𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟏- la sélection : 𝐈

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soundtrack ; lux aeterna

Mes paupières se ferment doucement, trahissant une fatigue interdite dont je suis victime depuis ce matin. Je cligne des yeux violemment pour me sortir de mon état de demi-sommeil et reprendre mon activité rapidement. Je me saisis d'une aiguille en baillant discrètement et continue les finitions d'un ourlet de jean de travail. Je tente de me concentrer sur ma dure tâche mais mon esprit divague.

Mes yeux scrutent l'horizon malgré moi, se focalisant sur les grands bâtiments sombres qui se dressent à perte de vue sous la grisaille quotidienne du ciel. L'odeur des usines qui m'est trop familière atteint mes narines, me provoquant une quinte de toux.

Je continue de passer l'aiguille machinalement dans le tissu lorsqu'une douleur vive me provoque un sursaut, me sortant vite de mes pensées.

Aïe, je murmure silencieusement en regardant la tâche rouge vif que l'aiguille a laissé sur mon doigt.

Je soupire et attrape un pansement qui se situe dans un bocal posé sur une étagère à ma gauche. Dans le district 8, les blessures de ce type sont habituelles, ce qui explique la présence de matériel de premier soin disposé de part et d'autres des usines de textile. Les conditions de sécurité sont rarement réglementées provoquant souvent des accidents graves chez les jeunes travailleurs, comme des membres coupés ou des hématomes en tout genre. J'enroule le bandage autour de mon doigt et le sert fortement en serrant les dents.

Une fumée épaisse et foncée m'atteint, me provoquant un nouvel épisode de toux violente. J'entends ma voisine de derrière soupirer de mécontentement et se frotter les yeux, sûrement perturbée aussi par cette brume toxique. Je tourne la tête vers la petite horloge fixée au mur.

Plus que dix minutes, je pense en jubilant.

Ce soir, nous finissons une heure plus tôt qu'habituellement, en raison de l'annonce du président Snow, annonce qui, selon la rumeur, révèlerait une édition spéciale pour les 25èmes Hunger Games. Je ne sais qu'en penser, intérieurement je pourrais avoir peur mais j'ai du mal à imaginer comment une quelconque modification des jeux pourrait anéantir les districts plus que ce n'est déjà le cas.

Je m'apprête à finir le vêtement sur lequel je m'acharne depuis une heure quand un cri glaçant retentit. Je me retourne en sursaut, imitée par les autres, fixant avec effroi la scène qui se dresse devant nous.

Un jeune garçon d'une douzaine d'années se tient livide, fixant son doigt rouge vif dont le bout manque. Encore un accident, je pense indifférente. Mes années de travail m'ont dénuée de toute forme d'empathie concernant ce genre d'évènements. Quand on est habitué à voir les pires incidents se produire avec l'incapacité et surtout l'interdiction de réagir, on se retrouve démuni de toute compassion. Je l'ai appris avec le temps.

Le jeune garçon hurle de douleur tandis que des pacificateurs se ruent vers lui avec violence, le forçant à reprendre son travail malgré son membre manquant. La règle est la règle, il nous reste trois minutes de travail et cet enfant ne pourra pas être soigné avant. Une règle cruelle que nous avons tous appris à nos dépends au fil des années.

Je regarde l'enfant du coin de l'œil, son état est inquiétant. On peut apercevoir la chair à vif émanant de son doigt coupé ce qui me provoque un haut le cœur. Je suis capable d'imaginer la douleur qu'il ressent à cet instant.

La sonnerie retentit dans un soulagement collectif. Tous les travailleurs rangent leurs affaires et regagnent la sortie dans un mouvement de foule impressionnant. Des soignants se précipitent vers le jeune garçon au bord de l'évanouissement et l'embarquent dans un lit de secours. Ils veulent le remettre sur pied pour demain, le jour de la moisson.

𝐇𝐮𝐧𝐠𝐞𝐫 𝐆𝐚𝐦𝐞𝐬. édition 25 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant