Chapitre 9

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~ Amon ~

alone in wanting to please

❁8 ans❁

Mes yeux se ferment tout seul, j'ai la tête posée sur mes bras posés sur mon bureau et ça fait dix bonnes minutes que le professeur parle dans le vide.

Mes iris suivent mes pensées et s'évadent par la fenêtre, le vent frais caressant ma peau, mes mains s'agrippant à la roche, le harnais qui me sert la taille un peu trop fort, la chaleur sous le casque de sécurité, mes genoux raclant les cloisons verticales.

- Monsieur Amon ! Je vous prie de rester concentré ! Cette partie de la leçon est la plus complexe.

Qui est-ce qui me parle ? Ah oui, c'est vrai.

- Oui Monsieur, excusez moi.

Je me redresse sur mes coudes et pose mon crâne dans le creux de mes paumes. Mes paupières sont lourdes, ça fait trois jours que je ne dors plus, j'ai peur que Gédéon et Grand Coquin viennent me chercher dans mon sommeil pour m'emmener et me transformer en quadrupède. Oui, car les ânes sont des quadrupèdes mammifères, comme quoi j'écoute quand même ce que dit mon maître. Toutes les nuits depuis mon entrevue avec maman, je passe chaque minutes dans la pénombre, les yeux grands ouverts à guetter le moindre mouvement suspect, mon cœur ne descend pas en dessous des 160 battements par minutes, ça aussi j'ai appris à le calculer avec mon maître.

Après la fin du film, la dernière fois, maman est partie en me laissant tout seul sur son grand canapé, je n'ai pas réussi à retenir mes larmes, c'est sans doute pour cela, je l'ai déçu, je la comprends. Je suis resté tout seul sur ce grand canapé, à sangloter comme un bébé, je fais vraiment honte n'est-ce pas ? Maggy est venue me chercher trois heures plus tard. Elle m'a dit qu'elle s'était inquiétée et qu'elle m'avait chercher dans tout le domaine. Je lui ai sourit et lui ai dit que j'allais bien. J'ai menti. Mais je ne voulais pas qu'elle soit triste à cause de moi, décevoir deux personnes est déjà suffisant.

Morphée arrive en plein cours et je ne m'en rend même pas compte, elle me tient compagnie un long moment et s'en va quand le professeur me secoue l'épaule, en même temps je suis le seul élève dans la classe, qui n'est pas une classe mais une petite pièce avec un tableau et deux tables, la mienne et celle de mon enseignant. Je fais ce que les autres, les domestiques, appellent "l'école à la maison", moi j'appellerai ça plutôt "l'inutilité à la maison" ce mec passe des heures à faire cours un un gamin incapable de comprendre quoique ce soit et qui n'attend qu'une chose, se barrer. Tu parles d'une vie, le seul point positif, ça doit être la paie qu'il touche à la fin du mois, quelle autre motivation sinon ?

Il me laisse enfin sortir et je cours jusqu'au mur d'escalade dans notre salle de sport. J'adore l'escalade, c'est ma porte de sortie dans ce monde trop petit pour moi, qui ne suis pas bien grand. ça, et la basse électrique, les deux seules choses qui arrivent à me faire vibrer. Avec la basse, mon cœur, mon corps et mon âme sont en symbiose avec les ondes que j'émets, ça m'apaise. L'escalade me stimule de manière plus brutale. Quand je grimpe et que ma main dérape, mon cœur se décroche et j'adore cette sensation, j'ai l'impression que je vais mourir. Je me dis que si je tombe et que mon crâne se fracasse par terre, que mon sang se répand sur le sol, alors peut-être que papa et maman baisseront enfin les yeux sur moi, ils pleureront même, avec un peu de chance. Et peut-être que si je suis le meilleur dans cette discipline, alors ils m'aimeront un peu plus.

J'écorche mes doigts sur les accroches du mur en m'élevant dans la pièce. je n'ai pas mis mes sécurités, je ne les mets jamais quand je suis seul, j'ai envie d'être moi-même, au moins quand il n'y a personne autour de moi. Être à plusieurs mètres au-dessus du sol me permet de réfléchir, de mettre mon cerveau en apesanteur et de penser au ralenti.

Eternal DarknessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant