Invisible

Dans l'ombre de la Grande Salle

Sous un plafond enchanté où se déchaînait le ciel, la Grande Salle, splendide avec ses décorations accueillait les élèves en ce festin de début d'année. Assiettes et gobelets d'or scintillaient à la lumière de centaines de chandelles qui flottaient en l'air au-dessus des têtes des convives. À l'extrémité de l'immense salle, une cinquième table avait été dressée pour les professeurs, face à leurs élèves. Les fantômes, d'un blanc nacré, à demi transparent, voletaient autour des tables, souriant et parfois discutant avec les étudiants.

Les conversations joyeuses recouvraient le bruit de la pluie violente dehors. Les rires répondaient au grognement du tonnerre. Malgré les habits détrempés, tous bavardaient gaiement. Enfin, pas tous.

Caius Abraxas Selwyn tapotait sur sa table, assis au fond, le plus proche des portes de la majestueuse salle. Son menton était posé sur sa main droite, pendant que la gauche trahissait son impatience sur la planche de bois. Parfois, il faisait tourner son couteau, et soupirait. Il n'était absolument pas gêné par la présence des plus lugubres des fantômes du château, dans son dos où même juste en face de lui. Ils étaient tous morts dans d'horrible situation : bûcher, décapitation, meurtre... Ils venaient de toutes les époques : un chevalier encore en armure éventrée, un émissaire du Vatican à la cape ensanglanté, le front écrasé, ou encore une dame en tenue Victorienne, le visage fondue comme de la cire...

Le jeune homme de quinze ans les remarquait à peine. Il attendait, silencieux, l'arrivée des nouveaux, les yeux fixant la table des enseignants et surtout trois chaises vides. Il se demandait si le directeur de l'école avait trouvé un professeur de défense contre les forces du Mal, matière qu'il aimait et qu'il souhaitait continuer après sa cinquième année. Peu importe l'enseignant, souvent incompétent ou bizarre, Caius était un petit surdoué en maléfice. Il trouvait les sorts surtout à la bibliothèque, et particulièrement en se faufilant dans la réserve à l'accès normalement interdit sans autorisation. Caius n'était pas genre à demander un quelconque papier pour aller se rendre où il souhaitait, et surtout pour étudier ce qui l'intéressait.

Les deux autres chaises libres étaient celle de Hagrid -un demi-géant qui enseignait les soins aux créatures magiques et était aussi le Garde Chasse et Gardien des Clefs de Poudlard- et celle du professeur McGonagall qui devait s'assurer que le hall était nettoyé et surtout essuyé de toute l'eau que les élèves avaient ramené de dehors et surtout des bombes à eau de Peeves, l'esprit frappeur.

Caius s'attendait à voir d'autres personnes pour ce festin, ayant reçu des informations grâce à des portraits bien placés au ministère de la Magie. C'était l'avantage de vivre dans le manoir ancestral de la famille Selwyn et d'être de la branche principale. C'était l'unique avantage.

Bien que Caius était fils d'une vieille famille de sorciers millénaires, remontant sûrement aux romains même qui s'étaient implantés en Bretagne, il n'était pourtant pas vêtu d'un uniforme neuf, comme beaucoup de ses camarades de maison. La branche principale des Selwyn avait perdu de sa splendeur et surtout sa richesse. Il ne restait plus que le vieux manoir et quelques terres envahies par une forêt. Sa robe de sorcier avait appartenu à son père, décédé quand il avait deux ans, à peine. Son pantalon n'était plus d'un noir somptueux mais délavé et terne. Sa chemise blanche, un peu jaunie, était un héritage de son grand-père qui avait étudié dans les années trente à Poudlard, et les boutons avaient été remplacés par des morceaux de carrelage de la salle de bain du manoir par sa grand-mère. Pas de pull, malgré le temps froid de ce jour de rentrée. Sa cravate était un peu dénouée, rayée de vert et d'argent. C'était les couleurs de sa maison, Serpentard. Il leva les yeux vers le plafond au moment où un éclair éclata à l'extérieur et passa à travers l'enchantement. 

Il soupira et observa à nouveau les professeurs. Le minuscule professeur Flitwick, qui enseignait les enchantements, était assis sur une épaisse pile de coussins, à côté de Mrs Chourave, professeur de botanique, qui portait un chapeau posé de travers sur ses cheveux gris en désordre. Elle bavardait avec le professeur Sinistra, chargée de l'astronomie. De l'autre côté, on apercevait le visage cireux, au nez busqué, de Rogue, le maître des Potions et le directeur de Serpentard. Le professeur de runes, Mme Babbling souriait en écoutant l'histoire du professeur Vektor qui enseignait l'arthmancie. Au centre de la table, vêtu de sa magnifique robe de sorcier vert foncé brodée d'étoiles et de lunes,
était assis le professeur Dumbledore, le directeur du collège, ses longs cheveux et sa barbe argentés scintillant à la lumière des chandelles. Dumbledore avait joint ses longs doigts fins sous son menton et contemplait le plafond à travers ses lunettes en demi-lune, comme perdu dans ses pensées.