Chapitre 11.

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Tyler

21 mars – Hôtel The Sherry Netherland, NY

Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Après mon départ du salon de tatouage hier, j'ai tourné en rond dans ma chambre d'hôtel comme un lion en cage. Je lui ai laissé un mot, un putin de mot comme un adolescent stupide. Je l'ai fait comme ça, sans réfléchir. Mes doigts le lui ont écrit comme si mon cœur les dictait. Ce n'est qu'une fois sur le trottoir que j'ai réalisé ce que j'avais noté sur ce bout de papier à la con. J'ai alors tout de suite oscillé entre le regret et l'anxiété.

Mon cœur n'a qu'une envie : qu'elle accepte et vienne me rencontrer à mon hôtel. Le reste de mon être, quant à lui, regrette de le lui avoir indiqué.

Au fil des années, la noirceur en moi n'a cessé d'augmenter. Je ne peux rien lui apporter de bon, je ne sais absolument pas comment on s'y prend. La seule chose pour laquelle je suis doué, c'est écrire ma musique, et pour se faire, je me suis isolé de tout ce qui pourrait m'en détourner. Mais j'ai également plongé dans les pires vices pour nourrir ma créativité... J'en ai essayé des choses, un tas. Certaines que j'ai regretté, d'autres qui m'accompagnent encore dans mes moments les plus sombres...

Lorsque je l'ai vu hier, avec cette fougue dans ce regard entouré de sa chevelure rouge, j'ai eu l'impression que les flammes de l'Enfer se dressaient devant moi. C'était la tentation incarnée, comme une nouvelle drogue que je n'avais pas encore testée et qui m'appelait pour être goûtée. Mais d'un autre côté, la force qu'elle dégageait lui donnait un aspect solaire. Un brasier d'innocence. Je ne peux pas risquer de l'embarquer avec moi dans mon obscurité.

Je regarde mon téléphone qui m'indique treize heures en m'asseyant sur le rebord du lit difficilement, ma tête va exploser. La bouteille de whisky que je me suis enfilé toute la soirée n'a sûrement pas aidé. J'étais obligé de la boire, ce liquide brun m'a permis de chasser ces vieux démons qui surgissaient tout autour de moi, mais il m'a aussi aidé à endurer cette attente interminable. Celle de ne pas savoir ce qu'elle penserait lorsqu'elle découvrirait mon mot... J'en ai profité pour gratter quelques lignes dans le carnet qui me suit partout, celui dans lequel je note toutes mes idées de paroles.

Merde, la revoir m'a vraiment mis à l'envers, dans tous les sens du terme.

Je suis passé par toutes les émotions possibles : le désir, l'espoir, l'envie, la colère, la peine... Sauf que moi les émotions, je ne les désire pas, aucune d'elles. Je les fuis comme je l'ai toujours si bien fait jusqu'à présent.

Après m'être frotté le visage, je jette un coup d'œil à toutes mes notifications. Plusieurs messages dans le groupe qu'on a avec les gars des Mystic Bats. Ils étaient déçus que je refuse leur invitation à sortir dans un bar hier soir, ça a sûrement dû les étonner d'ailleurs, ce n'est pas dans mes habitudes. Dylan m'a même demandé comment s'appelait l'heureuse élue du soir, pensant que j'avais sûrement prévu de me taper une fille pour refuser leur proposition.

Si seulement il savait que je me suis bourré la gueule à cause d'une fille...Putin.

Je fais défiler les photos qu'ils m'ont envoyé, toutes plus déjantées les unes que les autres. J'en connais d'autres qui ne doivent pas être très frais à l'heure qu'il est. Je rigole en les imaginant décuver dans les chambres à côté de la mienne.

J'ai également un appel manqué de notre agent, Henry.

Vu les photos que les mecs m'ont envoyées, ça craint s'il m'appelle...

Je décide de le rappeler après avoir pris ma douche, pour le moment les vapeurs d'alcool m'embrument un peu trop le cerveau.

Je fais couler l'eau brûlante et me glisse sous celle-ci. Les mains appuyées sur le marbre de la paroi, je ferme les yeux et laisse l'eau glisser sur mes cheveux, puis dans mon dos. J'ai l'impression qu'à mesure qu'elle longe mon corps, elle me débarrasse de toutes ces pensées qui m'ont agité toute la nuit. Je respire enfin et parviens à faire un peu le vide. Je voudrais rester ici pour l'éternité mais j'entends soudain le téléphone de la chambre.

Foutu DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant