelone ferma les yeux et se concentra sur les vibrations du Ki. Elle sentait le sien et celui des gardes, épuisés, ainsi que celui d'Adren qui s'éloignait avec orgueil. Aucune trace de l'étrange énergie perçue plus tôt qu'elle devinait appartenir à leur ennemi.

Quand quelque chose changea dans l'air.

Une odeur, semblable aux pages d'un vieux livre. Comme lorsque l'on dépoussiérait un ouvrage très ancien. Une odeur mêlant le renfermé, la poussière et le vieux papier. La demi-elfe rouvrit brusquement les yeux et fit volte-face, prête à frapper. Elle ne découvrit devant elle rien de mieux qu'un mur de pierres d'une banalité décevante. Aucun livre en vue.

Aussi subitement qu'elle survint, l'odeur s'envola dans un ricanement. Ses sens s'amusaient à la tromper, tout portait à croire qu'elle se faisait des idées. Son odorat était saturé par l'odeur des cadavres calcinés. La douleur de ses blessures restait omniprésente. Malgré cela, elle ne put se défaire de ce mauvais pressentiment, son instinct la trompait rarement. Les poils de sa nuque se hérissèrent dans la désagréable sensation d'être observée.

Au service de l'absurde - La GrueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant