24.3. « Joyeuse Saint-Valentin »

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Je me fige. Mon cœur tonne entre mes côtes comme un tambour. Fracas désordonné dans mes fibres, ondes assourdissantes à mes tempes. Jacob se redresse, me considère avec embarras, l'air d'avoir commis une erreur, provoqué un accident.

— Excuse-moi... tu n'es pas obligé de répondre.

Encore sous le choc de ces mots si purs, si simples, je ne dis rien. Je prends lentement conscience qu'ils ne me repoussent pas, au contraire, ils m'enveloppent telle l'onctuosité d'un baume protecteur. Je pose ma main sur sa joue rugueuse d'une barbe naissante, me noie dans ses billes nocturnes ; elles recèlent le danger d'un ciel tourmenté, ou le calme d'un lac au matin, après les ravages d'une tempête.

— Je t'aime aussi... Jacob Darcy.

— Oh, mon ange... Je t'aime, je t'aime, je t'aime, Luan Kittiwat, récite-t-il sans plus pouvoir s'arrêter.

Il m'étreint si fort que je ne sais même plus où se trouvent les limites de nos deux corps.

Je n'ai pas dormi de la nuit.

Je gémis dans mon oreiller en battant des jambes sous l'excitation. Jacob m'aime, il m'aime... ! Je l'avais deviné, mais entre l'entendre à demi-mot en public et le recevoir si limpidement dans l'intimité, rien de semblable. Je frissonne, fiévreux. Ces mots, je ne les prononce pas à la légère, jamais. Ils équivalent à un pacte de confiance, à une promesse indélébile.

Une vibration me tire de ma somnolence. Je saute sur mon téléphone abandonné entre les draps. Jacob m'a envoyé un selfie depuis sa chambre d'hôtel. Il paraît fatigué, mais toujours aussi beau. « Je suis bien arrivé. Prends soin de toi en mon absence. Je t'aime ». Je ne vais jamais pouvoir me rendormir. Je pourrais peut-être bien ne plus jamais dormir.

Le lendemain, hagard, encore épuisé par cette nuit trouble, je ne manque pourtant pas de suivre son évènement en direct sur mon ordinateur. Je pique du nez, sirotant paresseusement un chocolat chaud.

— Qu'avez-vous mangé le soir de la Saint-Valentin ? l'interrogent des fans trop curieux, avant le concert.

— Un gros chat, répond Jacob, en fixant la caméra.

Je m'étouffe avec ma boisson. Un gros chat ? Est-ce que j'ai l'air d'un gros chat ? Il ne perd rien pour attendre. Malgré la distance, on s'appelle chaque jour. « Tu es timide ? Ne fuis pas mon regard. » Comment soutenir ce regard lourd de sens, et ces lèvres qui me murmurent des paroles si cruellement douces ?

Mais Jacob ne m'a pas seulement offert des formules tendres, il m'a aussi dit : « J'ai envie de te déshabiller. » « Tes lèvres me manquent. » « Je veux goûter ta peau. »

Nos retrouvailles ont été explosives.

Ce soir-là, nous étions conviés tous deux à un dîner mondain. Mon partenaire est arrivé directement de l'aéroport, suscitant la méfiance du public : une menace se profile à l'horizon. Une étrange épidémie, venue de Chine, commence à se répandre sur le continent. On parlait d'une gripette ces dernières semaines, le discours officiel est en train d'évoluer, les craintes se renforcent. Il se murmure même une rumeur insensée : le gouvernement envisagerait de fermer les lieux publics, d'instaurer un couvre feu. Je n'ai que faire d'une potentielle maladie incrustée dans ses bagages. Je le veux.

Après la réception, mon bel amant nous conduit chez lui. À peine avons-nous passé le seuil de la porte, qu'il me soulève tel un fétu de paille. Mes jambes s'accrochent d'instinct à sa taille et il me jette dans son lit, dévorant mon cou de baisers affamés. Un animal aux abois.

— Tu m'as tellement manqué, ahane-t-il contre ma peau.

Je ne l'ai jamais vu aussi sauvage.

— Déshabille-toi, me somme-t-il.

Hypnotisé par cette émanation d'autorité, je m'exécute docilement, déboutonne ma chemise avec des gestes fébriles, impatients. En miroir de mon état, Jacob m'arrache presque mon pantalon, emportant mon boxer au passage. J'émets un cri de surprise tandis qu'il me bascule sous lui. Ses iris charbonneux, ardents, envahissent mon paysage.

— J'ai envie de te faire quelque chose dont je rêve depuis un moment, livre-t-il.

Je déglutis, partagé entre l'appréhension et l'ivresse. Sans rompre notre contact visuel, il embrasse mon ventre, son grondement satisfait déclenche de douces vibrations sur mon épiderme. Bientôt, il happe entre ses lèvres l'un de mes tétons dressé. Mordillé, suçoté, je deviens friandise sous ses attentions.

— Jacob...

Mon sexe palpite, déjà enflé et humide. C'est si bon. Jacob explore chaque parcelle de ma peau nue, un papyrus gravé de messages secrets. Puis, il glisse entre mes cuisses, prêt à percer mon plus grand mystère. Ma respiration s'accélère. Mes paupières se ferment sous l'afflux d'émotions. Quand son menton bute contre mon membre tendu, ma curiosité l'emporte sur ma timidité : je le découvre en train de s'humecter les lèvres. Ses pupilles m'évoquent deux gouttes de pétrole.

— Laisse-moi te sucer, murmure-t-il.

Ces quelques mots m'électrisent.

Je suis bien en peine d'articuler le moindre son intelligible, les sensations dévorent ma raison. Son souffle chaud caresse mon gland, sa langue le taquine avec une lenteur insoutenable. Enfin, il lape ce bouton de chair sensible, avant de m'engloutir tout entier. Je hoquette, bouleversé par cet écrin moite et soyeux coulissant autour de ma hampe. Des gémissements réguliers m'échappent, toujours plus sonores, surtout lorsqu'il me prend au fond de sa gorge. Me voici au supplice... J'ondule des hanches, en quête de délivrance.

— Plus... plus... supplié-je, le cerveau en coton.

Jacob vient me surplomber. Je vois trouble, mon corps n'est plus que roche en fusion. Un besoin de le sentir en moi s'impose brutalement.

— Qu'est-ce que tu veux ? souffle-t-il d'une voix rauque contre mes lèvres.

Je reste muet, sonné. Il saisit ma mâchoire pour m'obliger à le confronter. Jacob verbalise toujours ses désirs, m'encourageant à en faire de même. Aucune honte ne l'entrave, et cette liberté qui l'anime déteint sur moi.

— Dis-le moi.

J'avale ma salive.

— Tes doigts... en bas... entre mes cuisses, tu sais...

— Oh, bébé...

Tout en délicatesse, il écarte mes jambes, contemple mon intimité offerte. Instinctivement, je me raidis. Il caresse alors mes genoux, l'intérieur de mes cuisses. Dans l'une d'elles, il laisse l'empreinte d'un baiser carnassier. Il pourrait m'infliger ce traitement des heures sans jamais chercher à précipiter ma volonté. Le temps s'évanouit, la nuit s'étire à l'infini, et chaque frôlement m'entraîne dans de nouvelles profondeurs de bien-être.

— Détends-toi, mon ange...

Jacob promène un long doigt sous mes testicules, le porte à ses lèvres pour l'enduire de salive. Tout semble sous contrôle, je n'ai qu'à lui succomber. Installé à nouveau contre mon pubis, il tète paresseusement mon sexe, cajole mon extrémité de sa langue experte. Là je le sens... le bout de son index qui effleure mon orifice serré. Ça m'attise au plus haut degré, tout atome de pudeur s'évapore. Sa première phalange m'ouvre prudemment, et quelque chose de violent déferle au creux de mes entrailles. Je tente de retenir cette sensation, de le garder encore au fond de moi, mais mes efforts sont vains ; je jouis sans prévenir dans la bouche de Jacob qui m'avale volontiers.

— Jacob, je suis désolé... m'excusé-je piteusement, après avoir émergé des brumes de l'orgasme.

Mon amant me fait face, sourire canaille, lèvres brillantes.

— Ne t'excuse pas, tu es délicieux.

Cette nuit-là, j'ai dormi de mon meilleur sommeil entre les bras de ce sorcier de l'amour, apaisé, heureux, traversé de songes à l'indécence pure. J'en veux tellement plus. Toujours plus.

Je me sens prêt à m'offrir à lui.

Et ça tombe bien, son anniversaire approche...

The Making-of UsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant