Le dernier mensonge

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Lorsque Harry émergea de la Pensine, une vague de désespoir l'envahit. Il tituba en s'éloignant de la vasque de pierre, le poids des révélations récentes pressant sur ses épaules comme un étau. Le bureau du directeur était sombre, seulement éclairé par quelques lueurs émanant des fenêtres et des chandelles vacillantes. Rogue se tenait près de l'une des fenêtres, la silhouette raide, ses épaules affaissées. Son profil était figé dans une expression d'intense contemplation, sa silhouette nimbée par l'éclat lunaire.

Harry sentit un étrange calme l'envahir alors qu'il regardait cet homme, dont les actes et les motivations s'étaient enfin révélés clairement. Rogue, le traître, le tortionnaire, l'homme le plus détesté de Poudlard. Mais maintenant, Harry comprenait enfin l'ampleur du sacrifice et du dévouement que Rogue avait manifestés tout au long de ces années. Le silence entre eux était lourd de sens.

Ils restèrent muets. Chacun dans ses pensées, immobiles.

Enfin, la vérité, se disait Harry. Assis sur le tapis poussiéreux du bureau où il avait autrefois cru apprendre les secrets de la victoire, Harry avait finalement compris qu'il n'était pas censé survivre. Sa tâche consistait à marcher calmement vers les bras accueillants de la mort. Au long du chemin, il devait détruire les derniers liens qui rattachaient Voldemort à la vie. Ainsi, quand il finirait par se jeter en travers de sa route, sans même lever sa baguette pour se défendre, l'issue serait claire et nette, le travail qui aurait dû être accompli à Godric's Hollow serait terminé : ni l'un ni l'autre ne vivrait, ni l'un ni l'autre ne pourrait survivre.

Il sentit son cœur tambouriner furieusement dans sa poitrine. Il était étrange que, dans sa peur de la mort, il batte d'autant plus vite, le maintenant vaillamment en vie. Mais il allait devoir s'arrêter, et bientôt. Ses pulsations étaient comptées. Combien y en aurait-il encore pendant le temps qu'il mettrait à se relever, à traverser pour la dernière fois le château, à sortir dans le parc et à pénétrer dans la Forêt interdite ?
La terreur le submergea tandis qu'il demeurait étendu par terre, avec ce tambour funèbre qui battait en lui. Mourir était-il douloureux ? Toutes les fois où il avait cru que c'était la fin mais avait réussi à s'échapper, il n'avait jamais vraiment pensé à la chose elle-même. Sa volonté de vivre avait toujours été beaucoup plus forte que sa peur de la mort. Pourtant, en cet instant, il ne lui venait pas à l'idée d'essayer de s'échapper, de distancer Voldemort. C'était fini, il le savait, et il ne restait plus que le fait en soi : mourir.

Mais il savait autre chose. Quelqu'un l'attendait aussi. Caius avait sûrement compris aussi ce qu'il était. Bien sûr. Caius était intelligent. Dumbledore l'avait compris et en avait parlé à Rogue.

— Un étudiant qu'on ne remarque pas... Qu'on oublie même... et pourtant... C'est lui, Severus qui risque de mettre un point final à tout ça.

— Et les runes dans son dos ?

— Si Caius est le garçon que je pense, cela ne l'arrêtera pas, avait dit Dumbledore avec une certitude, les yeux brillants de fascination.

Harry était soulagé, bien qu'il devait y aller. Mourir. Un autre terminerait alors le travail. Et puis, Hermione et Castor savaient aussi quoi faire.

Rogue tourna lentement la tête pour regarder Harry. Ses yeux étaient marqués par des cernes profonds, et ses lèvres étaient pincées en une fine ligne.

Harry se leva.

Ils se regardèrent pendant un long moment, puis Harry acquiesça lentement. Le souvenir de sa mère, Lily, planait sur eux comme une ombre bienveillante, reliant les deux hommes à travers le temps et la douleur. Pour elle, Rogue avait tout fait pour le protéger, à sa manière, invisible, dans l'ombre. Pour elle, il avait abrégé la souffrance d'un vieux mage. Pour elle, il pleurait la mort de son fils. Harry regardait les larmes sur les joues de Rogue.

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