20.2. « Ça a toujours été toi »

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— Qu'est-ce que tu fais sous la pluie ? On parlera plus tard. Va t'abriter, tu vas tomber malade ! grondé-je à travers le vacarme des éléments.

— Je reste avec toi. Jacob, je suis désolé !

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Je suis désolé d'être distant, quand je meurs pourtant d'envie d'être avec toi. Je suis désolé si je donne parfois l'impression de te repousser.

Je n'ose pas répliquer, interdit. Désarmé par sa sincérité. Saisi par ses mots inattendus.

— Quand je me sens submergé, parfois, je fais n'importe quoi. Tu sais que j'ai du mal avec les sentiments... Je me protège, sans même m'en rendre compte. Et je réalise que je t'ai blessé, ce soir...

Il termine sa tirade essoufflé. Je reste pantois, sonné par cette déclaration. Avec lui, c'est tout ou rien. Il s'accroche à moi, à présent, la tête réfugiée contre mon épaule, sans cesser de réciter une litanie d'excuses. D'un geste tendre, je caresse ses cheveux. Par chance, personne ne peut nous surprendre dans ce parking sombre, désert. La pluie nous trempe jusqu'aux os. La terre pourrait bien trembler et se fendre en deux sous nos pieds, nous ne renoncerions pas à notre etreinte en cet instant, fusionnels.

Il relève la tête et se rue sur mes lèvres. Nous partageons un baiser au goût de pluie et de sel, un baiser au goût de vérité.

— Viens, je te ramène à la maison.

Sujet aux rhumes, il file se réchauffer sous la douche dès notre arrivée dans son appartement. Quant à moi, je retire ma chemise et prends place sur son fauteuil de bureau, dans un simple débardeur. Avec une consternation amusée, j'examine sa table de travail laissée dans un beau désordre, à l'image de son caractère. On ne peut pas dire que ce jeune homme soit très organisé, ni très constant.

Il sort de la salle de bain dans un nuage de buée, vêtu d'un de ses shorts courts, et me tend une serviette. Je sèche mes cheveux humides sans le quitter des yeux. Cette image intime, toute domestique, me donne des papillons dans le ventre.

— Tu te sens mieux ? m'assuré-je.

Mes doigts se glissent dans ses cheveux mouillés.

— Oui.

— Viens là.

Je passe d'abord un bras au creux de sa taille pour l'enlacer avec pudeur, Luan me surprend en s'installant hardiment sur mes genoux, crocheté à ma nuque. De ses cuisses fermes, il emprisonne mes hanches. C'est bien la première fois qu'il initie ce type de rapprochement sans équivoque...

— Tu es un sacré numéro, toi. Si imprévisible, soufflé-je en dégageant quelques mèches de son front.

— Je suis désolé pour tout à l'heure.

— On doit encore s'ajuster, nos caractères sont différents. Je me sens déjà chanceux que tu m'aies choisi, que tu m'aies fait confiance.

— Ça a toujours été toi, Jacob, me révèle-t-il tout bas.

Je fonds sous sa douceur inédite, intimidé par ses grands yeux innocents. Je ne résiste pas à enserrer sa taille et à nicher ma tête au creux de son cou pour un câlin à l'odeur toute fraîche d'amande. Dehors, le tonnerre gronde toujours. Ma bouche picore la chair tendre sous son oreille.

— Tu sens bon... reniflé-je.

Je sème une pluie de baisers humides sur sa peau tiède, jusqu'à sa clavicule, envoûté par les quelques grains de beauté qui disparaissent sous son tee-shirt. Une invitation à en découvrir plus... Zone interdite. Sur chacun d'eux, je jette des lèvres tendres.

Mes mains s'invitent sous le tissu pour sentir ses hanches, dérapant jusqu'à la naissance de son dos. Le souvenir de notre scène d'amour à Santa Catalina s'invite dans mes pensées. Luan frissonne déjà sous mon toucher, j'ai là un aperçu de sa sensibilité, et ça me donne si chaud. Craignant presque de le briser, j'embrasse la coquille de son oreille du bout des lèvres. Complexé, Luan les estime trop petites. Moi, je les adore. J'aime tout, chez lui. Je ne sais comment, son lobe atterrit entre mes dents. Je le mordille.

— Jacob... gémit-il, pantelant.

Ses cuisses fines coulissent sur les miennes, ses fesses bombées se meuvent contre mon entrejambe. Une gerbe de chaleur se diffuse dans mon bas-ventre, absolue, écrasante. Danger. Je me redresse, avec l'intention de réprimer le désir qui grimpe en moi, telle une fusée lancée à grande vitesse. Je frotte sa lèvre inférieure de mon pouce, obsédé par leur volupté. Nos yeux s'attachent.

— Tout ce que je veux, c'est que tu te sentes bien, mon ange...

Un mosaïque pourpre apparaît à la naissance de son cou sous l'effet de ce petit nom interdit. Pour la première fois, Luan ne proteste pas, acceptant mon aveu de tendresse.

— Tu me fais me sentir si bien, Jacob, soupire-t-il.

Sous l'ombre de ses longs cils, je décèle l'ébauche d'un crépitement. Mon rythme cardiaque s'accélère. J'ai la bouche sèche, soudain, assoiffé de la sienne. Luan promène son regard désormais brûlant sur mes bras. Animé d'une audace inconnue, il palpe mes biceps.

— Tu aimes ce que tu regardes ? m'amusé-je, assorti de mon sourire narquois.

— C'est étrange, j'aime me sentir vulnérable entre tes bras. Je n'avais jamais ressenti ça avant. Je crois que j'aime ta beauté... virile.

Il se mord la lèvre, gêné de cette confession. Luan est si différent, ce soir, comme si le fil de sa résistance avait enfin rompu. Il enroule ses bras dans mon dos, sa joue se colle à mon torse. Il remue encore, ses hanches adhèrent aux miennes. Je respire péniblement dans son cou, le berçant presque. Mais ça n'a plus rien d'inoffensif. Mon sexe se réveille peu à peu sous cette proximité dangereuse, suffocante. Bientôt, nous voilà rendus muets. Nos souffles irréguliers et le froissement de nos vêtements, sous l'action de nos corps tendus l'un vers l'autre, comblent le silence.

Au loin, je perçois le crépitement réconfortant d'une pluie faible sur les carreaux. L'orage a disparu.

Mes mains, tremblantes et avides, remontent le long de ses cuisses nues, si sensuelles. Je pince cette chair lisse. Troublé. Impatient. Luan, lui, écarte les jambes et balaye les dernières miettes de ma raison : il commence à rouler des hanches.

Oh, putain.

The Making-of UsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant